Silence hôpital
S’il fallait retenir une profession où le sexisme est patent, c’est sans nul doute la formation et l’exercice de la médecine. Il suffit d’aller faire un tour à l’académie de médecine où se retrouvent tous les professeurs de médecine, retraités ou non, pour voir et entendre très peu de femmes ! Pendant les dernières décennies, les femmes ont été quasi absentes du monde médical ou cantonnées au rôle d’infirmière. Depuis dix ans, le « sex-ratio » s’inverse dans le petit milieu médical français. Certains expliquent cette tendance par la baisse du niveau social et de revenus des médecins, les femmes ne prenant ce métier que pour un appoint financier dans le couple : curieuse idée ! Comme quoi, malgré ce que nous constatons sur le terrain, le sexisme influence l’interprétation sociologique. Les femmes s’investissant dans la médecine ont la même volonté et passion que les hommes, et l’évolution de la relation des couples et des divorces tord le cou à cette théorie.
Même si les hommes se familiarisent doucement à la présence des femmes en médecine, il y a une réalité encore bien présente en médecine et totalement taboue en France : c’est le harcèlement sexuel dans les hôpitaux. Les seules études sur le harcèlement sexuel à l’hôpital sont américaines et britanniques. Les résultats des différentes études vont de 1992 à 1998 avec des méthodologies rigoureuses. L’une des études a suivi pendant quatre ans les étudiants, afin de mesurer les conséquences pour la santé mentale du sexisme et du harcèlement sexuel. 72 % des étudiants en médecine se sont déclarés victimes de harcèlement sexuel. Les femmes sont significativement plus sujettes aux discriminations, à l’inconfort de l’humour à connotation sexuelle et aux avances sexuelles. L’étude est alors accablante : les étudiants victimes de ces harcèlements sont plus sujets aux dépressions et à boire pour « oublier ».
À Atlanta en 1993, soixante-dix hommes et femmes ayant des statuts de médecins universitaires ont été interrogés. 26 % des femmes ont subi ou assisté à du harcèlement sexuel contre 12 % pour les hommes ! Aucune action de correction n’a été entreprise par cette université, car 63 % des femmes et 38 % des hommes craignaient que leur carrière soit remise en cause s’ils parlaient ! Le tabou a donc plus pour cause la peur de risquer son avenir médical et social que la morale.
Pire : en 1995, une étude de l’American Medical Association soulignait que 25 % des femmes contre seulement 3 % des hommes rapportaient avoir fait l’objet de remarques sexistes offensantes au cours de leur carrière !
En 1998, Women Physician Health Survey indiquait que 37 % des femmes médecins déclaraient avoir été victimes de harcèlement sexuel, d’autant plus lorsqu’elles débutaient un travail historiquement occupé par les hommes : la chirurgie et la médecine d’urgences ! Cette étude a montré que le harcèlement sexuel était corrélé aux dépressions, aux conduites addictives comme l’alcool, aux tentatives de suicide !
Mais, encore une fois, dans toutes ces universités, aucune mesure de correction n’a été mise en place ou alors de manière marginale ! Le milieu médical ne saurait-il pas se soigner ?
En France, aucune étude n’a été menée sur ce problème de santé public très complexe : la santé au travail devrait pourtant être le point numéro un de conditions de travail dans les hôpitaux. Car s’il est difficile de résoudre ce tabou, comment cela serait-il envisageable dans la police, l’armée, le bâtiment… ? J’ai vu et entendu plus d’une fois des responsables faire du chantage à l’emploi en cas de grossesse. Les femmes médecins ou infirmières sont parfois influencées dans leur volonté de procréation car leur hiérarchie sait bien comment mettre la pression. Mais il en est ainsi, et les étudiantes en médecine pourront toujours se plaindre, mais à leurs risques et périls pour la suite de leurs études ! Le sexisme est encore bien présent dans les hôpitaux, et je ne vous explique même pas si vous êtes une bien jolie médecin à diplôme étranger…
Bonjour,
Je viens de lire votre tribune que je trouve fort intéressante.
C’est toujours réconfortant de voir des hommes touchés par les problèmes liés au sexisme.
Je suis la fondatrice d’un nouveau média qui traite de l’égalité entre les femmes et les hommes http://www.egalite-infos.fr.
J’aimerais vous rencontrer pour parler du sexisme à l’hôpital. Est-ce possible ?
Etes vous toujours à Saint Antoine ?
Merci de votre réponse
Bien à vous
Caroline Flepp
06 12 83 61 64
Des études récentes existent sur ce sujet :
– travaux d’Emmanuelle Zolesio, doctorante au GRS (Groupe de Recherche sur la Socialisation), Lille, sur la socialisation des femmes internes en chirurgie, en 2009
– Emmanuelle Godeau, médecin et anthropologue, sur le rapport au sexe et au corps dans la formation des internes, en 2007
– Nicolas Le Verge, ibode, sur les relations chirurgiens-infirmières, en 2007
– Marie-Christine Pouchelle, anthropologue au CNRS, sur les jeux théâtraux dans le milieux hospitalier, en 2003 et 2008.
