Jean-Luc Godard s’apprête à recevoir aujourd’hui, 13 novembre, un « Honorary Award » pour l’ensemble de sa carrière.
De nombreuses publications dont — pour ne citer qu’eux — le New York Times, le Los Angeles Times ou le journal israélien Haaretz se sont étonnées qu’un tel « honneur » puisse être rendu à un probable « antisémite ».
Si la perspective de cet hommage a suscité tant de réactions, l’on devine déjà ce qu’il en sera demain, après la cérémonie, et même si Godard, dans l’esprit de provocation qu’on lui connaît, a déclaré par avance qu’il n’irait pas chercher sa récompense.
La Règle du jeu avait déjà, il y a quelques mois, le 6 avril 2010, repris un Bloc-notes de son directeur, Bernard-Henri Lévy, sur ce sujet. Ce texte se référait à quatre projets de collaboration inaboutis avec le cinéaste franco-suisse et tournant tous, plus ou moins, autour de questions liées à « l’être-juif ».
Ces projets, jamais encore rendus publics, seront publiés ici, sur ce site, en plusieurs épisodes, à partir de lundi.
Nous publions, dès à présent, la courte introduction où Bernard-Henri Lévy expose les raisons qui lui ont fait prendre cette décision et le contexte général de cette publication.
Ce riche dossier permettra à chacun, dit-il, de juger sur pièces. Il permettra de ne plus se contenter, pour accoler à l’un des plus grands cinéastes de notre temps l’étiquette infâmante d' »antisémite », de rumeurs, de phrases prononcées en privé, aussi troubles soient-elles.
Cette correspondance et les documents préparatoires qui y sont attachés constituent l’un des très rares témoignages fiables sur cette question et aussi, au passage, pour reprendre une formule d’Antoine de Baecque, ce 8 novembre, dans Rue 89, « un passionnant dossier » qui nous plonge « dans l’Histoire, la création, la pensée de notre temps ».
Voici le programme de ces mises en ligne. (Du lundi 15 novembre au jeudi 18 novembre)
I- Lundi, la proposition faite par Jean-Luc Godard à Bernard-Henri Lévy, en 1984, d’incarner Joseph dans son film « Je vous salue Marie » ;
II- Mardi, des éléments de la fiction qui devait se tourner en Inde et où Godard aurait joué sous la direction de Bernard-Henri Lévy ;
III- Mercredi, le cœur de ce dossier : « Pas un dîner de gala » – débat sur la Shoah entre Claude Lanzmann, Jean-Luc Godard et Bernard-Henri Lévy ;
IV- Jeudi, enfin, l’évocation, pour la première fois, d’un projet de film-voyage en Israël, « Terre promise », de Jean-Luc Godard et Bernard-Henri Lévy.
Le débat reste ouvert. Mais, nous l’espérons, sur un terrain qui, à partir de là, sera plus solide.
Maria de França
Préambule
par Bernard-Henri Lévy
Ainsi, la question de « l’antisémitisme » de Godard est à nouveau posée. Et ce, alors que lui est attribué, ce samedi, 13 novembre, à Los Angeles, un « Honorary Award » pour l’ensemble de sa carrière.
Je n’aime pas, je le dis d’emblée, ce climat d’inquisition qui règne, aux Etats-Unis comme en Europe, dans le monde intellectuel et artistique. Et j’aurais préféré ne pas avoir à entrer, du tout, dans une bataille où il semble s’agir, comme souvent, de disqualifier une œuvre en invoquant les petitesses, voire les infamies, de son auteur. Mais puisque le débat est lancé, puisqu’il fait apparemment la Une des grands quotidiens américains et puisque nous vivons dans un monde où il risque d’être bientôt impossible de prononcer le nom du réalisateur d’« A bout de souffle » sans l’assortir de cette question qui est, évidemment, une question terrible : « Godard est-il antisémite ? », je me résous à apporter, ici, mon témoignage.
