Contexte

Les trois jeunes femmes ont participé le 21 février 2012 à la Cathédrale du Christ Saint-Sauveur à Moscou à une prière punk « Sainte Vierge Marie chasse Poutine ». Elles sont accusées de « vandalisme aggravé, d’incitation à la haine religieuse et de sabotage des valeurs et du fondement spirituel du pays ». Elles encourent alors 7 ans de prison pour une performance de 3 minutes.

Les jeunes femmes se déclarent « non coupables » et disent ne pas comprendre l’acte d’accusation car leur action avait un caractère politique et non religieux. Par leur action elles voulaient dénoncer le lien entre l’Eglise et l’Etat et exprimer leur indignation après l’appel du Patriarche de toute la Russie à la société orthodoxe à voter pour Vladimir Poutine et ne pas participer aux manifestations de contestation.

Rappel nécessaire, l’article 14 de la Constitution russe :

1. La Fédération de Russie est un Etat laïc. Aucune religion ne peut s’instaurer en qualité de religion d’Etat ou obligatoire.

2. Les associations religieuses sont séparées de l’Etat et égales devant la loi.

Citations des membres du groupe Pussy Riot :

« Je suis orthodoxe, mais mes opinions politiques sont différentes – que je dois faire ? Et je suis représentative de ma génération, j’ai beaucoup de questions sur le lien entre l’Eglise et l’Etat, et j’espère sincèrement que le Patriarche  Kirill pourra me donner des réponses car je compte beaucoup sur sa sagesse. Je pensais que l’Eglise aimait tous ses enfants, mais je me rends bien compte que même ici il existe une différenciation: l’Eglise n’aime que les enfants qui croient en Poutine. Je ne pense pas que l’Eglise Orthodoxe Russe doive appeler à croire en un quelconque président, je pense que son rôle est d’appeler à croire en Dieu » – dit dans sa déclaration Maria Alekhina, 24 ans, mère d’un petit garçon.

« Si quelqu’un a été blessé par notre action à la Cathédrale du Christ Sauveur, je suis prête à reconnaître que nous avons commis une faute étique. C’est justement une faute, puisque nous n’avons jamais eu l’intention d’insulter qui que ce soit. Et notre faute étique – je souligne étique et non criminelle – est liée au fait que nous ayons osé réagir à l’appel du Patriarche à voter pour Vladimir Poutine en faisant cette action à la Cathédrale, nous avons eu envie de partager notre position politique avec des spectateurs. C’est notre faute étique je la souligne et je demande pardon pour cela » – a déclaré Nadejda Tolokonnikova, 23 ans mère d’une petite fille.

« Je ne comprends pas le fondement de l’accusation et je considère que cette affaire est fabriquée pour des raisons politiques » – a dit Ekaterina Samoutsevitch, 29 ans.

Citations et échanges lors des 2 premiers jours du procès :

1er jour

L’accusation présente les témoins de l’affaire. Ils sont neuf et tous employés de la Cathédrale. Les premières questions que l’accusation pose à tous ses témoins sont : « Êtes-vous croyant ? Respectez-vous les traditions de l’Eglise Orthodoxe Russe ? Respectez-vous le carême ? » Le jugement se transforme très rapidement en inquisition.

L’accusation demande à la victime-témoin N.1 (une vendeuse de bougies à la Cathédrale) : « Comment pouvez-vous décrire leurs mouvements ? »

La vendeuse de bougies : « Des trémoussement diaboliques », « Elles ont souillé mon choix de vie! »

L’accusation : « Peut-on appeler cela de l’art contemporain ? »

La vendeuse de bougies : « C’était un trémoussement diabolique et non de l’art ! »

L’avocate des accusées Volkova demande au témoin de résumer la profession de foi. Le témoin ne répond pas. La juge rejette la question. La juge rejette plusieurs questions à la file des avocats des accusées.

Feygin, un des avocats des accusées : « Pouvez vous expliquer quelles blessures morales vous avez subit ? »

La juge : « La question est rejetée ! »

Polozov, un des avocats des accusées : « Vous avez qualifié leurs mouvements de trémoussement diabolique. Décrivez-les ».

