Il en va des nations comme des personnes. On a toujours tort de sous-estimer leur dimension psychologique, pour apprécier leur comportement.  La crise, qui s’élève ces derniers jours entre Israël et l’Iran,  n’échappe pas à cette règle.

Du côté de Jérusalem, il ne se passe pas une journée sans qu’il ne soit fait état dans la presse, d’une rumeur de frappe imminente sur les installations nucléaires iraniennes. Le régime des mollahs n’est pas en reste : le président Ahmadinejad ayant sobrement déclaré pour célébrer la « journée mondiale d’AlQuds » qu’Israël était « une tumeur cancéreuse qui allait bientôt disparaître ».

Si la diffusion de ces rumeurs rend une action imminente peu probable, elle signifie en revanche que l’option militaire est sérieusement envisagée.

Vu du quai d’Orsay ou d’autres chancelleries occidentales, la perspective d’une action de Tsahal pourrait apparaître tout aussi fantasque que les promesses d’extermination exprimées par M. Ahmadinejad.  Il n’est pas certain que cette approche, soit la plus pertinente.

Évidemment, les raisons qui rendent une frappe israélienne en Iran délicate en l’état actuel des choses sont bien connues. Il n’est pas question de les sous-estimer.

La première et non la moindre est que si une attaque surprise était réellement envisagée, nous ne serions pas ici en train de la commenter. L’art de la guerre – et les israéliens y sont rompus plus que d’autres – tient tout entier dans la maxime « y penser toujours, n’en parler jamais ».

Par ailleurs, les spécialistes des questions stratégiques doutent de l’efficacité de frappes ciblées pour atteindre des installations secrètes et enfouies. Les dégâts collatéraux seraient considérables et le résultat militaire hypothétique. Ils doutent, surtout, de la possibilité pour les avions israéliens de les atteindre sans l’appui logistique d’un pays tiers. Or, le rafraîchissement très net des relations avec la Turquie, allié d’hier, ne milite pas dans un sens favorable à une intervention armée.

L’opération serait hardie pour ne pas dire hasardeuse, sans le soutien des États-Unis. Or, ce n’est certainement pas une décision que prendrait Barack Obama en campagne électorale à trois mois du scrutin présidentiel.

Si une intervention armée d’Israël semble compromise en l’état actuel des choses, ce pronostic pourrait rapidement se trouver démenti dans les faits par une donnée qui rend toutes les autres caduques ou secondaires.

Le péril iranien est perçu de manière inversée en Europe et en Israël. Nous l’estimons lointain géographiquement et hypothétique dans sa nature.

L’appréciation des choses est radicalement différente vue de Tel-Aviv. Le président iranien, à la tête d’un régime fondamentaliste, est lancé dans une course ruineuse à l’arme nucléaire que rien ni personne ne semble être en mesure d’arrêter et, dans le même temps, il n’a de cesse de prophétiser la destruction d’Israël.

De plus, Israël confronté depuis sa création à l’exiguïté de son territoire et à l’hostilité de ses voisins, est convaincu que le moindre faux pas stratégique lui serait fatal dans l’évaluation des dangers. Il ne doit jamais et à aucun prix se retrouver en position d’agressé. Deux guerres, aux causes inverses, ont profondément concouru l’établissement de cette doctrine : celle des six jours (1967) et celle de Kippour (1973).

Dans le premier cas, Israël, au vu des déclarations de plus en plus menaçantes du raïs égyptien Nasser appelant – déjà – « à jeter les sionistes à la mer » et de sa décision de fermer à la navigation le détroit de Tiran, avait décidé de frapper en premier et par surprise au matin du 5 juin 1967. La destruction de l’aviation égyptienne au sol avait assuré à Israël un avantage stratégique qui a modifié les frontières du Moyen-Orient jusqu’à aujourd’hui.

À l’inverse, en 1973, l’agression surprise au soir de la fête juive du Grand-Pardon par les armées égyptiennes avait laissé l’armée israélienne désemparée et désorganisée. Il s’en est fallu de peu pour que l’existence d’Israël s’arrêtât là.

Évidement, cette conception de la « guerre préventive », pas toujours assumée, est à rebours des conventions internationales selon lesquelles, celui qui entame les hostilités se met en tort. Golda Meir, ancien premier ministre israélien avait résumé les choses à sa manière : « nous préférons recevoir vos condamnations que vos condoléances ».

La crise iranienne traduit cet écart d’expérience et d’analyse.

Les puissances occidentales voient dans Ahmadinejad, un dictateur d’opérette à la sauce islamique, qui n’a pas encore les moyens de ses ambitions destructrices.

