J’avais détesté le discours populiste de Mélenchon autour de la sortie de son livre Qu’ils s’en aillent tous !. Ce simple titre illustrait le discours populiste au sens le plus élémentaire, à savoir la volonté de saborder les logiques de la représentativité politique. Car que signifiait ce « qu’ils s’en aillent tous » sinon que des personnes élues devaient partir au nom de je ne sais quel vox populi dont Mélenchon se faisait tout à la fois porte-parole et bénéficiaire? Ce discours légitimait en plus l’idée qu’il existait en France des populismes d’extrême-gauche et d’extrême-droite, concourant ainsi à la logique de banalisation de Marine le Pen.
Depuis, Mélenchon semble avoir ajusté son discours. Restant grinçant, il a su renoncer à une forme de facilité. Au lendemain de cet insolite débat face à Marine le Pen sur le plateau de l’émission « des paroles et des actes », Mélenchon gagne encore un peu en popularité.
Lentement mais sûrement l’homme poursuit son œuvre. Depuis sa déclaration de candidature en janvier 2011, Mélenchon n’a cessé de progresser dans les sondages pour atteindre aujourd’hui les 9% d’intentions de vote. Renouant potentiellement avec des scores qu’aucun candidat à la gauche du PS n’a atteint depuis l’élection présidentielle de 1995, Jean-Luc Mélenchon est proche de son objectif annoncé en mars 2011: « obtenir un score à 2 chiffres à la présidentielle ». Récit d’un défi en trois temps, en passe d’être remporté.
Jean-Luc Mélenchon a d’abord gagné son premier pari, celui de l’adoubement.
Fondé par Mélenchon en 2008, le Parti de Gauche s’est présenté avec les communistes à tous les suffrages, progressant un peu plus à chaque échéance : 6.5% aux européennes de 2008, 7.5% aux européennes de 2010, plus de 10% aux cantonales en 2011.
Mais à l’approche de l’élection présidentielle, cette alliance aurait pu être mise en cause: « Ne Mélenchon pas les ronchons et les soviets ! » entendait-on parfois en marge des meetings. D’une part, parce s’agissant d’un scrutin uninomal, l’un des deux partis devait pour la première fois céder le pas sur l’autre. D’autre part, parce que les divergences entre les communistes et les autres forces de gauche sont plus prononcées sur les enjeux nationaux et globaux comme le nucléaire, ou la politique internationale.
Mais fort de ses précédents succès électoraux et de sa capacité à composer, Mélenchon a réussi à créer les conditions de la popularité et de la confiance pour que, pour la première fois depuis l’union de la Gauche en 1974, le Parti Communiste ne présente pas de candidat issu de ses propres rangs à une élection présidentielle.
C’est la première, et peut être la plus importante des réussites du candidat Jean-Luc Mélenchon dans la course à la présidentielle.
Fort de ce socle de légitimité, Mélenchon a ensuite gagné le pari de l’élargissement.
Parti de 4% d’intentions de vote, Mélenchon a doublé son potentiel électoral en 1 an. Le candidat a bien sûr profité des espaces créés autour de lui : À sa gauche, absence de Besancenot et dans une moindre mesure d’Arlette Laguiller qui étaient deux candidats susceptibles d’aller eux aussi chercher des votes bien au-delà de leurs rangs, comme ils l’ont fait par le passé ; à sa droite, victoire de François Hollande au détriment de Martine Aubry lors des primaires socialistes. Cela s’observe très bien dans l’historique des sondages, où l’on constate que les intentions de vote au premier tour en faveur de Jean-Luc Mélenchon commencent véritablement à progresser à partir de novembre 2011, soit au lendemain des primaires socialistes.
