fr & esp

Pardon!  

Fernando Arrabal.

Peu de temps après la fin de l’ancien régime, un « premier » congrès des syndicats de la démocratie s’est tenu à Barcelone. Les organisateurs ont réussi à réunir à la tribune officielle toutes sortes de personnalités et célébrités. Pour plus d’émotion, j’étais le dernier des derniers de ce jubilé et de cette commémoration.

Évidemment, comme pour justifier la présence de «ce» poète et dramaturge, l’un des dirigeants a rappelé généreusement et gentiment ma lettre au dictateur publiée de son vivant, ma tentative malheureuse (et heureusement infructueuse) de «tyrannicide», mon emprisonnement à Carabanchel et l’interdiction totale de tous mes écrits jusqu’au lendemain du décès du général. La vérité est que je ne méritais absolument pas d’assister à une assemblée aussi prestigieuse. Il y avait un autre présentateur aimable et bienveillant qui m’a inclus  dans rien de moins qu’un aréopage de  «poètes pauvres et maudits ».

On m’a même demandé de m’adresser à la foule qui remplissait l’arène. J’étais inquiet et submergé plus que d’habitude. Par cette terreur qui peut accabler l’acteur lorsqu’il entre en scène ou l’orateur au début d’une conférence. Peut-être (franchement!) devrions-nous avoir en Espagne un mot comme « trac ». La modeste tribune me paraissait une inabordable estrade ou une chaire prolétarienne.

Je ne pense pas que quiconque puisse ou doive, dans une telle situation évoquer Staline. Bien que ce chef ait eu tellement de charisme pour les siens qu’ils applaudissaient ses silences. Ce n’est pas comme notre caudillo qui, lors de ses pauses, a pu entendre une seule voix , mâle, (si différente de la sienne) hurler: « grâce à toi invincible généralissime! ».

Les quatre biographies que j’ai lues sur Staline m’ont éclairé  sur sa vie (deux pour et deux contre). Elles rapportent presque de la même manière la visite  du petit père des peuples à sa mère pour la première fois après son ascension. Lors du long trajet en train de Moscou à Tbilissi, il était taciturne. Quand il atteignit la dernière gare, il tremblait. Apparemment, il ne savait pas quoi dire à sa mère. À sa presque géniale maman – Madame Kéké Geladzé -; à mon modeste avis, est-ce grâce à son insistance que les surdouées Nona Gaprindashvili et Maïa Tchiburdanidze ont remporté le championnat du monde d’échecs?

Quand il sortit de son wagon et l’embrassa sur la bouche en bégayant avec un horrible «trac», son Pepito (plutôt son adoré Sosso ou son gentil Koba, ou mieux encore, son idolâtré Iosif) lui annonça fièrement:

– « Mamoucha, j’ai maintenant plus de pouvoir en Russie que les tsars. »

Elle le regarda, contrariée, et répondit calmement, comme toujours:

-« Quel dommage! Tu aurais fait un si bon pope ».

Il est vrai, peut-être aurait-il été un prêtre brillant comme il avait été jusqu’à l’âge de 21 ans un brillant séminariste. Tableau d’honneur! Avec des notes: toujours 5/5; les 10/10 espagnols ou les 20/20 français. Ses poèmes, en particulier ceux écrits à la gloire d’Ibéria (en grec ancien Ἰβηρία), sont-ils meilleurs que les vers du « Chant général »? Quoi qu’il en soit: ils sont plus lyriques et plus émouvants.

Sans aucune solennité et avec la modestie de ma condition, je me suis soudainement retrouvé complètement déplacé avec un microphone! Avec un micro en main! (pas encore dynamique ou électromagnétique). Comme il arrive toujours, quel que soit le « microvox », je suis paralysé par la peur sans savoir que dire. Quel baragouin inventer et sans l’aide de Démosthène?