Israël, fidèle à son histoire et à sa doctrine d’auto défense ne voudra pas assumer le risque, aux dépens de ses intérêts vitaux, de vérifier, si le président iranien doit être pris au sérieux. L’état hébreu, pourrait être tenté, s’il pense qu’il y est acculé, d’appliquer un principe de « précaution militaire », indépendamment de toutes les autres considérations qui rendraient l’opération aventureuse ou déraisonnable.

Évidemment, l’affrontement armé n’est pour l’heure, ni certain, ni souhaitable. Il nous incombe la responsabilité première de l’éviter en nous interposant dans le face à face entre Israël et l’Iran. En l’occurrence, on aurait tort de sous-estimer le rôle que pourrait jouer une parole de fermeté, qui fait cruellement défaut, quoi qu’en disent nos marquis de Norpois rompus aux réprobations convenues.

Les israéliens éprouvent le besoin existentiel de sentir qu’ils ne sont pas seuls face à leur destin. Les iraniens souhaitent être pris au sérieux, jusque dans leur folie nucléaire.

Dans ces circonstances, il revient à la France et à l’Europe, d’élever un avertissement suffisamment fort pour être entendu, qui vienne dire aux premiers, qu’instruits de la douloureuse expérience de la Shoah que nous avons en partage, nous comprenons leur crainte et aux seconds, que nous ne laisserons se concrétiser ni leur projet, ni leurs menaces.

Cette parole si elle advenait, serait finalement moins nécessaire à la sécurité d’Israël, que salvatrice pour l’émergence d’une Europe, fière de son histoire et de ses valeurs. Si au contraire, elle venait à manquer, alors nous aurions beau jeu de déplorer ce que nous aurons laissé faire.

12 Commentaires

  1. Les Iraniens sont des fins stratèges, diaboliques et extrêmement pernicieux. Ils savent que l’Europe mis a part de belles paroles n’a pas les moyens ni le désir de porter une action militaire contre l’Iran surtout pour défendre l’état juif. En observant ce qui se passe en Syrie, ils comprennent très bien, que le géant européen est un monstre d’argile qui n’osera jamais entamer un conflit unilatéral avec l’Iran et ses allies terrosoristes. Seul les USA sont capables d’alarmer l’Iran. Malheureusement encore une fois, les stratèges iraniens calculent que les USA n’ont pas le désir de commencer une 3eme guerre dans la région qui pourrait entamer leurs ressources dans un moment où l’Amérique peine économiquement. A moins que les Américains aient la capacité diplomatique de rallier leur allies comme pendant la première guerre du golfe contre l ‘Iraq. Encore une fois, la crise économique mondiale étant si sévère, je doute que cela puisse réussir. Israël en finalité est seul devant l’Iran dans ses choix militaires.

  2. Dans cette affaire, je soutiens l’Iran.
    Rien ne prouve qu’ils cherchent à s’armer… C’est la même paranoïa que celle qui a déclenché la guerre d’Irak et nous savons comment cela termine.

