Que faisons-nous de nos souvenirs lorsque le temps fait son œuvre ? Qu’advient-il des lieux où nous avons vécu, aimé, pleuré lorsque nous étions adolescents ? Autour de nous les gens changent-ils vraiment avec les années ou bien sont-ce nos critères qui les rendent subitement différents? Ces questions sont posées dans Camille Redouble, le film de l’actrice et réalisatrice Noémie Lvovsky. À l’écran, c’est un retour dans le passé qui s’opère, thème classique du cinéma s’il en est et, de fait, exercice très périlleux. Périlleux car, à grands renforts d’effets spéciaux, Hollywood a usé jusqu’à la corde l’idée du voyage dans le temps. Périlleux donc car reproduire le même effet dans une production français, avec des moyens évidemment moindres, pourrait vite tourner au désastre. Heureusement, en France, on n’a pas de pétrole mais on a de (bonnes) idées. Et Noémie Lvovsky est un trésor de finesse.

Se trouvant subitement replongée en 1983, Camille, protagoniste oscillant entre anti-héros puis véritable héroïne, va retrouver le futur amour de sa vie, des parents bienveillants qu’elle avait parfois (souvent ?) la mauvaise idée d’ignorer dans les grandes largeurs mais aussi la bande-son de ses années lycées : Katrina & the Waves, Bananarama, Nena. Camille, actrice un peu ratée, grave et mélancolique dans sa vie d’adulte va donc redoubler. Elle redouble car elle a certainement raté quelque chose. Elle redouble puisqu’elle a perdu de vue les vraies priorités : sa fille, l’amour de sa vie, un bonheur pourtant à portée de main. Elle revient donc au début des années 1980, instant décisif, moment d’insouciance enfantine et de gravités adultes : la vie, avec ses hauts et ses bas, arrive…

Tous les acteurs, tous sans exception, jouent juste. Les seconds rôles sont fouillés, profonds, jamais anecdotiques. Cela n’est pas vraiment surprenant. La carrière de Noémie Lvovsky est faite de ces rôles moins dans la lumière qu’elle parvient à sublimer jusqu’à les rendre primordiaux.

Les mérites s’enchainent, les bémols sont rares voire inexistants. Pour une fois, la bande-annonce promotionnelle ne dit pas tout du film que l’on s’apprête à voir. On entre dans les salles obscures en pensant voir en Camille Redouble un spectacle léger et amusant. Il n’en est rien. Lvovsky signe là un film profond, mélancolique, non pas simplement amusant mais véritablement drôle et surtout, oui, surtout, sensible.

J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps pendant et après la séance. Je suis resté sonné un bon moment puis, ayant retenu les leçons pleines d’humanité de Noémie Lvovsky, je suis allé voir mes parents et grands-parents tant qu’il en est encore temps…