… mais alors, sans plus d’hésitation … impulsif et spontané … j’ai prié ceux qui m’entouraient de demander pardon (si nécessaire à genoux ai-je ajouté) pour les religieux et les laïcs qui ont été tués et pour les bibliothèques, églises et « ateneos » qui ont été brûlés de 1936 à 1939.

Et comme emporté par ce que j’avais dit, j’ai même supplié que nous demandions pardon, même ceux qui, comme moi, n’avaient que six ans à la fin de la guerre incivile, et n’ont jamais appartenu à une formation autre que poétique. Non par mépris ou suffisance – dis-je – mais à cause de l’humble anxiété de celui qui doute de l’essentiel: de tout et de rien. Dans mon cas, instruit par le naturel avec lequel la mère Mercedes (la Thérésienne qui a adopté et hébergé les enfants de Ciudad Rodrigo) a essayé de nous rendre savants (oui, oui, vous entendez bien: savants!) après nous avoir appris simplement à lire, écrire et aimer.

Sans relâche, j’ajoutai: permettez-moi de dire en toute innocence et avec douceur afin de ne déranger personne qu’il est temps que les uns et les autres (qui se vantent d’avoir été de féroces ennemis), s’excusent pour les crimes qui, selon moi (et j’espère avoir tort!) ont été commis tranquillement et joyeusement par des fanatiques déguisés en Capulets et Montaigus.

Et comme si j’avais répété mon monologue, j’ai poursuivi: « oui, malheureusement, il me semble qu’il y avait des hordes de hors-la-loi ‘de-la-cause’ (d’un côté et de l’autre) qui décimaient la population et même leurs propres compagnons quand il arrivait à ceux-ci de penser; et dans certains cas, ils ont battu tous les records de vilenie et de perversité; oui, malheureusement, il y a eu des meurtriers ou des bourreaux qui ont rendu leurs adeptes complices de leur ignominie, quand ils ont essayé de changer la terre où nous avons le bonheur d’être nés en champs de crânes; oui, malheureusement, il me semble qu’il y avait des  matraqueurs, des criminels, des égorgeurs, des bouchers (je ne veux choquer aucun honnête charcutier ) qui sévissaient ici ou là en toute impunité; et de toutes les couleurs et pour tous les goûts; oui, malheureusement, il y avait des délégués nommés à la justice qui étaient des agents de l’injustice, et des tribunaux qui ne faisaient que promouvoir le désordre, même s’ils prétendaient appartenir à la magistrature de l’ordre public.

Comme si cela ne suffisait pas, je m’adressais à un groupe, principalement composé de jeunes, qui n’avait pas grand-chose à voir avec les génocides intercontinentaux. Et qui ne se sont pas vantés d’avoir appartenu aux escadrons de tueurs . J’ai demandé, « est-ce toujours un titre de gloire – ici et maintenant – d’avoir fait partie de ces milices de la balle dans le cou, de la délation mortifère ou du piolet dans le crâne ? Quand le juste pouvait, pour avoir changé de couleur, passer soudainement du jour au lendemain , de l’être au non-être? De sages citoyens à abominables parasites pour la meute de martyriseurs des deux côtés ? Les justes pourraient-ils être disqualifiés parce que on les accusait des crimes les plus dégradants, ceux-ci pour cela et ceux de l’autre côté pour d’autres motifs?

Et je parlais il y a moins d’un demi-siècle. J’ai dit que rien de tout cela ne devrait jamais être une angoissante actualité. Les militants (des deux causes) devraient cesser de terroriser; de donner des leçons sans remords. Les fans et les supporters devraient se sentir humiliés par les génocides de leurs aînés. Et il y en avait sur ce trottoir et celui d’en face.

Quel dommage que le geste de Barcelone n’ait pas eu de suite !

Quel dommage que les partisans de ceux qui ont déterré le corps de Gaudí et l’ont traîné dans les belles rues de Barcelone (dix ans après sa mort, le 10 juin 1926), n’aient pas pensé ou ne pensent pas aujourd’hui à demander pardon!

