Toute une génération a vu le premier American Pie, récit de formation d’une bande d’adolescents américains.

À presque trente ans, on se remémore avec nostalgie ces soirées entre amis, où l’on faisait part de ses désirs pour la première fois. Ceux-ci prenaient forme, s’intégraient peu à peu aux conversations, occupaient une place centrale dans nos vies. On en parlait car c’était une première façon de les assouvir. Et ils grandissaient encore et encore. Puis un jour, ils ont arrêté de s’étendre. Nous sommes devenus des adultes. Tel est le point de départ du quatrième American Pie, qui s’adresse explicitement à cette génération qu’il a accompagnée.

Jim s’est marié avec Michelle et ils ont un enfant. Oz est devenu présentateur télé et vit avec une nymphomane extravagante. Finch fantasme toujours sur la mère de Stifler. Kevin et Vicky sont séparés. Stifler rêve d’être le patron de l’entreprise où il travaille. Tous se retrouvent à l’occasion d’un week-end organisé par leur ancien lycée. Treize ans après avoir conclu le fameux pacte par lequel ils perdirent leur virginité, les voici à nouveau confrontés à leur sexualité.

Les situations se sont renversées. Jim, jadis obsédé par le sexe, décline les offres d’une jeune lycéenne. Les anciens jeunes loups comme Oz sont devenus des perdants. Et inversement, Finch qui était surnommé Pause Caca, connaît un immense succès auprès des femmes. Les blagues d’antan peuvent désormais se changer en délits. Stifler, afin de taquiner une bande de garçons sur la plage, leur vole leur jet ski. La jeunesse, elle aussi, a changé, les lycéens d’aujourd’hui ne sont plus ces jeunes frustrés que la bande de trentenaires était à leur âge. Ils déploient une vie sexuelle débordante, et suscitent la convoitise des adultes qui ne peuvent se permettre de les approcher de trop près.

A trente ans, les désirs sont toujours là, mais nous sommes obligés de les freiner. Nous ne sommes plus le centre du monde. Nous n’avons plus tous les droits comme lorsque nous étions adolescents.

American Pie 4 est, comme les précédents opus, le théâtre de nos fantasmes. Le premier de la série dressait une scène à des jeunes garçons, dévoilant leur intimité bourrée de honte et de tabous. Leurs désirs se trouvaient en butte à la société de manière crue ; ils étaient pris en flagrants délits, sur le vif. American Pie 4, lui, est le théâtre d’une sexualité codifiée, conformiste, qui est celle des trentenaires. Elle reste débordante de pulsions. Désir étouffé pour la jeunesse. Désir de vengeance chez Stifler, qui couche avec la mère de Finch. Désir de pouvoir. La scène est à nouveau dressée. Aux trentenaires d’en découdre avec ces problèmes.

Le film met en parallèle notre point de vue d’adolescent sur le monde, avec notre point de vue actuel. Les protagonistes ont grandi, mais se trouvent peu ou prou dans les mêmes situations que d’antan. Le décor n’a pas changé. Seules nouveautés : Facebook et les téléphones mobiles.

Le spectateur confronte ses désirs actuels à ses désirs d’adolescent. Sommes-nous toujours fascinés par ce qui nous fascinait alors ? Les jeunes loups aux dents longues d’autrefois ne nous apparaissent-ils pas comme des loosers aujourd’hui ? Au lieu de visionner les vieilles cassettes qui ont marqué notre adolescence, American Pie 4 nous emboîte le pas.

Et, en se chargeant du travail, il relève admirablement le défi.