Non qu’il ait, en soi, ce témoignage, une autorité particulière. Mais il a deux caractéristiques que j’adjure ceux qui vont, à partir de demain, protester contre l’attribution de ce Prix et contre l’honneur qui sera ainsi fait au cinéaste controversé, de tenter de prendre en compte. C’est le témoignage d’un homme dont le moins que l’on puisse dire, d’abord, est qu’il n’a jamais transigé, non avec cette opinion, mais avec ce délit qu’est l’antisémitisme ; qu’il ne lui a jamais, au grand jamais, trouvé ni excuses ni circonstances atténuantes ; et qu’il ne s’est jamais privé, de surcroît, d’en reconnaître le visage sous tous ses masques et noms d’emprunt. Et puis c’est le témoignage, surtout, d’un écrivain que les hasards de l’existence ont, à quatre reprises depuis 25 ans, conduit à croiser la route de Jean-Luc Godard ; qui l’a fait, chaque fois, autour de projets cinématographiques qui se trouvaient tourner, précisément, autour de cette question des modalités, modernes ou non, de l’être-juif ; et qui dispose donc, sur cette question, c’est-à-dire sur l’objet même de la présente querelle, d’une expérience singulière et, par la force des choses, d’éléments de réflexion inédits.
J’avais, il y a un an, au moment de la parution de la biographie d’Antoine de Baecque, évoqué ces épisodes peu connus des biographes et, en particulier, de lui, de Baecque. Je l’avais fait dans un texte circonstancié, paru dans Le Point du 8 avril 2010 et qui partait d’une phrase que me prêtait l’autre biographe de Godard, l’Américain Richard Brody, et dont je sentais bien qu’elle était en train de servir de pièce à conviction dans l’instruction de ce qui devenait le « procès Godard ». Avais-je jamais vraiment dit que Jean-Luc Godard était « un antisémite qui essaie de se soigner » ? Oui, sans doute. Si le très sérieux Brody l’affirme c’est, certainement, que je l’ai dit. Mais, maintenant, à quelle occasion ? Dans quel contexte ? Et que fait-on quand une petite phrase de vous, un mot, peut-être juste un propos de table ou une blague, vient à l’appui de la plus grave accusation qui soit ? On donne son sentiment profond. On produit, en pesant ses mots, son intime conviction. C’est ce que je faisais, donc, dans ce texte – dont la conclusion était que le rapport de Godard au « fait juif » est, certes, « complexe, contradictoire, ambigu » ; que « son soutien du début des années 70 aux points de vue palestiniens les plus extrémistes » fait évidemment « problème » ; qu’il y a dans telles conversations privées rapportées, depuis, par l’écrivain et cinéaste Alain Fleischer des éléments qui « ébranlent » ; mais que conclure de cela à un péremptoire « Godard est antisémite » c’est, non seulement prendre le risque de faire comparaître une œuvre devant un tribunal où elle n’a, je le répète, pas sa place mais c’est, sur le point même qui fait problème, sur le nom à donner ou non à la politique godardienne, bref, sur le corps du délit, aller beaucoup trop vite en besogne, jouer avec des mots dont on ne devrait faire usage qu’avec le plus extrême scrupule et, à la fin des fins, s’égarer.
Restaient les documents. Restait le « paquet de notes et de documents » dont je disais, dans ce texte, que je les avais « conservés au fil de ces années » et qui, attestant de ces moments de ma vie en même temps que de celle de Jean-Luc Godard (et, pour une partie d’entre eux, de celle de Claude Lanzmann), fondaient également mon analyse et mon dire. Je m’étais contenté, alors, d’en indiquer l’existence mais sans juger bon de les rendre vraiment publics. Et je l’avais fait sans grand regret car il s’était agi, chacune de ces quatre fois, de films avortés dont je n’étais pas sûr, et dont je ne suis d’ailleurs toujours pas sûr, qu’il y eût grand intérêt à les tirer des limbes où nous avions, les uns et les autres, décidé de les laisser séjourner. Aujourd’hui, j’ai un avis différent. Devant l’ampleur qu’est en train de prendre cette affaire, devant l’accumulation d’à peu près, d’opinions ou de citations tirées de leur contexte et devenues folles dont se contentent, je le vois, des hommes et des femmes que, souvent, je connais et estime, devant – pourquoi ne pas le dire aussi ? – l’invitation que je devine, ici ou là (récemment encore, de Baecque, dans Rue 89…), à sortir du demi-mot et, pour « disculper définitivement Godard » (ou non…), à « publier les lettres, notes, documents préparatoires de ces projets » et, ce faisant, à produire « les pièces » d’un dossier dont j’aurais, jusqu’ici, trop dit ou pas assez, je prends la responsabilité, oui, après tout, de tout donner.
