Israël-Palestine : marche forcée vers le pire semblant se répéter à l’infini, sans ne jamais sauter une ligne, une étape, d’un scénario connu à l’avance. Lequel est-il ? Il y a d’abord le Hamas et son extrême-toxicité sur le contexte strictement palestinien. Puis des roquettes palestiniennes touchant nombreuses, très nombreuses, le sol israélien. Puis la riposte. L’élimination ciblée, par Tsahal, de tel ou tel chef terroriste. Puis l’escalade. Un camp crie vengeance, il pilonne les villes frontières puis le cœur même de l’Etat hébreu. Ce dernier n’est pas en reste. Des répliques israéliennes sans concession répondent aux Qassam. Celles-ci occasionnent, comme on le redoutait, les premiers morts. Les images font le tour du monde. Elles ont, sans qu’on ne l’explique vraiment, dès lors qu’elles proviennent de Gaza ou de Tel-Aviv, une résonance sans pareil…
Face au réel, le silence de l’extérieur devient impossible et la pression médiatique commande la prise de position. Impuissante, la communauté internationale appelle au calme et tente de vaines médiations. Otage des vétos de toutes origines, l’ONU, comme hier la SDN, ne peut rien. Rien ne se calme jamais vraiment sur le terrain. Et lorsque finalement cela semble s’arrêter, il s’agit en fait d’une courte interruption précédant le retour aux bonnes vieilles habitudes de l’affrontement…
A mesure que les heures passent, une impression domine : celle de l’inexorabilité de la marche vers un nouvel épisode belliqueux entre deux voisins que rien ni personne ne semble aujourd’hui capable de réconcilier. Loin du terrain, outre l’essentiel travail d’explication dépassionnée du conflit et les diverses tentatives de promotion d’une résolution pacifique, il n’y plus alors qu’à scruter CNN, les chaînes arabes, la presse israélienne, Twitter et Youtube. Là, partout, le même sentiment domine, celui de la reprise de vieux réflexes journalistiques. Diffusion d’images de roquettes fumantes dans le ciel proche-oriental, scènes propagandées d’exposition macabre des corps et déclarations solennelles des états-majors qui s’affrontent. On ne le répètera jamais assez mais, bien au delà de la banale opposition armée, le conflit israélo-palestinien consiste en une gigantesque guerre d’images. A quelques kilomètres du champ de bataille, des cellules de communication travaillent ainsi très activement à redorer le blason des protagonistes d’une guerre-virus qui, du Caire à Washington en passant par Paris, s’insinue partout dans les conversations pour devenir globale.
Depuis deux jours, cette guerre médiatique s’empare de nouveaux médias. Les bruits de bottes se font entendre sur Twitter et Youtube et nos belligérants hyper connectés s’adonnent à l’extrême obscénité de la tweet-war. Mercredi dans la soirée, le compte Twitter du porte-parole de l’armée israélienne commençait par poster ceci : « Nous recommandons qu’aucun des membres du Hamas, qu’ils soient en bas de l’échelle ou hauts dirigeants, ne mette le nez dehors dans les jours à venir. » La riposte virtuelle des Brigades Al-Quassam, branche armée de l’organisation palestinienne, ne tarda évidemment pas à arriver. Une déclaration dont le style mélange vocabulaire pieux et haine d’un autre temps : « Nos mains bénies toucheront vos dirigeants et soldats où qu’ils se trouvent (vous avez ouvert les portes de l’enfer sur vous-mêmes). » No comment (même Mathieu Kassovitz, habituel trublion du réseau social, en resta sans voix…). Ajoutez à cela le fait que fleurissent sur Instagram (application photo en vogue) les clichés esthétisés d’un conflit en cours et vous obtiendrez un trouble profond et durable pour qui voit la guerre sans y être habitué. Oui, il y a une véritable obscénité à présenter un conflit avec un tel détachement. Non, la guerre, même si l’on y est habitué en Israël et en Palestine, n’est pas un spectacle que l’on regarde par la fenêtre en twittant. Il y a une faute incroyable des communicants à jouer de la sorte avec les codes du gaming (jeux de guerre) faisant ainsi muer une guerre qui fait des morts en semi-virtualité markétée et offerte à tous.
Sionistes, pro-palestiniens et/ou supporters d’une solution pacifique, ne tombez pas dans le piège d’un glissement de la réalité vers le virtuel, il ne servira pas votre cause…
PS : je voulais ecrire le silence , merci de corriger .
Certes une banalisation de l’immonde est irrecevable .Par ailleurs le sience de BHL dans sa propre revue reste suspect ! Il s’eleve contre la realite du Soudan et refoule a ce jour son rebond sur Israel !
A quand un article epistemologique comme on aime venant de lui !
Vanessa De Loya
Psychanalyste
Bravo pour cette analyse.
Du coup, je pense (avec modération) à Guy Debord et « la société du spectacle ».