Chers amis français lecteurs de La Règle du Jeu,
Bernard-Henri Lévy, compagnon indéfectible de la cause du Darfour, m’a ouvert les colonnes de ce site.
Depuis neuf ans, je dirige la résistance au Darfour, une immense contrée dans l’ouest du Soudan, peuplée de plus de six millions d’habitants, que le dictateur El-Béchir tente depuis sept ans de soumettre par le fer et le feu, dans une guerre de génocide, de viols, de vols et de rapine qui a fait un minimum de 300.000 morts et peut-être quatre millions de déplacés et de réfugiés qui se retrouvent dans des camps. Cette guerre contre les populations civiles lui a valu l’an dernier d’être inculpé par la Cour pénale internationale de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Ces deux semaines d’avril, je vais chaque jour m’adresser à vous, habitants de la patrie des Droits de l’Homme, citoyens de cette France démocratique et internationaliste qui m’a offert un accueil chaleureux pour ma famille et moi-même, et d’où je continue mon combat pour la liberté de mon peuple et du Soudan. Car, plus que jamais, en ce moment critique de notre histoire, il faut que vous sachiez ce qui se passe là-bas. Plus que jamais, la cause du Darfour a besoin de votre compréhension et de votre soutien.
Des élections locales, législatives et présidentielles se tiennent, toutes ensemble, depuis dimanche dans tout le Soudan. Depuis l’étranger, on nous répète à l’envie : « Réjouissez-vous. Ce sont vos premières élections depuis plus de deux décennies. Ce ne sera certes pas parfait, mais c’est un début. Et, de toutes façons, seraient-elles entachées, ici ou là, de fraude, est-ce que ce n’est pas mieux que rien ? »
L’avocat que je suis, homme de Droit et de loi, envie les pays démocratiques comme le vôtre, qui jouissent d’élections libres et transparentes, où partis et citoyens peuvent s’exprimer et choisir librement leurs représentants. J’aimerais tant pouvoir me servir d’un bulletin de vote, et les résistants au Jebel Marra, au Darfour, troquer leur fusil pour une carte d’électeur. Mais mon peuple a en face de lui des soldats, des avions, des milices sans merci, et les urnes qu’on lui tend dans les camps où il croupit sont des leurres qui ne trompent personne.
Ces élections n’ont rien à voir avec ce que vous, Français, connaissez. Tout est truqué, faussé, tout est une parodie de démocratie, une mascarade sinistre. Au point que non seulement le mouvement qui est le mien, le SLM, mais tous les grands partis d’opposition ont décidé de boycotter l’élection présidentielle.
Le recensement de la population a été trafiqué, le découpage des circonscriptions est taillé sur mesure et quant aux listes électorales, je vous laisse à penser ce qu’il en est. Le gouvernement a entravé l’expression libre des candidats. Suis-je seul à le dire ? Non. La presse internationale l’a décrit en long et en large. En France, Libération affirmait samedi que ces élections étaient un piège. Au Darfour, il était tellement évident que des élections décentes étaient impossibles à tenir que les observateurs européens se sont retirés ! Pour une raison que chacun peut comprendre : le Darfour est toujours occupé et en guerre. Il y a deux mois, le président Omar El-Béchir, dont les troupes et l’aviation nous massacrent depuis 2003, a déclaré que la paix régnait désormais au Darfour. Par realpolitik, la communauté internationale feint de le croire. Quelle paix ? La paix des camps de réfugiés, ces otages par millions ? La paix muette des villages désertés, dont les habitants ont été massacrés, chassés par les milices janjawids aux ordres de Khartoum ? Voici ce qu’a écrit dans Libération Gérard Prunier, le Français qui connaît peut-être le mieux le Soudan : « Quant à Abdelwahid Al-Nour, le chef du SLM, qui avait compris tout cela et refusé de se rendre à Doha, il n’est pas « l’entêté » borné décrit récemment par Bernard Kouchner. Ce refus lui a valu de subir une offensive de l’armée, en février, dans son bastion du Jebel Marra, dont la moitié est passée sous le contrôle du gouvernement. Le bilan de l’attaque est d’au moins 400 morts et 80 000 déplacés. Personne n’en a dit mot : ni la presse, ni l’ONU, ni l’Union africaine. Sur le plan électoral, le Darfour est le principal réservoir de la fraude à venir, comme le montre un excellent rapport de l’International Crisis Group. Près de 2,5 millions de personnes vivent dans des camps de déplacés, sous le contrôle absolu du gouvernement : ils ont été enregistrés sur les listes électorales de manière fantaisiste, et en plus ils ne pourront pas voter… Au Darfour, la sécurité n’est pas assurée ; comment voulez-vous qu’un processus électoral honnête ait lieu ? »
Je vais donner quelques exemples de l’escroquerie électorale au Darfour. Dans l’Etat du West Darfour où la quasi-totalité de la population a dû fuir ses villages, les rescapés vivent dans deux camps, Moarny et le gigantesque Geneina. Le gouvernement soudanais a installé sur leurs terres des milliers d’étrangers, en majorité arabes, leur a attribué la nationalité soudanaise et les a inscrits sur les listes électorales. Combien de voix El-Béchir et les candidats à la botte du Parti national du Congrès vont-ils obtenir de la part de ces nouveaux « électeurs » « soudanais » ? 15,2%, 47,8 % ? Ou plutôt 95%, 130%, voire 200% ?
