Non, la tragédie du Darfour n’est pas terminée. Loin de là. Pire : elle s’est étendue à d’autres régions du Soudan du Nord, toujours dirigé par Omar el-Béchir, le dictateur recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis contre les Darfouris.
Rappelons que l’ONU estimait en 2007 que la guerre menée par le gouvernement contre les populations civiles du Darfour (dites «noires africaines» par opposition aux «Arabes» qui sont au pouvoir à Khartoum) avait fait 300 000 morts. Le chiffre, déjà très prudent à l’époque, doit malheureusement être revu à la hausse, et tourne désormais autour de 400 000. Ce sont en en outre plus de 2 millions de civils chassés de leurs villages par les attaques systématiques du régime qui vivent depuis des années dans des camps de déplacés et de réfugiés.
La rébellion s’est étendue depuis plusieurs mois à d’autres régions : des groupes combattent aujourd’hui contre le pouvoir au Kordofan-Sud et dans le Nil Bleu, tous deux limitrophes du nouvel État indépendant (depuis juillet dernier) du Sud-Soudan. Là encore, usant des méthodes utilisées au Darfour, le régime réplique avec une violence inouïe, ciblant en premier lieu les populations civiles qui n’ont d’autre possibilité que de fuir en masse et de se cacher dans des zones peu accessibles aux massacreurs… mais aussi aux secours humanitaires.
A Khartoum, défenseurs des droits de l’homme et journalistes sont régulièrement emprisonnés, et souvent torturés. Le même sort est réservé aux manifestants, en particuliers les étudiants, qui protestent contre les hausses de prix dont les effets sur la vie quotidienne sont de plus en plus lourds.
Pendant ce temps Omar el-Béchir reçoit des visiteurs étrangers que le mandat d’arrêt international lancé par la CPI ne gêne pas : fin décembre c’était le chef du gouvernement Hamas de Gaza, Ismaïl Haniyeh, accompagné de plusieurs hauts dirigeants du parti islamiste, dont son chef en exil Khaled Mechaal. Un peu plus tard c’était le tour d’une délégation chinoise de haut niveau. El-Béchir a même quitté son pays pour se rendre en Libye (qui jouxte le territoire soudanais, ce qui rend le déplacement plus sûr…), où il a été reçu avec les honneurs par Moustapha Abdeljalil, le président du CNT (Conseil national de transition).
Les grands médias ont détourné leur attention du Soudan. La communauté internationale ne s’en préoccupe que peu. En Europe les exilés, surtout darfouris, tentent coûte que coûte de rappeler le sort que subissent leurs concitoyens, et de susciter la solidarité. C’est ainsi que samedi 14 janvier l’Association de la communauté darfourie en France organisait, avec l’appui du Collectif Urgence Darfour, un rassemblement à Paris sur le Parvis des droites de l’homme. Mais nous étions moins de deux cents…
Bernard Schalscha
Photos du rassemblement organisé samedi 14 janvier par l’Association de la communauté darfourie en France.
Le Collectif Urgence Darfour et le Mouvement pour la Paix et Contre le Terrorisme soutenaient le rassemblement.