Les conditions étaient propices, mais l’homme aura eu le mérite de préempter l’espace vacant. Du point de vue du discours et de la stratégie, deux éléments y auront concouru :
D’une part, et c’est dans cette campagne suffisamment exceptionnel pour être relevé, par un discours non pas tourné vers les électeurs, mais partant des électeurs ; « Mélenchon, présidons ! » ou « Prenez le pouvoir » sont deux formules qui témoignent bien de ce souci de se présenter comme le premier parmi ses égaux (primus inter pares), plutôt que de s’adresser aux français à partir d’une estrade. On notera au passage la justesse des formules qui par l’équivoque s’adressent à tous ceux qui voudront bien s’y reconnaître, plutôt qu’à un entre-soi gauchisant.
D’autre part, par sa capacité à faire sentir l’odeur de la poudre durant cette campagne. En France, il n’y a pas eu de mouvement des Indignés, mais en cette période de crise mondiale, l’envie est à l’affrontement politique chez les militants de gauche. C’est ce qu’a parfaitement compris Jean-Luc Mélenchon qui déclarait mi-juillet 2011 à Basta Mag « Le consensus, c’est la violation de la démocratie ». Il semble que ce soient les mêmes raisons qui aient poussé les militants de gauche à préférer Joly à Hulot, pour se détourner ensuite de Joly au profit de Mélenchon. Pour batailler, ils ont préféré hier la juge à l’animateur TV. Pour batailler, ils rejoignent aujourd’hui le castagneur Mélenchon à la moralisatrice Joly.
Et la bagarre, c’est à l’occasion le coup de poing médiatique, réalisé par des déclarations tonitruantes. Hollande, capitaine de pédalo? C’est Mélenchon. La semi-démente Marine le Pen? Encore Mélenchon. La distribution d’andouillette AAAAA au siège de l’agence de notation Moody’s ? Toujours Mélenchon. Et ces formules marquent l’ensemble de l’opinion, tout en donnant aux militants de gauche le sentiment d’en découdre.
La tendance est positive. Mais pour atteindre les 10%, Mélenchon devra maintenir le cap, et transformer les intentions en bulletins de vote. Sa verve lui aura permis de capter l’attention des électeurs, mais sa véhémence risque d’épuiser. Ceux qui l’ont vu sur un plateau TV sans adversaire à affronter, l’ouront sans doute relevé. Pourtant, Mélenchon doit parvenir à cristalliser cet électorat. C’est le dernier pari qu’il aura à relever dans les prochaines semaines.
Dimanche, 18 mars 1912, j’étais à la Bastille au cœur d’une marée grège de cent vingt mille sœurs et frères travailleurs, étudiants, écoliers, retraités et chômeurs. Après une longue marche depuis la République trahie vers la place de l’Insurrection, nous assistâmes au discours à ciel couvert du camarade Mélenchon. L’émotion était grave, profonde, sourde mais perceptible tant les ondes enlaçaient chacun d’entre nous d’une élégie touchant à l’essentiel de son existence. Quarante et un ans après le soulèvement des Parisiens contre l’État bourgeois et sa sanglante répression par le gouvernement Thiers, je suis convaincu à présent que le XXe siècle sera un siècle de paix pour tout le genre humain.
Merci pour ce bon texte avec les réserves par d’autres formulées et que je partage concernant le contenu de « Qu’ils s’en aillent tous ».
Votre analyse commence mal car vous avez oublié de vous pencher sur ce que disait réellement le livre de JLM. Vous en êtes resté au titre en faisant un énorme contre sens.
Il n’y a pas « la volonté de saborder les logiques de la représentativité politique. » Tout au contraire il demande la refondation républicaine des institutions et de la société avec la fin de la Ve République et de ses abus non démocratiques et propose une révolution citoyenne avec une meilleure représentativité politique.
Ensuite c’est mal connaître cet homme qui a une pensée politique puissante et cohérente que de se limiter à ces coups de poing médiatiques. Il l’explique lui-même : j’ai écrit 30 livres sans être écouté maintenant j’ai compris : je défonce la porte à coup de pied.