Certains, en Europe, veulent croire que la présence des observateurs internationaux est une garantie. Mais vu l’immensité du Soudan et le nombre de bureaux de votes, ces observateurs ne peuvent contrôler grand chose. Je me demande, par ailleurs, ce que les observateurs envoyés par la Ligue arabe et la Chine connaissent vraiment en matière de démocratie… Quant à tous les observateurs dignes de ce nom, qui se sont investis en conscience dans leur mission d’observer et ont constaté ce qu’il en était, au point, les uns de demander le report des élections, et ceux de l’Union Européenne de se retirer il y a quelques jours plutôt que de cautionner la mauvaise farce des élections, le candidat El-Béchir, dans un meeting public, leur a lancé ceci : « nous leur couperons les doigts et nous les écraserons sous nos chaussures ». Mis au pied du mur, les dictateurs ne s’embarrassent plus de mots et « crachent le morceau », comme vous le dites si bien en France. En Afrique, nous disons: « Le serpent a craché son venin ».
M. Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies, a estimé que ces élections constituent « un moment historique pour le Soudan ». Comment peut-on proférer pareille incongruité ? Cela ne le choque-t-il pas que le principal candidat à la présidentielle soit recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ? Le jour où Omar El-Béchir, seul candidat en lice, sera déclaré vainqueur (par triche et par défaut), quel télégramme de félicitations M. Ban Ki-moon va-t-il lui envoyer ? « Bravo pour votre triomphe solitaire ! Mais n’oubliez pas, s’il vous plaît, Monsieur le Président, que vous êtes attendu au plus vite à la prison de La Haye, en vue de votre comparution devant la Cour pénale internationale » ?
Depuis le Darfour, je reçois chaque heure des témoignages aussi dérisoires que pathétiques sur ces « élections » soudanaises, cette nouvelle injure faite à mon peuple, au Darfour et dans tout le Soudan, et ce pied de nez d’un dictateur cynique à la communauté internationale. Ici, on amène des femmes depuis les camps par camions entiers pour les faire voter (devinez pour qui ?) La chose faite, et bien faite, on leur distribue du sucre mais, les camions aussitôt repartis qu’arrivés, on se moque de les ramener d’où on les a extraites le temps de cette mascarade. Là, dans le Nord Darfour, circonscription de Dar Salam, les bureaux de vote 28 et 29 n’étaient toujours pas ouverts lundi à 16 H. De même dans le West Darfour, à Sisi Abatta, deux bureaux au moins n’étaient toujours pas ouverts, alors que les élections étaient censées commencer la veille au matin. Dans la localité d’El Shoulla, East Darfour, le chef du bureau a voté à la place de 250 personnes, des femmes pour la plupart, qu’on avait dissuadées de venir « en raison de troubles » que créerait leur « grand nombre ». On saura dans quelques jours pour qui ce chef de bureau a voté… Je vous ferai part, si je le connais, de l’heureux résultat.
A demain, chers amis français.
(Traduction la Règle du Jeu)
Monsieur abdul wahid lui même viens de une parte de cette crime au Darfour pourquoi reste ici en France pleur de condition des peuples al occasion la victime au Jabal Mara lui donne le premier raison pour S D Gouvernement pour le massacre
du Darfourie il veut montre que lui série jusque mentent rien faire ici la France été très gentil avec lui