La juge : « La question est rejetée ! ».

Samoutsevitch : « Est ce que la violation des règles de conduite dans une église est une faute criminelle ? ».

La juge : « La question est rejetée ! ».

Tolokonnikova : « Pour vous le mot “féministe” est une insulte? ».

Le témoin : « Dans la cathédrale – oui. C’est une insulte ! ».

Le témoin N2 (un paroissien) : « L’exactitude de leurs actes m’a donné l’impression que leur action a été commandité ».

L’accusation : « Vous pouvez répéter les mots qu’elles ont prononcé dans la Cathédrale ? ».

Le témoin N2« Il n’ y avait rien contre Poutine, il n’y avait que du blasphème contre le Seigneur ».

Polozov : « Êtes-vous membre actif de l’organisation “La Cathédrale du peuple” ? ».

Le témoin N2 : « Oui. Je coordonne l’éducation militaire et patriotique ! ».

Polozov : « Ce n’est pas la première fois que vous êtes témoin dans une affaire à caractère religieux ? ».

La juge : « La question est rejetée ! ».

Polozov : « Êtes-vous au courant qu’à l’intérieur de cette même Cathédrale on organise des banquets ? ».

La juge : « La question est rejetée ! ».

Le témoin : « Je n’ai pas participé aux banquets ».

 

A 8h du soir après une pause de dix minutes la juge Marina Syrova veut continuer le procès. L’avocate des accusées Volkova demande la révocation de la juge. Maria Alekhina explique qu’on les a réveillées à 5h du matin et qu’elles seront de retour à la maison d’arrêt vers 2h du matin…

L’accusation : « Les témoins souffrent eux aussi, ils ne mangent plus, ils ne dorment plus et en plus ils subissent des préjudices moraux ».

La juge rejette la demande de révocation et à 9h du soir continue le procès.

Le témoin N3. (le responsable de l’autel de la Cathédrale) arrive.

L’accusation« Avez vous vu sur internet le clip vidéo “Sainte Vierge délivre nous de Poutine”? ».

Le témoin : « Je l’ai vu. Mais je n’ai rien entendu sur Poutine ».

L’accusation : « A quoi vous fait penser ce clip vidéo ? ».

Le témoin : « A des trémoussements diaboliques ».

2e jour

Le deuxième jour du procès commence par la suite du témoignage de l’employé de l’autel.

Maria Alekhina : « Avez-vous vu des images non montées ? ».

Le témoin : « Cette question est trop sournoise… ».

Feygin : « Existe-t-il un règlement de conduite, dans les cas où on monte sans permission sur l’ambon ? ». (ndlr : l’ambon est le pupitre placé à l’entrée du chœur où est posé le lectionnaire ou la Bible).

Le témoin : « Mon seul règlement c’est la morale ».

Polozov : « Avez vous subit des préjudices moraux ? ».

Le témoin N3 : « Non, mais mon âme a été blessée ».

Les avocats des accusées : « Quelle blessures morales avez vous subi ? ».

La juge : « La question est rejetée ! ».

Maria Alekhina : « Eprouvez-vous toujours en ce moment des blessures de l’âme ? ».

Le témoin« Non, en ce moment je témoigne devant le tribunal ».

Mark Feygin a écrit dans son twitter que 70% de questions posées par les avocats des accusées ont été rejetées par la juge.

L’accusation lit la déclaration du témoin N3 : « la couleur des robes prouve que ces femmes étaient hostiles à l’orthodoxie ».

Volkova l’avocat des accusées« Dites, le fait que ces jeunes femme soient en prison depuis 5 mois et que deux d’entre-elles soient des jeunes mères, ne blesse-t-il pas votre âme ? ».

La juge : « La question est rejetée ! ».

Maria Alekhina demande à la juge l’autorisation de manger et de dormir. La juge rejette la demande et appelle le témoin N4, le deuxième employé de l’autel.

Le témoin N4 : « Il y avait violation des principes moraux. La violation de valeurs centenaires ».

La juge : « Est-ce qu’elle faisaient le signe de croix comme le font tous les citoyens ? ».