  3. On dit «Jéthro» ou «J’en ai trop»? Moi, je préfère Itro. Je n’en aurai jamais assez de l’amour qu’un Arabe a pu porter à un fils d’Israël fuyant vers l’Est la tyrannie de Pharaon. Mais «il n’est rien de tout neuf sous le soleil» disait le troisième roi. «1, 2, 3, soleil! Mahmoud! j’t’ai vu bouger. Oui, t’as même changé d’taille. Vous l’avez vu? J’suis pas fou, quand même…» C’est leur truc aux cinglés. Vous faire croire que c’est vous qui l’êtes. Il faut dire qu’au bout d’un moment, à force de chercher à établir le dialogue avec un logophage, on ne sait plus d’où provient le son de sa propre voix.
    Tout aurait tellement pu être possible. Il eût suffi pour cela que le retour des Judéens en terre de Judée fût vécu par les conquérants de la Palaestina romaine comme la corde dans la poche du pendu. D’abord, très égoïstement. L’échange de savoir-faire crée de l’émulation. Du savoir à ne plus savoir qu’en faire. Et puis, humainement parlant, la présence d’un État ni chrétien ni musulman sur les lieux d’un Lieu pour lequel tant de guerres saintes avaient dévasté tant de vies et autant de visages offrait maintenant une garantie mutuelle de tenue en respect des civilisations héritières de la religion révélée. Une révélation pour un Abrahâm dont je ne trouve pas trace dans les Antiquités romaines ou arabes, figure historique ou mythique, pour sûr allégorique des Iehoudîm, ces Hébreux auxquels un grand roi iranien, conquérant de Babèl, avait permis d’effectuer leur retour vers la portion de l’ancien royaume de David attribuée à la tribu de Iehouda. Abrahâm, dont tout universaliste serait bien inspiré d’admettre ce qu’il doit à son existence scripturaire, et dont le peuple qui en mémorisa le parfum d’encens mérite bien un petit salut fraternel de la part des récipiendaires de son message d’unité.
    Le fantasme n°1, c’est l’idée d’un peuple juif non seulement marionnettiste, mais sadomasochiste, jouissant du mal qu’il fait subir à ses poupées de tissu charnel comme du mal qu’il leur fait lui faire. À ce compte-là, Dominique Strauss-Kahn aurait planifié son arrestation au Sofitel de Manhattan en vue de traverser une jouissive période de bannissement. Un scénario digne du grand Mad Max, mouturé à la tronçonneuse. On aurait tort de s’imaginer que la propagande nazie a cessé de ravager les zones les plus vulnérables de la Oumma, cette islamité cernée de prétendants auprès de laquelle chacun d’eux ambitionne de se donner l’envergure de l’aigle exfiltré de 1945, Noces de Carnage que les évangélisateurs d’antan rêvaient d’offrir à leur chrétienté. Ce n’est pas simplement de l’antisionisme qu’ils se repaissent, mais de la pitance antijuive dont ils remplissent à ras bord les mangeoires de tous ceux qu’ils affament dans ce dessein terrible. Les Juifs, on les retrouve mentionnés dans quelques uns de leurs canons facilement manipulables pour qui sait tenir les masses à l’écart de la raison critique. Les Juifs, tout en haut de la liste des infidèles. Une longue liste. Une liste qui s’allonge d’elle-même, selon son bon plaisir. Israël est la première marche vers la guerre totale. C’est la logique de la guerre sainte que de repousser les limites du monde fini. Pour l’heure, Ahmadinejad fait son Pétain. Il table sur le désir de paix d’une population mondiale rivée à son instinct de conservation. Mais ne nous fions pas à sa fièvre feinte… Le monstre froid s’apprête à faire son entrée en salle d’op sous un tonnerre d’acclamations préenregistrées. La Oumma qu’il dit adorer a été ligotée sur instruction ayatolléenne à un lit de fer. Le cancer qui l’atteint s’est visiblement métastasé. L’opération va durer plus longtemps que prévu.
    La folie qui se transmet depuis le cortex étatique d’Iran concerne au premier chef les pays de culture sunnite. À ce titre, que les Frères panislamistes se rappellent l’arrogance de l’Adenoid Hynkel irakien quelques heures avant la guerre éclair qui mit fin à ses glanduleuses projections! Jamais un dictateur post-hitlérien ne parviendra à écraser la puissance du monde libre. Car celle-ci repose sur la vivacité de ses intelligences multiples. La remise en question des uns par les autres force chacun, sans cesse, le moins comme le plus performant, à repousser le seuil de ses capacités intellectuelles et consciencielles. Il doit cela aux penseurs humanistes. Son humanité se sent quadraturée comme un homme vitruvien dans le collimateur de ses humanités. Il conserve en mémoire les retours de flamme du Crematorium II. Il sait que les propos haineux à l’endroit des Juifs ne sont pas des propos simplement excessifs, ce qui laisserait entendre qu’il suffirait de les modérer pour qu’ils perdent instantanément leur caractère intolérable.
    Les propos du président de la République islamique d’Iran ne sont pas excessifs, ils sont mauvais. Ils sont mauvais parce qu’ils sont faux. Non seulement Israël n’est pas une tumeur, mais Israël fut et demeure une source de prospérité pour le Proche-Orient où ses lumières dans les secteurs de la science, de l’industrie ou de l’éducation pour ne citer que les principaux, se répandent et s’étendent à perte de vue. L’ayant classé au quatrième rang mondial, l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) a reconnu Israël comme un centre international de recherche et d’examen des brevets d’invention. Que ce soit dans le secteur des biotechnologies (Institut Weizmann), des télécommunications et de la recherche spatiale (le Technion), des sciences sociales (Université de Haïfa), des recherches médicales (Université Hébraïque de Jérusalem) ou multidisciplinaires (Université de Tel-Aviv), de l’oncologie et de la fertilité (Université Bar Ilan) ou des études du désert (Université Ben Gourion du Néguev), les capacités technologiques de l’État hébreu sont très discrètement et néanmoins très officiellement reconnues. Commençons par le reconnaître, et puis, commençons à le faire savoir. Mettons en commun nos énergies créatives au lieu que d’éprouver un pauvre et minable désir d’anéantir le fruit de l’existence des autres, ne sachant éprouver à son contact qu’un affreux sentiment de privation. Iraniens et Israéliens pourraient ainsi devenir des partenaires économiques, politiques, voire culturels et renouer avec le meilleur d’une époque où la Perse jouissait d’une aura mondiale au sein du monde connu.
    Mon arrière-grand-mère avait coutume de dire que le monde était partagé en deux. D’un côté, les Juifs. De l’autre, les antisémites. Il faut dire qu’elle était née avant Drumont et qu’elle mourut après Hitler. Les Juifs auront tout vu en matière d’antisémitisme. Je veux croire que les temps ont changé. Je veux croire ce que je sens. Que rien ni personne n’aura jamais plus d’emprise sur l’esprit des enfants d’une Europe longtemps rongée d’un remords indicible pour avoir redoublé de médisance mortelle. La dernière fois qu’on a laissé les Israéliens faire le sale boulot, savoir, partir tout seuls affronter un ennemi qui est autant le nôtre que le leur, le match s’est soldé par un score gore. Nasrallah n’est pas mort, Nasrallah a gagné. La dernière fois que la France a pris parti contre la RII dans un conflit armé, on lui a envoyé Gordji. Le genre de petit cadeau qui vous refroidit. Mais comment comparer deux stades de progression l’un à l’autre ou l’un et l’autre de deux autres? Agir… Agir, lorsque ça urge. Est-ce que ça urge? Agir ou gésir. Deux temps, trois mouvements. Je suis pour la paix au Vietnam, et aussi pour la paix à Paname. L’évolution du Moyen-Orient nous concerne comme l’incendie qui se déclare dans l’appartement situé tout au bout du couloir de l’étage. Israël est en Orient une porte ouverte sur l’Occident.

