Nabil Karoui, le patron d’une chaîne de télévision tunisienne, a été condamné aujourd’hui par un tribunal à une amende de 2400 dinars, soit environ 1300 euros, pour la diffusion du film franco-iranien de Marjane Satrapi, Persepolis.
Le tribunal de première instance de Tunis a déclaré que ce film « troublait l’ordre public et portait atteinte aux bonnes mœurs ». Le patron de la chaîne privée Nessma TV a, quant à lui, été jugé pour « atteinte au sacré ».
Le tribunal a également condamné un responsable de la production et un technicien de la chaîne à une amende de 1200 dinars chacun.
Le film d’animation de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, adapté de la bande dessinée de la jeune Iranienne, représente Dieu sous la forme d’un tendre géant à barbe blanche. La représentation d’Allah étant interdite par l’islam, une poignée de manifestants se sont retrouvés à la sortie du tribunal pour réclamer la prison pour celui qui « se moque d’Allah ».
La RDJ apporte son soutien à Nabil Karoui ainsi qu’aux défenseurs de la liberté de la presse et de la laïcité indignés par ce jugement, prouvant la nécessité de se battre plus que jamais pour des œuvres telles que celle de Marjane Satrapi. Cette condamnation rappelle en outre, avec indignation, le danger qu’encoure la grande artiste iranienne.
Le début du procès remonte au 16 novembre 2011. La diffusion du film avait eu lieu le 7 octobre, quelques temps avant les élections législatives, premières élections libres depuis la chute de Ben Ali. Cependant, suite à des menaces de mort proférées par des islamistes radicaux à son encontre, Nabil Karoui avait été contraint de présenter des excuses publiques.
Les défenseurs de la laïcité, soutenus par Amnesty International, s’étaient alors vivement indignés.
L’annonce du verdict coïncide avec la journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée en Tunisie seulement depuis le départ de Ben Ali en janvier 2011. M. Karoui était absent lors de l’annonce du verdict, ayant préféré célébrer cette liberté, toujours bafouée – comme en témoigne sa condamnation – malgré la chute du dictateur.
« Ce jugement est une atteinte à la liberté de la presse », a ainsi déclaré l’avocat de M. Karoui, Me Abada Kefi. La loi en vertu de laquelle M. Karoui a été condamné est en effet la même que celle qui était en vigueur sous Ben Ali.
« Cette condamnation soulève de sérieuses questions sur la tolérance et la liberté d’expression dans la nouvelle Tunisie », a déclaré Gordon Gray, ambassadeur des États-Unis à Tunis.
La condamnation pose à la Tunisie la question de la liberté d’expression et de la direction qu’elle souhaite désormais donner, un peu plus d’un an après le soulèvement de son peuple contre l’oppression de la dictature.
Mokhtar Trifi, président d’honneur de la Ligue tunisienne pour les Droits de l’Hommes et avocat de Nabil Karoui, déclare dans l’Express que la condamnation est « sans fondement » et a indiqué vouloir faire appel de la décision du tribunal.
Bande annonce du film Persepolis :