Le témoin N4 : « Non. Cela ressemblait à une parodie blasphématoire ».

L’accusation : « Vous avez le droit d’exprimer votre opinion sur la peine pour les accusées. Quelle peine voudriez-vous pour elles ? ».

Le témoin N4 : « C’est au tribunal de décider ».

Volkova : « Est ce que vos sentiments de croyant sont blessés par le fait que la moitié de la Cathédrale soit louée ? ».

La juge : « La question est rejetée ! ».

La radio Svoboda sur son Twitter (https://twitter.com/SvobodaRadio) écrit : « L’avocat Polozov : « Dans ce procès il n’y a pas de réelle concurrence. Toutes nos question sont rejetées » ».

Polozov : « Le procès fait taire tous les éléments politiques de l’affaire ».

Polozov au témoin N4 : « Dites, est-ce que le nom de Poutine a été prononcé à la Cathédrale ? ».

La juge : « La question est rejetée ! ».

L’avocat des victimes : « Dans cette affaire il ne s’agit pas du tout de politique. Il s’agit de vandalisme et d’injure au sacré ».

Après une pause l’avocat des accusées Volkova demande la révocation du juge. L’avocat des accusées Volkova déclare qu’on ne donne pas aux accusées la possibilité de manger et de dormir. L’accusation : « La révocation de la juge: c’est de la publicité pour le public et le média ». La juge s’en va pour envisager sa propre révocation. A son retour la révocation est rejetée (!) Les accusées n’ont pas mangé depuis 9 heures. Les gardiens disent : « elles ont bu du thé ».

Le nouveau témoin N 5, le gardien de la Cathédrale.

La juge : « C’est quoi les paroles de la chanson ? ».

Le témoin N5 : « Sainte Vierge, Poutine quelque chose… ».

Le témoin N5 : « Je les ai pardonné. Mais je ne peux pas parler pour tous les chrétiens. Ca reste la volonté de Dieu et du tribunal ».

Samoutsevitch : « Est-ce que vous, en tant que croyant orthodoxe, vous considérez le mot “féministe” comme un gros mot ? ».

Le témoin N5 : « Oui. C’est un gros mot ».

Samoutsevitch : « Vous savez qui sont les féministes ? ».

La juge : « Question rejetée ! ».

Polozov : « Sur quel site internet avez vous vu le clip vidéo ? ».

Le témoin N5 : « J’ai tapé ce gros mot sur Yandex » (NDT: un moteur de recherche sur internet)

Polowov : « Le mot “féministe” ? ».

Le témoin N5 : « Ben, oui ».

Après la pause déjeuner arrive le témoin N6, un électricien de la Cathédrale.

L’accusation pose la première question qui est déjà devenue traditionnelle dans cette affaire « Êtes vous croyant ? ».

Le témoin N6 : « Je ne crois pas à la sincérité des excuses des accusées. Et je ne les accepte pas ».

Alekhina : « Qu’est ce que des excuses sincère ? ».

Le témoin N6 : « Chacun doit décider pour soi. On peut se flageller, ou se retirer dans un monastère, par exemple ».

Le témoin N7, une vendeuse de bougie.

Tous les témoins déclarent ne pas avoir entendu les paroles de la chanson.

Le témoin N7 dit qu’une des accusées a montré ses fesses sur l’autel.

Le témoin N7« Elles ont fait exprès pour faire de nous une caricature ».

Le témoin N7 ne croit pas non plus à la sincérité des excuses et ne les accepte pas.

Toutes les questions sur la motivation politique de l’action sont rejetées par la juge.

Polozov à la juge : « Vous allez rejeter toutes les questions sur la motivation politique ? »

La juge : « On continue ! ».

Au tour du témoin N8, un gardien de la Cathédrale.

L’accusation : « L’action dans la Cathédrale exprimait-elle le mépris des coutumes et des traditions orthodoxes ? ».

Le témoin N8 : « Evidement, c’était une parodie, de l’ironie et de l’imitation ».

L’accusation : « Peut-on pardonner cet acte ? ».

Le témoin N8 : « En ce moment mon âme est dans un tel état que je ne peux pas le faire ».

