Les vaches ne regardent plus passer les trains
tellement il y a d’herbe dans leur tête.
Elles préservent la nature, ces belles grosses.
Quand j’en vois une, je salive. J’ai envie grave de la manger.
Je suis un fanatique des marchés. La brousse à l’air libre.
Avec la pluie, c’est encore mieux. Je suis tranquille, je vois, j’achète.
Le mien, de marché : la Bastille. (Jamais de boutique, Man !)
Je mets la viande, Gibier Power, au-dessus de la salade, de tout.
J’aime le porc, la saucisse, le lapin.
Le beefsteak me fait suer grave.
La viande, faut que ça saigne.
J’achète toujours de l’ail. Je le fais confire à la façon Daval, avec un bout de bois ou un pneu, une pomme de terre, rien.
Et je le mets dans l’entrecôte.
Il faut partout que je mange de la viande. C’est primordial.
Au Bénin, on met tout dans un faitout. En Guyane, on farcit le ventre d’un singe, et on se sert avec la patte du singe.
C’est bon.
J’aime par-dessus tout les abats.
C’est dégueulasse cette ségrégation triperie/boucherie. C’est de l’apartheid !
Vivent les tripes !
Regarde ma bibliothèque, Dandy : des comics trips et des Lettres.
Mais je ne lis jamais les recettes. Je suis un contemplatif des tripes.
Mon père vivait dans une fermette, aux Antilles. Il y avait des cochons.
Chez la sœur de mon père, il y avait une commode avec du pâté Coco.
Cela s’appelle une doucette, tellement c’est bon.
La truie, on lui enlevait les ovaires, parce qu’ils altèrent le goût de la viande. On la mettait sur le dos, on lui liait les pattes, on lui ouvrait le ventre, et on lui enlevait les ovaires. Je donnais un coup
de main, j’étais couvert de crème de sang
(c’est avec elle qu’on fait le boudin créole.) On tuait la truie avant Noël.
Noël, pour les animaux, c’est pas la fête. Mais ils sont faits pour nous. C’est de l’entraide.
Les plaisirs caribéens carnés (PCC) : agneau, veau, poulet. Et la viande toujours boucanée ; toujours, Mister !
La meilleure : celle qu’on fait cuire avec de braise de sciure, dans un coffre clos. Le goût, je ne te dis pas !
On cuit mieux la viande au gaz, mais comme je suis un Antillais paresseux, j’ai des plaques à induction. Trop fainéant pour faire semblant. Je fais la bouffe, je mets à cuire, tu vas te coucher, tu
reviens, c’est bon. Des fois, je fais mariner la viande dans des marinades improvisées, faites à l’humeur, et je fais juste saisir. Mes meilleurs souvenirs, question cuisson, question assaisonnement,
c’est au Pays basque. Un truc qui s’appelait Le Cheval mort. Le soir, le menu affiché à la porte du resto, c’était : « Cheval mort, chat à la ficelle ». Les gens s’arrêtaient, descendaient de leur voiture,
lisaient, foutaient le camp. La viande chantait.
Ce soir, à mes potes, à Géronimo l’Indien, je vais leur faire une cuisse de dinde. On va la tuer, la fumer en une taffe. Les artistes sont des ventres.
Géronimo mon héros, au resto, il commande toujours une araignée cuite sur une face, crue sur l’autre. Grand bien lui fasse.
Je disais : les artistes sont des ventres. Gibier Power !