Je ne fait pas l’analyse que son défi est de parvenir à cristalliser cet électorat, son défi est de continuer à obtenir de plus en plus d’adhésions. Et à mon sens, il y arrivera. Car il répond brillamment à une demande de beaucoup de citoyens qui sont écœurés par la politique et qui reprennent espoir.
A vous de voir, si vous souhaitez vous informer un peu mieux sur un homme dont les médias n’arrivent pas à reconnaître les énormes qualités.
« Car que signifiait ce « qu’ils s’en aillent tous » sinon que des personnes élues devaient partir au nom de je ne sais quel vox populi dont Mélenchon se faisait tout à la fois porte-parole et bénéficiaire? »
Et alors, il faudrait élire pour 5 ou 7 ans nos représentants, leur donner un blanc-seing et rester sans mot dire devant les promesse non tenues, la destruction de la cohésion sociale, la corruption, la cupidité, etc.
Non, Mélenchon à raison.
La vraie démocratie c’est le contrôle permanent des gouvernants par les gouvernés, pas tous les 5 ans…
Juste une chose : le bouquin, vous auriez dû le lire avant de commenter le titre. « Qu’ils s’en aillent tous » était le slogan des manifestants argentins lorsqu’ils ont rejeté le plan de « sauvetage » du FMI et chassé le gouvernement qui soutenait ce plan. Et c’est explicitement à cela que le titre du bouquin de Mélenchon fait référence. Pas à une quelconque « volonté de saborder les logiques de la représentativité politique », faut pas abuser non plus… Il ne s’agit pas de virer les élus, mais de virer l’oligarchie assujettie à la pensée unique néolibérale qui nous impose les mêmes politiques régressives et nous assomme avec les mêmes certitudes depuis des années. Cette même oligarchie qui nous taxe de « populiste » pour mieux se protéger et dénigrer ceux qui la critiquent…
Bonjour,
Article intéressant mais vous passez à mon avis à côté de ce qui motive Mélenchon et ses acolytes lorsqu’ils disent « qu’ils s’en aillent tous ». Vous parlez de populisme et vous dites « à savoir la volonté de saborder les logiques de la représentativité politique ». C’est bien là que le bat blesse : où est la représentativité politique quand :
– plus de 65% des inscrits s’abstienne à la majorité des élections
– le découpage électoral pour l’élection des parlementaires introduit des inégalités profondes de représentativité (combien de séquano dyonésiens pour un vote dans l’Eure et Loire par exemple ?)
– les représentants politiques votent aux antipodes de leurs électeurs : 90% du parlement était en faveur de la constitution européenne et plus de 50% des français ont voté contre.
Quoiqu’on pense des idées de monsieur Mélenchon, le problème de la représentativité politique est bien là et c’est par là qu’il faut commencer!
«Ce simple titre illustrait le discours populiste au sens le plus élémentaire, à savoir la volonté de saborder les logiques de la représentativité politique.»
Révolution citoyenne, ça veut dire que ça passe par les urnes. Ce serait saborder les logiques de la représentativité politique que de voter ?
C’est dommage, on dirait que vous vous êtes arrêté au titre du livre, volontairement provocateur. Vous n’auriez pas compris?
Ensuite, je pense que vous avez mal saisi le « cas Mélenchon ».
Ce qui plait ce n’est pas tant sa hargne, même si elle existe.
Il parle concrêt, il utilise énormément d’arguments compréhensibles, mais précis. Il est à contre courant de la pensée véhiculée en grande pompe, mais s’en explique.
Il donne aux gens les moyens de comprendre. Il éduque, il politise.
Populiste ? Plutôt démocrate.
Sa verve, il s’en sert pour capter l’attention des médias, pas des électeurs.
C’est bien la seule façon de s’attirer un peu de lumière.
C’est déplorable que les médias en soient réduits au buzz.
Vous-même ne parlez pas du contenu mais seulement de la forme.
Enfin quant à son apparition sur FR2 avec la fille Le Pen, il a quand même mis à jour les positions du FN contre la femme. Ce n’est pas inintéressant.