Le témoin N9, un autre gardien répète exactement la même chose. Il n’a pas entendu la chanson, il trouve leur action blasphématoire et souillant les traditions orthodoxes et les valeurs spirituelles.

Alekhina : « Les témoignages de deux victimes sont un calque. Il y a la même faute d’orthographe au même endroit ».

La juge essaye de changer de sujet.

La défense demande à lire ces deux témoignages.

La défense déclare que les témoignages sont falsifiés et sont écrits par le juge d’instruction lui-même.

Volkova demande une expertise.

La demande est rejetée.

Le deuxième jour du procès s’arrête ainsi, brusquement.

Un commentaire

  1. Que dire de l’Émeute de Minou? Applaudir l’événement, c’est la mettre en danger. En atténuer l’avènement équivaudrait à la mépriser. Moi, ce que j’ai vu, c’est une belle bande de vauriens (= punks) femelles et mâles, procédant à une critique en règle de la parodie de religion où la Patrie-Arche a séquestré ses propres âmes, de crainte qu’elles ne prennent l’eau. J’ai vu aussi une diablesse à la tête de varan, elle enfonçait l’une de ses mains dans son entrejambes à la base de la croix mentale dont elle se signait. Est-ce là commettre un sacrilège que de se trémousser devant une assemblée d’hypocrites qui laissent leur mafia mettre la main sur le marché mondial de la viande fraîche? La question est rejetée. La projection d’une parodie des coutumes et des traditions orthodoxes est-elle elle-même une parodie, ou bien faut-il la prendre pour un tableau vériste digne de Stanislavski? Le témoin n°8 répondrait : «Évidement, c’était une parodie, de l’ironie et de l’imitation.» Peut-être s’est-il senti percé du cri strident de la révolte dont la nature ne peut pas se cacher? Les Pussy Riot ne pourront jamais qu’imiter les imitateurs de croyants que sont les Polozov et autres témoins du bout de bois qu’ils identifient à ce putain de Nom imprononçable.
    Une prière anti-Poutine est d’abord une prière. Une prière effectuée dans l’Église d’un Christ n’ayant pas hésité à renverser les étales des marchands qui se cramponnaient aux entrailles du temple, – je vous parle du temps d’Hérode le Grand vaurien. – Le théâtre «est» son double. Hérode le Punk doit être confronté à son image et ainsi apprécier la distance qu’il a prise d’avec Celui à l’image duquel il fut fait. L’iguane des Stooges termine son concert en me fixant dans les yeux, deux cornes digitales se dressent derrière son crâne au bout du bras renversé du Baptiste, qu’il demeure en douce. Les salles de concert sont devenues des salles de prière. Le mot «diable» danse à travers les pages des sermons des Pères de l’Orient. Le christianisme a rajouté des icônes aux paroles de feu. Les frères Lumière ont mis les icônes en mouvement. Les Pussy Riot sont des icônes trémoussantes. Elles illustrent des textes saignants. Le diable en saute de joie, d’une joie non dissimulée, d’une joie pornographique. Les émeutières montrent les fesses du diable à leurs concitoyens à qui elles démontrent que l’Antéchrist assoit son fondement sur leurs droits fondamentaux. Poutine a la possibilité de choisir entre deux types de réaction. Le type Ahmadinejad, qui ferait régresser la Sainte Russie au temps où les pogroms ont fait le lit du pacte de non-agression germano-soviétique. Le type Kurash, aspergeant de larmes le prophète qu’il fit jeter aux lions, pour son obstination, qui le dépasse, et force en même temps son admiration, et augmente son affection pour une vie dont il a pu toucher l’intensité, l’honnêteté, la vérité à laquelle il devra son salut.
    Un fils hurle à son père qu’il le déteste. Une fille hurle à son père qu’elle le déteste. Votre fille, Vladimir, vous hurle : «Je te déteste! Je voudrais que tu sois mort!» Vos filles, Cyrus, ces trois sœurs, si russes, dégueulent au père de la Sainte Russie : «On te déteste!» Que fait un père dans ce cas de figure? Il ouvre les bras ou il montre les poings?