Bien dit.
Je fais un travail universitaire sur ce sujet et serai particulièrement intéressée en vous rencontrer.
Un entretien serait-il envisageable?
(Adresse mail en privé).
Sinon, je tenais à vous remercier publiquement d’intervenir sur ce sujet.
C’est important qu’un médecin se donne la peine de dénoncer ces abus…
Bravo Docteur Pelloux! Parler c’est déjà dénoncer!
Femme, de surcroit jolie et célibataire, j’ai été souvent harcelé sexuellement sur mon lieu de travail…depuis ma première expérience professionnelle (17 ans) et depuis que je suis dans le secteur para-médical…à trois postes différents. Effectivement, il s’agirait de pratiques courantes, et pour avoir dénoncer cette pratique digne des temps féodaux, j’ai été mis au ban…et on me dit ingérable! J’ai trop vu des promotions où primes, injustement attribuées à des collègues, plus encline à la promotion canapé…même mariées et de surcroît moins professionnelle?Je ne supporte plus cette société dite moderne…heureusement que j’ai eu un fils et non une fille, car j’ai une véritable colère envers ces hommes, qui managent avec leur sexe, pitoyable, sans compter que cela engendre le jeunisme à tout prix…Malheureusement le monde est tenu par des hommes, et tant que les femmes ne seront pas plus représentées au pouvoir,politique, finance,cela ne changera pas….de suite!!
Sans compter que tout « bourgeois » digne de ce nom à une maîtresse et si c’était sa secrétaire , culturelle?!!
A quand le ministère de la santé, Dr. Pelloux?
Il serait également intéressant de savoir ce qu’il en est pour les infirmières.
Je suis sûr qu’elles en pâtissent également.
Mais, il est vrai, qu’autant nous entendons des choses sur les infirmières et aide soignantes (surtout) autant on croyait les médecins à l’abri.
Quel plaisir de vous lire ici, cher docteur!
Maintenant j’aurai sur le même site deux parmi mes auteurs préférés : Yann Moix et vous!
Le bad boy de la littérature et le médecin humaniste.
Il nous faudrait en effet des statistiques françaises. Je ne sais pas pourquoi mais je crois que les américains sont d’avantage des harceleurs que les français.
A moins qu’ils ne soient d’avantage procéduriers. Quoi qu’il en soit le silence dans ce domaine mérite en effet ce papier pour le dénoncer.
Merci docteur.
Je vous accorde que ce qui suit n’est pas une statistique des agressions sexistes en milieu médical. Mais tout au long de la journée d’hier j’ai interrogé, les unes après les autres, les femmes travaillant dans notre service. Mon amitié respectueuse l’autorisait. Parmi les réponses: » La dernière fois que c’est arrivé, il a suffit que je dises non! ». « Moi, m’a dit une autre, il y en a un qui insistait. Il s’est pris une baffe. Depuis plus rien. Quatre autres m’ont dit qu’elles n’avaient pas souvenir d’agression de nature et d’intensité méritant d’être citées. J’ai insisté en donnant des noms, des situations. J’avais envie de faire tomber l’un d’entre nous qui a la bise particulièrement facile. Les réponses le concernant furent des rires accompagnées de: « Ce n’est pas méchant!! » C’est un jeu. C’est pas du sexe !!! ». Une femme médecin m’a dit et ce n’était pas la plus vilaine: « Moi, je trouve qu’on ne m’agresse pas assez !! » suivi de rires des autres. J’ai scruté les visages. Je voulais en trouver au moins une qui ait au moins un « mauvais souvenir ». Pas une sur onze infirmière, ASH, auxiliaire, médecin, secrétaire…J’avoue que j’étais déçu. Zéro pour cent, ce n’est pas crédible. Mais je n’ai rien de mieux. J’affirme donc que notre service ne correspond pas au monde de stupre et de luxure que sont les autres selon le docteur PELLOUX. Je persiste à croire que la notion d’agression sexuelle existe évidemment dans la France médicale, comme dans la France du travail. Il faut la combattre. Mais on ne combat une situation pathologique qu’en la connaissant bien. Beaucoup d’étudiants sont en recherche de thèses de doctorat. Qu’un duo homme-femme se lance dans une étude approfondie. J’estime à deux à trois mois le temps d’enquête, suivi de deux à trois mois d’analyse des résultats contrôlés par un directeur de thèse. Coût de l’opération : NEANT. Donc au travail. Ne laissons pas les fantasmes guider nos jugements. La médecine Rabelaisienne n’est pas celle d’aujourd’hui.
Merci, Patrick Pelloux. Merci de dire toujours ce que vous voyez dans les hôpitaux.
Là, chapeau, vous avez le courage tout en étant dans le système hospitalier de dénoncer le système hospitalier.
Moi, je vous suis docteur. Et suis contente de vous lire ici.
L’AVFT (Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail), spécialisée depuis 26 ans dans l’intervention auprès des personnes, femmes ou hommes, même si ces derniers sont ultra-minoritaires, victimes de violences sexuelles dans les relations de travail, connaît fort bien la réalité évoquée par cet article. Le secteur médical est en effet un de ceux les plus représentés dans les « dossiers » ouverts à l’association.