Quelques remarques :
-« Qu’ils s’en aillent tous » n’était pas destiné aux hommes politiques, aux élus, mais aux grands patrons et autres traders
– L’objectif du FdG est désormais bien au delà des 10 %, ce score avait d’ailleurs déjà été atteint aux dernières cantonales et me semble-t-il aux européennes.
-L’autre atout du FdG est d’avoir des équipes militantes à pied d’œuvre sur le terrain.
– De porter des initiatives nouvelles dans le cadre d’une campagne. Rassemblement à Bastille pour une VI° république le 18 mars.
-De mener une campagne hyper active sur le net.
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Bonjour Raphaël et merci pour votre billet.
Je vous ai lu avec plaisir. Mais ce que vous dites sur son livre et son titre me semble bien éloigné de l’intention de départ (allez, avouez que vous n’avez pas lu le livre :-)) ).
Cet injonction « Qu’ils s’en aillent tous » a été empruntée aux révoltes et révolutions sud-américaines, argentine plus particulièrement: Que se vayan todos. Et ce n’est pas vraiment une injonction de dégager, venue d’une quelconque haine profonde, mais plutôt une réponse à la question « mais si vous faites ceci ou cela, ils vont s’en aller, on n’aura plus d’investisseurs, etc, etc. » (et c’est la litanie habituelle, à chaque fois qu’on propose des mesures fiscales, économiques, sociales). Ils s’en iront? Qu’ils s’en aillent tous! Au revoir!
C’est dans ce sens que la phrase a tout son sens. Nulle trace d’intention populiste ou de « tous pourris, au nom du peuple, dégagez ».
C’était la seule précision que je voulais apporter 🙂 Encore merci pour votre billet 🙂
Vous ne vous rendez pas compte de ce qu’il se passe. Nous, les militants, sur le terrain, on se sent très bien accueilli. Les encouragements fusent. On est loin des simagrées sur le prétendu « populisme ». Nous avançons à coup d’éducation populaire, explication de la finance, de la lutte contre le Front National. Bref, tout ce que les notables du PS ont cessé de faire par confort et gestion de patrimoine électoral. Tout ça c’est fini, on est loin devant Bayrou, et au rythme où vont les choses, Le Pen va se dégonfler comme une baudruche (dans l’opinion j’entends). Cette campagne me fait penser au référendum de 2005. 10 jours avant le oui gagnait à plates coutures, mais là, avec l’élection, les libéraux cyniques ne pourront tordre le bras des gens comme ils l’ont fait auparavant.
Y a-t-il des indications par rapport au nombre d’abstentionnistes de gauche qui voteraient cette fois-ci Mélenchon? Une partie de son argumentation était en effet qu’il progresserait dans cette direction plutôt qu’en « prenant » des voix au PS.
J’aurais un reproche à vous faire : vous prenez le titre « Qu’ils s’en aillent tous » comme l’ont fait plusieurs journalistes, sans lire le livre, vous contentant de ces mots pour faire l’interprétation qui vous arrange. Mais le « Qu’ils s’en aillent tous », c’est la traduction du « Que se vayan todos », qui, en Amérique Latine, fut le mot d’ordre d’un renversement de l’ordre établi.
Mélenchon souhaite une révolution citoyenne, par les urnes, mais son analyse, c’est que si ça ne fonctionne pas, viendra un moment où les gens diront stop, et où ils vireront tous les hommes politiques (lui compris peut-être).
Bonjour,
Pourriez-vous, s’il-vous-plaît, nous donner une définition de ce mot « populiste », qui semble être un terme on ne peut plus fourre-tout ?
Votre article n’aborde en rien les propositions du Front de Gauche, et n’étudie donc en rien le fond et les idées. Vous vous attardez inutilement sur ce qui gangrène le véritable débat politique : la comm’, rien que la comm’.
De la fumée, encore de la fumée. Et si on élevait le débat ?