  4. Je lis toujours ce blog avec beaucoup d’intérêt. Je partage souvent le lien. Mais j’avoue que je préfère vous lire quand le sujet n’est pas Israël…

  5. Plaidoyer = exposé argumenté
    Quid de la capacité de nuisance de l’Iran dans la région plus à craindre que le nucléaire mais dont l’Europe ne fait pas grand cas
    Quid de l’isolement d’Israel face à la montée des islamistes dans les pays arabes que l’Europe ne prévient pas beaucoup
    Quid de l’Europe et surtout de la France qui s’est détournée de la Turquie entrainant cette dernière à chercher d’autres alliés et à se détourner d’Israel
    Quid des étudiants iraniens et des opposants iraniens qui n’ont jamais été soutenus et qu’il conviendrait de soutenir par tous moyens.
    Israel n’a qu’une option, faire les gros yeux, et vous pensez que vos propositions (nous comprenons vos craintes à destination d’Israel, et notre désaprobation à destination du président iranien) permettraient l’émergence d’une Europe fière de ses valeurs.
    Ce n’est pas un plaidoyer, c’est un conte angélique.

  6. Cela aurait été intéressant de savoir comment le peuple iranien voit, ressent tout cela… Je dis bien 3le peuple3, pas leur gouvernement d’illuminés.

  7. Ce fou d’Ahmadinejad empêche toute réconciliation diplomatique. Il semble assez évident que la menace constante qu’il fait peser sur Israël noue les mains de tout l’occident.
    Je ne peux l’expliquer qu’ainsi le fait que des jeunes iraniens se soient fait massacrer et l’occident n’ait pas du tout bougé alors que les pays du printemps arabe ont pu compter avec une large mobilisation internationale voir même avec une aide armée.

  8. Le monde entier a laisse faire Hitler, il laisse faire aujourd’hui Bachar el Assad, alors le monde ne fera rien en cas de conflit entre l’Iran et Israel. Mais je souhaite de tout coeur que le FOU de Teheran et le Fou D’Israel se calment et que rien d’advienne.

  9. Tout cela les dirigeants Européens et du reste du monde l’ont à mon sens déjà anticipé. Agir en Lybie (Si ce n’avait été Sarkozy?), en Syrie, et en faveur de tous pays arabes seraient des cas de Jurisprudence fort encombrants pour eux…Alors cela voudrait-il encore une fois démontrer qu’Israël aux yeux du monde ne serait qu’un pays octroyé aux juifs EN CDD ?

  10. A se demander si Israël ne ferait pas mieux de déménager plutôt que de subir (et de rendre) une rage incessante, incontrôlable, irrationnelle de ses voisins.

  11. Merci pour ne pas tomber dans les clichés et exposer les choses en prenant en compte les deux côtés. Il s’agit d’une affaire bien grave et seuls ceux qui la subissent au quotidien peuvent comprendre la peur et les dangers de relations plus que tendues et si dangereusement auto-destructrices.