Aides-soignantes, infirmières, médecins (et en effet, femmes médecins avec des diplômes étrangers), mais aussi personnel administratif de l’hôpital, témoignent auprès de nous de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles, principalement commises par des hommes appartenant au personnel médical, et quelquefois par des patients. Les secrétaires médicales travaillant dans des cabinets médicaux « de ville » ne sont pas non plus épargnées. Dénoncer ces violences est particulièrement difficile. On leur rétorque que « l’hôpital, c’est comme ça », que c’est donc à elles de s’adapter, qu’elles sont peut-être un peu trop sensibles, que les médecins en particulier les chirurgiens font un métier difficile, qu’ils sont confrontés à la mort et qu’après tout, ils ont bien le droit à un peu de « grivoiserie » pour se détendre. Que si elles sont harcelées, c’est qu’elles n’ont pas assez signifié qu’elles n’étaient pas disponibles, qu’elles auraient dû mieux savoir se défendre.
Parfois, des médecins et même des directeurs d’hôpitaux (comme ce fût le cas il y a quelques années du directeur d’un grand hôpital psychiatrique parisien) sont condamnés pour des violences sexuelles, mais ils ne représentent que « le haut de l’iceberg ».
Le fait que les femmes investissent, il est vrai massivement la sphère médicale ne règle pas du tout. Les chefs de service sont encore largement des hommes, et en tout état de cause les violences sexistes et sexuelles ne sont pas qu’affaire de rapports hiérarchiques (même s’ils pèsent grandement dans la commission de ces violences) : unE professeur de médecine peut être l’objet de comportements sexistes de la part d’un professeur de médecine, une ministre peut être déniée sexuellement par un ministre, etc.
Etre un homme, un médecin, qui plus est syndicaliste, et dénoncer ces violences n’est pas sexiste (est-ce qu’être blanc et dénoncer le racisme, c’est être raciste ? être valide et dénoncer les carences des politiques publiques en matière de handicap, c’est mépriser les handicapés ?), c’est être dans son rôle à condition de ne pas vouloir prendre la parole à la place de, de faire à la place de.
Et au contraire, considérer que les violences sexuelles sont affaire de femmes, qu’elles doivent s’en débrouiller entre elles, est… sexiste.
Soit, les infirmières, les femmes médecin et les femmes en général sont plus souvent victimes de harcèlement sexuel. C’est un fait et c’est la loi du genre. La question est surtout de savoir où commence et où s’arrête l’agression, car les opinions peuvent ne pas être partagées. L’agresseur peut sans doute trouver à se justifier… Je me fais l’avocat du diable sans nécessairement approuver. Je pense qu’il y a des limites à tout, mais que certaines personnes ne voient pas clairement ces limites. Et que la réponse « non » à une invitation ne voulant pas toujours dire « non », c’est là que les difficultés commencent : les personnes qui vont plus loin que le « non » sont souvent des personnes au tempérament affirmé, par ailleurs appréciées pour cette qualité. Faut-il condamner ce trait de caractère ? A l’évidence non, et pourtant…
Comment faire pour avoir une consultation avec le docteur Pelloux?
Harcèlement tout court est monnaie courante dans le milieux hospitalier. Pas plus tard que le moins dernier le médecin-chef du Centre d’imagerie médicale avancée de Compiègne a été placé en garde à vue au m^titre que sa femme qui était cadre au Cima pour harcèlement.
Le problème c’est que peu sont ceux qui ont le courage de dénoncer.
C’est bien connu que les chefs de service profite tous de leur positions auprés des femmes et infirmiéres
Mr Pelloux,il n’y a pas que chez les médecins femmes qu’il y a sexisme!!!!!! chez les infirmières aussi et souvent par les surveillantes des services où il y a des infirmiers.Bien sur ,ce n’est pas la majorités des cas.Je suis infirmière moi-meme à la retraite depuis peu et croyez moi ,j’en ai vu dans toute ma carrière
L’harcélement à l’égard des femmes est partout.
Chez les médecins, chez les infirmières mais aussi chez les professeurs d’université, chez le personnel hospitalier.
Mais disons qu’une infirmière femme est courantissime. Un médecin femme est plus rare.
Et on pense souvent qu’un homme médecin est plus compétent qu’une femme médecin.
Alors qu’une infirmière ne souffre pas des mêmes préjugés.
On ne suppose pas qu’un infirmier homme sera plus compétent qu’une infirmière femme….
Voilà le cliché un médecin homme et une infirmière femme.
Et que dire quand la femme a des enfants????
Pire encore si elle est jolie.
Disons-le! Il y a de l’harcèlement sexuel surtout de la part des patients. Ce n’est pas politiquement correct de le dire. Mais les patients peuvent aussi être d’une violence inouïe. Combien d’histoires vécues ou rapportées…
Les consultations à domicile, surtout de nuit, sont souvent le décors d’agressions physiques. Mais lorsque ça arrive motus. La détresse sociale n’explique pas tout.
C’est bien que ce soit un homme qui le dise…