La remise du prix Saint-Germain eut lieu hier au Cinéma Saint-Germain en présence des membres du jury : Yann Moix, Catherine Millet, Régis Jauffret, Marc Weitzmann, Bruno de Stabenrath, Jean-Paul Enthoven, Fernando Arrabal, Nicolas d’Estienne d’Orves, Christine Angot et Bernard-Henri Lévy.

La première édition du prix Saint-Germain créé par la Règle du Jeu et Étoile Saint-Germain-des-Prés, prix qui – rappelons-le – a la particularité d’être décerné par un jury composé exclusivement d’écrivains, a récompensé pour cette édition 2012 les films français et étranger : Hors Satan de Bruno Dumont et Winter’s Bone de Debra Granik.

La soirée de remise du prix a été animée par Yann Moix, président pour l’année 2012,  et a compté avec l’intervention de tous les membres du jury.

Les réalisateurs ont reçu une dotation de 3000€, une carte d’invitation permanente au Cinéma Saint-Germain et une projection de leur film.

James Velaise, distributeur de Pretty Pictures est venu chercher le prix du meilleur film étranger au nom de la réalisatrice, Debra Granik, qui est intervenue via vidéo en direct.

Jean Bréhat, producteur de Hors Satan, est venu chercher le prix du meilleur film français au nom du réalisateur Bruno Dumont.

La Règle du Jeu publiera dès ce soir la vidéo et les photos de cette belle soirée.

Bande annonce du film Hors Satan de Bruno  Dumont

hors-satanhttps://www.youtube.com/watch?v=RvmsKAnX7hM

Bande annonce du film Winter’s Bone de Debra Granik

affiche_winter_bonehttps://www.youtube.com/watch?v=40zliVed3Ds

Un commentaire

  1. ==================================================================================
    Granik a un œil. Un œil comme on en voit peu. Il paraît que les borgnes sont forcés de reconstituer les trois dimensions avec leur cerveau. Granik nous laisse le soin de le faire avec le nôtre. Elle nous attire vers des natures grandeur peinture. Sens de la composition inouï. Devenu rare chez les faiseurs de films. Émotion d’un paysage sémantique rencontré chez Godard, d’une attente eastwoodienne dans laquelle on se fond sans un soubresaut d’impatience, où le mouvement d’un plan décide du mouvement de celui qui lui succède, mais aussi de celui auquel il succédera. Il y a des images horizontales qui n’ont jamais été aussi horizontales. Des images dont la verticalité s’étire d’autant plus qu’elle tranche avec le bandeau qu’est cet écran vu entre deux planches d’obscurité formant une barrière gigantesque. Et pourtant, je n’ai pas le sentiment d’être un voyeur. Sans doute est-ce du fait que jamais je ne me suis senti l’intrus parmi ces femmes et ces hommes dont j’aurais pu croiser l’histoire il y a cent ou mille ans. L’œil de Granik n’a pas besoin de mains. Elle fait ce qu’elle voit se faire. La responsabilisation comble le vide laissé par l’irresponsabilité de ceux desquels on dépend. Le faire forcé. Le faire forgé par le manquement. On fait parce que celui sur lequel on comptait ne compte plus. Dès l’instant qu’on ne peut plus le compter parmi les humains, il ne compte pas. Un homme n’existe que par ce qu’il fait de ses mains. Celui, mâle ou femelle, sur qui toute une famille repose ne doit jamais perdre de vue qu’il agit pour ceux qui le voient. Voir c’est agir en suspension. Être suspendu aux actes dont notre vie dépend. Agir c’est être agi par (ce)ux qui (compte)nt sur le fait qu’un tel acteur agisse non pas en, mais pour leur nom, pour que leur nom soit encore nommable, encore comptable, comptable d’une action dont ils puissent hériter du nom de l’auteur, leurs yeux suspendus à ses mains. Si d’aventure il lui prenait de faire mal, c’est d’abord à eux qu’il ferait du mal. On préférerait qu’un tel homme s’arrache les mains de lui-même plutôt que d’avoir à les lui scier post-mortem.
    ==================================================================================
    Je ne sais pas de quel mont est descendu le fils de l’homme? Toujours est-il que sa vision est une supervision. Satan est le premier horsin. Être hors-Satan, ce serait en quelque sorte, se trouver déclaré horsin au sein même du horsin. Il n’est question que d’exclusion depuis l’aube de la civilisation. Mais qui exclut qui? Et en creux, qui nous inclut si par hasard nous le sommes? Adamland est un repaire d’exilés. La Gaule est une construction romaine. La France est un royaume rhénan. Je ne vois pas de règne qui ne soit contesté là où l’onction qui le fonde imprègne de son imprimatur la non-unicité d’un seigneur d’en bas. J’ai conquis l’Afrique du Nord, les Romains m’y conquirent, les Arabes les en ont renvoyés chez eux en m’y conquérant, les Français nous y colonisèrent, les Arabes m’en expulsèrent en tant que Français, les métropolitains m’accueillirent comme on repousse un envahisseur. Je ne suis pas un Nortman, mais aucun des Frangaouis qui me firent bien sentir que je ne serais jamais l’un des leurs ne me privera de ce que je suis en partie : un Normand. Un frère de Flaubert. Un buveur de ciels froncés. Un expirateur de brume. Je suis devenu l’un des meilleurs des vôtres. Et vous m’avez banni car je vous ai jugés. Jugés en tant que miens, je n’ai pas une seconde à consacrer aux autres. Je ne suis pas un ange sinon, que ferais-je ici? Je vous dévisage? Comment le savez-vous? De quoi je me mêle? De ceux qui me regardent. Deux antennes percent mon front et un câble caudal balaie les traces que je laisse derrière moi, se branchant à la terre, qu’importe où je m’assieds. Ne me foutez pas hors de moi! Je refuse de baisser la tête face à l’Anglois de 1346 ou au Teuton de 1940 et j’éclabousse de boue la botte à laquelle ils me mettent. Si le mal c’est l’exclusion, alors, comment vous dire… Le mal, c’est : moi; l’autotraitant; l’étant pour un bien. À l’heure qu’il est, je confesse n’être pas encore entré dans l’obscurité où se projettent, étincelant comme des bouts de métaux, les ombres enluminées DE HORS-SATAN. J’ai eu besoin d’un temps de méditation qui m’aide à me décider à me décapsuler, tunnel dans le tunnel.
    ==================================================================================