Le Collège de ‘Pataphysique publie, enfin, une version définitive du chef-d’œuvre d’, Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien. « Tout est dans Faustroll » répétait Boris Vian. Ce transcendant satrape avait nettement raison. Cette publication est un événement, y compris dans le monde dit « réel », qui en réalité est le seul, probablement (et les pataphysiciens ne s’y trompent jamais) à ne pas l’être. Le livre commence par une lettre d’huissier, un acte procédural : Faustroll n’a pas payé son loyer. Le livre commence par du sérieux, du notarié, de la réalité en dur. Cela n’est pas un hasard : la ‘Pataphysique entend évacuer, non le sérieux lui-même, mais l’esprit de sérieux. On peut même ajouter que, sans le sérieux, la ‘Pataphyisque n’est rien. Elle ne serait qu’un jeu. Ce qui nous passionne, c’est en revanche, nous autres du Collège, ce sur quoi le sérieux s’applique, ce sur quoi il s’acharne et s’obstine. Nous préférons, de loin, étudier un arbre, une cloche, un bidet, les masques d’un carnaval annulé au dernier instant, que les dossiers préoccupant la société civile, ses ulcères, ses méditations médiocres, ces tourments prétendus adultes, mais qui ne sont « en réalité » que la figure d’un monde infantilisé.

La ‘Pataphysique, immédiatement, refuse l’infantilisation du monde. Elle est une science adulte, que chaque adulte peut embrasser dès lors qu’il opère une claire distinction entre l’enfance biologique et l’enfance spirituelle. L’infantilisation est un phénomène qui, malgré les apparences, maintient l’être humain en phase d’enfance biologique ; la croissance osseuse a déguisé en adultes des enfants vieillis. L’enfance biologique est derrière nous ; l’enfance mentale est une sous-catégorie de l’enfance biologique. Tandis que l’enfance spirituelle, sérieuse sur des aspects de la réalité qui paraissent infiniment futiles et vains aux morts-vivants, n’a strictement rien à voir avec une quelconque régression. Elle se dresse devant nous, fière, droite et patiente.

Sans les adultes infantilisés qui perdurent, se répandent et se multiplient dans le monde que vous croyez réel (et qui n’existe pas plus strictement, pas plus licitement que l’univers pataphysique) la ‘Pataphyisque ne serait guère possible : l’intelligence ne se creuse qu’à l’intérieur de la bêtise, la lumière ne se propage que grâce à l’obscurité. C’est du moins ce que je choisis de croire, moi qui ne croit ni en Dieu ni en son contraire, ni en Dieu ni en son inverse, ni à la possibilité de Dieu ni à son impossibilité. L’impossibilité de Dieu est plus divine que sa possibilité. Sa possibilité renseigne sur l’homme (elle ressemble à une réponse) ; son impossibilité ne renseigne par définition sur rien (elle ressemble à une question, et par là à toutes les chances de se rapprocher du Mystère).

Je suis pataphysicien parce que le monde réel n’est officiellement réel que pour vous. Qu’en sous-couches, derrière ses lamelles et ses strates, se dessine un monde plus relevé, tellement plus noble et fouillé, qui attendait qu’on lui donnât un sens : le Collège fut créé à cette fin, entre autres, même si chaque éminent membre de ladite institution sait que le Collège fait de la fin un moyen, et transforme justement chaque moyen en fin possible ; mais ce n’est pas par inversion que pense le pataphysicien : il ne renverse pas les choses, comme une montagne posée sur sa cime. L’inversion de la réalité, ce serait encore de la réalité. Le réel avec des pattes en l’air, ainsi que le scarabée que l’on retourne, ne reste qu’un réel à l’envers, un réel sens dessus dessous. La réalité que propose et installe le Collège est autre chose : que possède chacun, en lui, mais aussi extérieur à lui (cette modalité de perception est partagée par tous ses membres – c’est là le propre d’une science). La réalité vôtre apparaît, ainsi et d’abord, comme un cas particulier de la réalité nôtre. Saurez-vous vous y arracher ? Rien n’est moins sûr et là réside la pérennité du Collège.

F. Arrabal remettant le prix de la Grande Gidouille à L. Bourgeois
F. Arrabal remettant le prix de la Grande Gidouille à L. Bourgeois

4 Commentaires

  1. De jolies choses. Mais chacun de nous possède deux réalités.. Celle que l’on ne peut renier – les faits qui se passent dans le monde ou par exemple une rupture entre deux personnes ou encore un individu entrain de lire – et celle plus abstraite qui nous est propre… car chacun a sa façon de voir les choses, de les concevoirs et chacun perçoit les évènements différemment des autres et parce qu’on considère notre perception comme vraie, on se créer sa propre réalité.. Dans le cas d’une personne en train de lire: l’action de lire et le livre sont vrais évidemment mais ce que ressent la personne qui lit, cela lui est propre et ainsi une autre personne qui lira le même passage du même livre n’en tirera pas les mêmes impressions que l’autre lecteur.. aussi infime que puisse être la différence elle est là et fait que chacun a sa réalité. Réalité qui peut par ailleurs être qu’une illusion et s’avérer fausse. Personnellement je crois que pour certains cette réalité propre peut avoir lieu pataphysiquement, de par ce fait il peut être possible de rentrer en contact momentané avec la ‘Pataphysique, même pour des non-pataphysiciens. La vérité réside dans le fait que sa solution n’existe pas.

  2. je suis désolé, mais dès qu’on se retrouve dans ces pages, il y a une crotte d’icone aussi gluantes qu’un mendiant du 19ème qui me supplit de « liker » sur facebook « la règle du jeu (Revues RDJ) », bien que pourtant, je l’ai déjà fait. le pire, c’est qu’il n’arrête pas de faire coucou, coucou, toutes les 3 secondes, ce parasite, comme pour dire « t’as vu ? t’as vu ? je t’ai vu, et toi tu m’as vu ? » !!!!! tu imagines toi, avoir accroché à ton mur une horloge qui te fait coucou 300 fois par heure pendant que tu te te chauffe la pine devant ton site de pine préféré ? franchement, tu deviendrais pas dingue ? et assassin de coucou ?
    donc voilà, à cause de ce fichu coucou qui me casse les cou-couilles, je sors de la lecture et passe sur voici.fr. parce que là ça me fait du mal, mais au moins, ce mal, c’est moi tout seul qui me l’inflige. et c est ça, moi, qui fait du bien.

  3. Je suis surpris de ne trouver aucun commentaire sur ce Magnifique aticle… surtout que j’en ai envoyé un, très poli… et qui n’existe plus…
    Aurais-je mal frappé le « CAPTCHA Code »?
    Merdre!…

  4.  » Le réel avec des pattes en l’air, ainsi que le scarabée que l’on retourne, ne reste qu’un réel à l’envers, un réel sens dessus dessous »
    une référence à « la métamorphose », ou je me trompe?