Je tiens à conserver l’anonymat. Donner mon nom, dire d’où je viens risquerait de mettre en danger des proches, des gens de ma famille.

Dans la ville de Daraa, quinze enfants de 10 à 14 ans ont été emprisonnés pour avoir inscrit sur les murs de leur école : “Le peuple veut prendre le dessus sur le régime”. Lorsque leurs parents ont réclamé leur libération, la réponse des services de sécurité fut : Oubliez vos enfants et ramenez-nous vos femmes pour vous en faire d’autres.
Ces enfants ont été relâchés une vingtaine de jours plus tard, des marques sur le corps, les ongles arrachés, les yeux tuméfiés.
Des enfants entre 10 et 14 ans. Torturés.

Révoltés, les habitants de Daraa se sont massés dans les rues pour crier leur indignation. L’armée répliqua par la force et le canon. On dénombra six morts parmi les manifestants (on en dénombre 1700 depuis le début de la contestation). La révolte gagna rapidement toutes les ville du pays. Nous étions solidaires de Daraa, nous avons réclamé la liberté et la dignité qui nous ont été confisquées depuis quarante ans. Quarante ans de répressions et de massacres orchestrés par le régime Assad pour se maintenir au pouvoir.

Je n’aurais jamais imaginé voir autant de femmes, d’hommes et d’enfants mourir dans la rue. J’ignorais qu’un jour des hélicoptères tireraient sur la population (des manifestants aux personnes qui, de leur fenêtre, nous regardaient défiler).

J’ai vu une femme s’effondrer et mourir à mes pieds. Était-ce bien réel ? J’ai couru sachant que je risquais ma vie moi-aussi.

Un autre jour, nous étions la cible des tanks, morts et blessés jonchaient les rues.
Je suis vivant mais pour combien de temps encore ? Les soldats nous massacrent comme des animaux sans le moindre état d’âme. Les soldats abattent des blessés sans autre forme de procès. Nous les voyons faire. Les mots manquent pour raconter.

La Syrie est devenue un enfer ! Certains soldats, certains officiers même, sont morts pour avoir refusé de tirer sur des manifestants. Assassinés purement et simplement par leur propre troupe.

Nous n’osons plus communiquer avec nos familles de peur de les mettre en danger.

Les forces de sécurité arrêtent nos enfants pour nous dissuader de manifester. Certains ont été torturés, d’autres abattus sur ordre de Bachar al-Assad.

L’armée a pour consigne de nettoyer les rues après chaque manifestation de manière à effacer toute trace de sang, des camions sont prévus à cet effet, comme le sont les vôtres pour se débarrasser des déchets.