Les voici donc, ces ébauches, ces brouillons, ces notes. Les voici, ces correspondances inutiles, poussiéreuses, oubliées, qui n’étaient plus, pour moi comme, j’imagine, pour Godard, que le triste souvenir d’entreprises engagées dans l’enthousiasme mais mort-nées – et qui vont, là, un instant, reprendre vie et contribuer, j’espère, à un effort de clarification qui ne saurait tarder davantage. A chacun de se faire, à partir de là, son opinion. A chacun de juger, mais comme je l’ai fait moi-même fait : pièces en mains désormais – et avec probité. Lisez.
Lire également : Godard et l’antisémitisme – pièces additionnelles et inédites
par Bernard-Henri Lévy (texte publié par La Règle du jeu le 6 avril 2010; cliquer ici)
Godard voit les choses à l’envers. 6 millions de juifs ont été exterminés uniquement pour extirper le monde de la « race juive ». Les 6 millions de Palestiniens réfugiés ou « colonisés » ne sont l’objet d’aucun programme d’extermination. Ils résultent tout d’abord d’une instrumentalisation des puissances mandataires britannique et française et enfin d’une guerre entre eux et le Yishuv de la Palestine paniqué à l’idée de ne pas établir leur foyer pour que leur frères brimés, persécutés et assassinés dans l’Eurasie soviéto-nazie y trouvent refuge et sécurité enfin.
La difficulté avec BHL c’est qu’il est cultivé le loustic, connait tous les noms les adresses, les faits et les dates, comme un élève assidu. Mais ressort de tout cela une pensée triste. Dans ces conditions comment s’exprimer sur le sentiment qu’il donne d’être un idiot en mal d’aventures et de combats, sans se retrouver avec des tirades techniques (du loustic) contre lesquelles on n’a rien à répondre tellement ça blablate technique. Pierre Bourdieu l’avait bien compris. Tapez donc BOURDIEU et BERNARD HENRI LEVY sur GOOGLE et matez la vidéo.
BHL ne donne l’impression de vivre que dans la haine de l’autre, autre qu’il donne en pâture, distribuant les bons et mauvais points. C’est dommage.
J’ai passé un après-mid entier avec Jean-Luc Godard. Il m’avait raconté qu’il était d’une famille vichyste, « très sympathique comme vous pouvez l’imaginer » avait-il ajouté dans une grimace. Son ami Claude Chabrol m’avait raconté comment « Jean-Luc » rapatriait des fonds depuis la banque de son oncle lorsqu’il y travaillait lors de vacances. Argent toujours investi dans leur débuts cinématographiques. Ce que j’avais trouvé assez drôle de part de jeunes garçons de l’époque ! Mais on ne rit plus de ces choses-là, on juge sévèrement. Heureusement, je suis la seule à trouver piteuse cette société des élites où chacun se précipite pour jouer les procureurs et/où les juges. Mon dieu mais quel ennui ! Dois-je rappeler de plus, que J-L G. est un provocateur !
Enfin quant à présenter les juifs se laissant conduire comme des moutons à la mort, c’est en effet une forme de révisionnisme.
