Pippo Delbono est un homme de théâtre bien connu pour son histoire heurtée: après avoir vu son amour de jeunesse mourir du SIDA, il souffrit de graves problèmes psychiatriques et rencontra, dans un asile, le microcéphale Bobo, qui l’accompagne depuis lors.
Histoire heurtée, mais aussi incroyable capacité à la transformer en art — en théâtre. « Récits de juin », c’est précisément l’évocation par Delbono lui-même de son étrange parcours. Et chacun de ses spectacles se propose de rejouer ce parcours singulier, cette « boue » métamorphosée en « or », selon l’expression baudelairienne…
Le dernier, présenté récemment au Rond-Point, s’inscrit directement dans cette perspective: il part d’un terrible accident survenu à l’usine Siemens, en Italie, dans lequel huit ouvriers perdirent la vie. Le fait.
De toute évidence — et surtout en Italie!— la source d’un théâtre politique: dénonciation d’une société de l’image, de la pornographie visuelle — clairement mise en scène dans la chorégraphie de Delbono sous la forme des photographies prises en permanence de déshabillages. Femmes qui se dévêtissent et masquent leur visage. Hommes qui feignent l’acte sexuel.
Un discours bien connu donc. Quelque chose qu’a pratiqué Jan Fabre, aussi — « Orgie de la tolérance ». Mais la singularité de Pippo consiste à mettre en relation cette violence, ces chocs, avec les silences intérieurs du Moi, de montrer comment la résurrection de Bobo et son propre parcours peuvent être mis en relation avec ce devenir tragique.
Face à une société qui, voyeur, surveille et, sadienne, punit, que faire? Créer. Créer encore et toujours. C’est pour cette raison que la critique de certains, qui a vu des facilités dans le caractère palimpsestueux du travail de Delbono, se fonde sur un problème mal posé. Evidemment, le thème essentiel ne change pas -parce que, comme dirait Montaigne, « je suis moi-même la matière de mon livre ».
Persister à écrire, persister à s’écrire, même et surtout à travers les autres, cela consiste surtout, pour Pippo Delbono, à clamer que, encore et toujours, il croit en l’art. Il croit en la parole. Il croit au théâtre.
Peut-on le blâmer pour cela?
oauis, c’est bien beau ce bla bla bla, mais quid du spectacle en lui-même ? t’es allé le voir au moins ?
The sublime is now comme diraient d’aucuns.