__________________________________________

 

 

 

 

esp & fr

     ¡Perdón!

      Fernando Arrabal

 

Poco después del fin del antiguo régimen se celebró en Barcelona un ‘primer’ congreso sindicalista de la democracia. Los organizadores consiguieron que en el tablado oficial hubiera toda clase de personalidades y famosos.  Para mayor emoción fui el último mono de aquel jubileo y recordatorio.

Obviamente como para justificar la presencia de ‘aquel’ poeta y dramaturgo, uno de los dirigentes recordó generosa y gentilmente mi carta al dictador publicada durante su vida, mi desgraciada (y felizmente fallida) tentativa de ‘tiranicidio’, mi encarcelamiento en Carabanchel y la prohibición total de todos mis escritos hasta el día siguiente de la muerte del general. La verdad es que ni remotamente merecía estar en tan lucida junta y asamblea.  Hubo otro amable y benévolo presentador que me calificó nada menos (en el colmo del amable despropósito) de poeta ‘pobre y maldito’.

Se me pidió incluso dirigirme a la concurrencia que llenaba el coliseo. Me entraron un sobrecogimiento y desagosiego mayor que de costumbre. De ese terror que puede embargar al actor cuando entra en escena o al orador cuando comienza una conferencia. Quizás, francamente, deberíamos tener una palabra como “trac”.  La modesta tribuna me pareció un estrado inasequible, casi un púlpito o un antepecho proletario.

No creo que nadie pueda ni deba en semejante situación referirse a Stalin. A pesar de que este líder tenía tanto carisma (con los suyos) que estos le aplaudían sus silencios. No como al nuestro que cuando llegaba la pausa solo una machota voz (tan diferente a la suya) bramaba ¡gracias a ti invicto adalid!

Las cuatro biografías que leí sobre Stalin me descortezaron y alumbraron (dos pro y dos en contra).  Cuentan casi de la misma manera la visita a su mamá del padrecito de todos los pueblos  por primera vez después de su ascención. En el largo viaje en tren de Moscú a Tiflis estuvo taciturno. Al llegar a la estación final temblaba. Al parecer no sabía qué decirle a su mamá. Casi genial mamá -doña Kéké Geladzé- en mi modesta opinión; fue gracias a su insistencia ¿que las superdotadas Nona Gaprindashvili y Maïa Tchiburdanidze alcanzaron el campeonato del mundo de ajedrez?

Al bajar de su vagón y besarla en la boca tartamudeando con un horroso ‘trac’, su Pepito (más bien su Sosso adorado o su bienquisto Koba, o mejor aún, su idolatrado Iósif) le anunció orgullosísimamente:

–      “Mamucha tengo ahora más poder en Rusia que los zares.”

Ella le miró compungida y le respondió, serena, como siempre:

–      ¡Qué pena! Hubieras sido un pope estupendo.”

Es cierto que quizás hubiera sido un brillante sacerdote como fue hasta los 21 años un brillante seminarista. ¡De cuadro de honor!  Con sus notas, siempre 5/5: el 10/10 nuestro o el  20/20 francés. Sus poemas especialmente los compuestos a la gloria de Iberia (en griego antiguo Ἰβηρία), ¿son mejores  que los versos del “Canto general”?  Se mire como se mire: más líricos y mejor inspirados.

Sin ninguna solemnidad y con la modestia de mi estado de pronto me encontré para colmo de males con un micrófono. ¡Con un micrófono en la mano!  (no aún dinámico ni electromagnético). Como me ocurre siempre, cualquiera que sea la “microvoz”, quedé paralizado de espanto sin saber qué decir. ¿De qué espárragos Pedrín puedo chapurrear y sin la ayuda de Roberto Alcázar …?