La légende raconte que réfugiés dans la forteresse assiégée de Massada, un milliers de juifs femmes et enfants refusant de céder, se sont suicidés. On appelle cette résistance la première guerre des juifs, et l’on dit qu’ils ont résisté. Se suicider signifierait résister. Mais si ! Car après avoir dit en substance je suis ton Dieu, je suis autre, je suis un, et tout le reste est pareil (je résume) … Il lance le second scandale : TU NE TUERAS POINT ! Dans le contexte de l’époque où la vie d’un homme valait moins que rien, je peux dire sans m’avancer que ce tu ne tueras point n’est pas rien. Voilà pourquoi en mai 0073, à Massada, les juifs ont préférés se suicider plutôt que de tuer. Alors je sais ce que l’on va me dire oui Maiiiis en Israël contre les Palestiniens… Israël est un État d’une part, et de l’autre comment dire… Les juifs se sentent toujours visés (on se demande pourquoi) ! Régulièrement un dignitaire d’un pays voisin déclare qu’il va rayer Israël de la carte. Question : commente réagirions-nous si en Espagne, en Grande Bretagne ou en Allemagne, les chefs politiques déclaraient qu’ils vont rayer la France de la carte ? Quant aux fameux rabbins dont on nous rebat les oreilles, il sont contre la formation d’Israël. Parce que le pays a été repris par les armes, et non rendu par le Messie !!! Il faudrait que Jean-Luc Godard se rende en Israël où il comprendrait que les Israéliens en ont plus qu’assez d’être pris pour des victimes. A la douane, vous serez examiné comme si vous étiez une plante rare, les oreilles, les narines tout y passe au cas où vous auriez l’idée de porter sur vous des objets pas très judaïques qui font boom et de ce fait son réservés à l’armée exclusivement. On vous dira aussi qu’en Israël, il n’y a pas de juifs, il y a des israéliens ! Et ça me va car l’on vous fait savoir que c’est un pays qui pratique sa politique selon des paramètres QUI VOUS, NE VOUS VISENT PAS !. Il est certain que lorsque vous avez une fille, un neveu, un enfant qui a fini en miettes après l’explosion de son bus scolaire, la population du pays voit les choses telles que se présentent. En revanche, s’ils se revendiquaient comme juifs d’abord, alors là ce serait très grave : car le fameux « oeil pour oeil et dent pour dent » revendiqué par Israël est incomplet : le verset dit : « oeil pour oeil et le mal sortira du mal » nuance !!! Il faut aussi s’en souvenir, si les juifs tendaient l’autre joue, on les appelleraient des Chrétiens !
Puis-je demander à mon mari suédois, un peu sombre d’être comme un italien, un éternel ragazzo qui chante dès le matin. Je peux le faire… Le résultat n’est pas garanti !
à toute la vie
Laura Conit
« Je n’aime pas, je le dis d’emblée, ce climat d’inquisition qui règne, aux Etats-Unis comme en Europe, dans le monde intellectuel et artistique. »
Amusant, quand on voit la place que prend BHL dans tous les procès en sorcellerie… pardon en antisémitisme… récents !
Cher Monsieur BHL, pourquoi toujours vouloir tenter de justifier ceux de vos amis dont les propos sont pourtant clairs ?
Combien d’antisémites ont leur ami juif ? D’islamophobe leur ami arabe ?
Un faire-valoir, un justificatif, cela n’exonère pas.
Ecrire que « le rapport de Godard au judaïsme est complexe » est une tentative de compréhension artificielle.
« D’islamophobe leur ami arabe ? »
Ooops! Arabe = musulman ??
La réponse est contenue dans la question on dirait…
Quelques déclarations de Godard :
« le peuple juif rejoint la fiction tandis que le peuple palestinien rejoint le documentaire ».
« Les attentats-suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un Etat palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’Etat d’Israël. »
A vous de juger.
@David,
Godard a bien raison ! Ces propos ne relèvent pas de l’antisémitisme mais du bons sens.
La France entière pense comme Godard, Neuilly et les Etats-Unis ne sont qu’une base arrière de banquiers immigrés à l’époque de la ruée de l’or, se sont d’ailleurs les descendants de ces chercheurs d’or qui ont encore ruiné le monde !