Pendant la récession, le massacre continue. Entre le prime time des primaires et le déficit record de la Sécurité Sociale, le valeureux humaniste Bachar El-Assad continue tranquillement – et quotidiennement – de liquider ses compatriotes sur mer, sur terre et dans les airs. Le dictateur syrien applique ainsi à la lettre la phrase de Bertolt Brecht : « A une époque, dans un pays, le peuple grondait contre le gouvernement. Le gouvernement, excédé, décida de changer de peuple. » Ubu règne à Damas et l’on s’aperçoit une fois de plus, en dépit de Facebook, de Twitter et des vidéos portables – dont il faut évidemment célébrer l’existence – que les leçons du Cambodge et du Rwanda, du Zimbabwe et de la Somalie, du Soudan d’aujourd’hui à la Bosnie d’hier, n’ont décidément servi à rien.

Plus parlant encore, est de ce point de vue, ce qui se passe chez nous. Alors que les évènements de Gaza avaient suscité légitimement, il y a dix-huit mois, indignation et protestations, où sont aujourd’hui les manifestants devant l’ambassade de Syrie ? Où sont les pétitionnaires demandant le boycott de ce pays, tant que l’actuel régime reste en place ? Et surtout, alors qu’il y a encore deux mois, des professionnels de l’indignation sélective, des militants qui ne s’agitent que si l’Occident est en cause et des valeureux combattants par procuration d’une guerre qu’ils voudraient voir continuer jusqu’au dernier Israélien et jusqu’au dernier Palestinien, embarquaient encore pour Gaza, où sont-ils aujourd’hui, alors qu’une nouvelle opération Plomb Durci, autrement plus sanglante que la précédente, bat son plein de Homs à Deirezzor, de Hama à Damas ?

C’est ainsi, une fois de plus, que l’on voit fonctionner, dans sa parfaite morbidité, un racisme anti-arabe que personne ne dénonce : quand il s’agit de troupes américaines, anglaises, françaises, canadiennes, australiennes ou israéliennes agissant en Irak, en Afghanistan, ou ailleurs, c’est le tollé général dans nos capitales, sur les ondes et petits écrans, où l’on assimile – avec un sens aigu de l’objectivité et de la fausse bonne conscience – chaque soldat occidental à un Waffen-SS. Mais  le massacre, par les dirigeants arabes, de  leurs propres peuples, est accueilli par un silence assourdissant à peine rompu, ici ou là, par quelques protestations gênées. Le camp du Bien se tait : cela se passe entre eux, n’est-ce pas … Or, les jeunes générations arabes ont démontré plus qu’éloquemment, depuis quelques mois, leur goût de la liberté, de la dignité et de la démocratie, toutes choses qu’on leur refuse depuis des décennies. Elles rejoignent en cela, les citoyens d’Europe de l’Est du Sud et d’ailleurs. Il n’y a donc pas de malédiction moyen-orientale, chacun le sait, mais des régimes prêts à n’importe quel génocide pour demeurer au pouvoir, et des intégristes brûlant de les remplacer pour de nouvelles oppressions.

A l’heure où certaines bonnes âmes veulent quitter l’Afghanistan pour permettre sans doute aux talibans de remettre les Afghanes sous burqa et les Afghans sous leur joug, alors que l’on s’est justement mobilisé pour la Libye en un combat qui se prolonge, la Syrie brûle. Jusqu’ici pas un seul projet, pas une seule initiative pour envoyer une « flottille de la paix » à Lattaquié. Chers contestataires à géométrie variable, chères ONG généreusement hémiplégiques, où êtes-vous ? Comme disait Georges Bernanos : vous avez les mains propres parce que vous n’avez pas de mains.

4 Commentaires

  1. Oui mais si l’occident intervient en Syrie, comme en Lybie, avec des avions, ça risque de provoquer un sacré bordel dans une région qui est déjà une bonne poudrière.

  2. Bonsoir,
    Oui vous avez raisons, les jeunes générations arabes ont démontré, depuis quelques mois, leur goût de démocratie. La preuve il demande le départ de l’ambassde d’israél en egypte et l’annulation des accords de Camp David.
    Merci peuple egyptien.

  3. Le printemps arabe, fort bien, mais j’ai peur que tous ces jeunes courageux qui se sont battus pour leurs liberté de vie et de pensée ne tombent sur une dictature bien pire, celle du clergé (de n’importe quelle religion) qui se chargera de les mettre au pas et leurs imposer des règles de vie surannées même dans leur intimité.