…pero así, sin más …impulsiva y espontáneamente …supliqué a quienes abarrotaban el coso que pidieran perdón (si necesario de rodillas añadí para más inri) por los religiosos y laicos que fueron asesinados y por las bibliotecas, iglesias y ateneos que fueron incendiados del 36 al 39.

Y ya como arrebatado por lo que había dicho incluso supliqué que pidiéramos perdón hasta los que como yo solo teníamos seis años al terminar la guerra incivil, y que nunca hemos pertenecido a ninguna formación otra que poética. Y no por desprecio o engreimiento – dije- sino por la humilde ansiedad del que duda de lo esencial: del todo y de la nada. En mi caso instruido por la naturalidad con que la madre Mercedes (la  teresiana que adoptaba y cobijaba a los párvulos de Ciudad Rodrigo) trataba de hacer de nosotros sabios (sí, sí, como lo oyen ¡sabios!) tras habernos enseñado sencillamente, de paso, a leer, escribir y amar.

Sin pausa añadí:  permítanme que diga con toda inocencia y suavemente para no molestar a nadie que va siendo hora de que los unos y los otros (que por cierto se jactan asombrosamente de ser enemigos acérrimos entre sí) pidan perdón por los crímenes que, según me parece, ¡ojalá me equivoque! cometieron tranquila y alegremente disfrazados de tirios o de troyanos.

Y como si hubiera ensayado el monólogo que improvisaba continué: sí, desgraciadamente, según me parece, hubo catervas de forajidos ‘de-la-causa’ (de un lado y del otro) que diezmaron a sus poblaciones e incluso a sus propios secuaces cuando a estos fieles les daba por la rareza de pensar.  Y en algunos casos batieron todos los records de la vileza y  perversidad. Sí, desgraciadamente, según creo, hubo asesinos o matarifes que hicieron cómplices de sus ignominias a sus adictos cuando intentaron convertir la tierra donde hemos tenido la dicha de nacer en campos de calaveras. Sí, desgraciadamente, según me parece, hubo sayones, hampones, tragahombres, sicarios, carniceros (quisiera no ofender a ningún honesto tablajero) que gobernaron aquí y alla impunemente. Y de todos los colores y gustos.  Sí, desgraciadamente hubo delegados nombrados a la justicia que eran los agentes de la injusticia y tribunales que solo promovían el desorden, aunque se llamaban magistratura de orden público.

Por si fuera poco me dirigía a un grupo, en su mayoría de jóvenes,  que poco tuvo que ver con los delirios genocidas intercontinentales. Y que no se jactaban de haber pertenecido a la patulea de facinerosos. Pregunté ¿sigue siendo un título de gloria -aquí y ahora- haber formado parte  de aquellas milicias del tiro en la nuca, de la denuncia mortal o del piolet en la sien? ¿Cuando cualquiera de entre los justos se podía levantar una mañana con el soniquete al toque de bocina o el sayo de sambenito? Cuando los justos podían, por lucir un color diferente, pasar de la noche a la mañana, súbitamente, del ser al no-ser?  ¿De pulcros ciudadanos a apestados repelentes para la jauría de martirizadores de uno y otro bando o banda? Según los amotinadores de la grey ¿se podía descalificar al justo acusándole de recalcitrante, de lo más degradante, a los unos por esto y a los del otro lado de la trinchera por lo otro?

Y hablando hace nada menos que medio siglo, dije que nada de eso nunca debería ser de una acongojante actualidad.  Pues los adictos (de una y otra causa)  deberían dejar de   aterrar; de dar lecciones sin remordimientos.  A los hinchas y partidarios les debería atarugar los genocidios de sus mayores. Y los hubo en una acera y en la de enfrente.

¡Qué pena que aquel gesto barcelonés no haya prosperado!

¡Qué pena que los correligionarios actuales de los que desenterraron el cadáver de Gaudí para arrastrale infamantemente por las hermosas calles barcelonesas (diez años después de su muerte, el 10 de junio de 1926), no pensaron ni piensan hoy en pedir perdón!