En cette veille de Shabbat, l’épicerie casher de la porte de Vincennes vibre d’une activité familière. Les clients, emportés par l’effervescence du vendredi, remplissent leurs paniers avec soin, échangeant sourires et salutations. À 13 heures précises, cependant, cette atmosphère chaleureuse est soudainement déchirée par le fracas assourdissant d’une fusillade.
Le directeur du magasin se remémore ces instants tragiques avec une clarté troublante : « Comme d’habitude, nous avons ouvert vers 8 heures. Après quelques échanges amicaux, nous avons préparé le magasin pour le rush du vendredi. Vers 12h30-13 heures, le flot de clients atteignait son apogée. J’étais au rayon des chips lorsque j’ai entendu une détonation retentissante. J’ai d’abord pensé à une explosion. En me retournant, j’ai vu Yohan tomber au sol. C’est alors que j’ai aperçu l’homme près des caisses : vêtu de camouflage, une caméra pendue autour du cou, illuminée par des lumières rouges. Il tenait une kalachnikov. Je savais que c’était une kalachnikov, car j’avais reconnu la silhouette du chargeur. » Interrogé sur la voix du tireur, le directeur répond avec une gravité poignante : « Non, je n’ai pas entendu sa voix. Mais ses yeux… La mort y était inscrite. À cet instant, j’ai compris que ma vie était en danger. Mes pensées se sont tournées vers ma femme et mes enfants. Sans réfléchir, j’ai couru vers la sortie. Une seconde détonation a retenti et, dehors, j’ai senti quelque chose de chaud sur mon bras : c’était le sang qui coulait. J’ai fui vers un camion de police où l’on m’a fait entrer. Tout était devenu flou ; j’entendais des coups de feu résonner comme un écho lointain… »
Les coups de feu résonnent dans tout le quartier, annonçant un drame terrible qui se déroule deux jours après l’attaque contre Charlie Hebdo. À l’intérieur du magasin, une prise d’otages s’installe et quatre heures d’angoisse s’annoncent pour les clients.
Rapidement, une centaine d’agents du Raid et de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) investissent les lieux et bouclent le secteur tandis que des hélicoptères survolent la zone. Les journalistes affluent pour relayer cette nouvelle tragique qui secoue déjà une France sous le choc. Que se passe-t-il donc ? Le terroriste ouvre le feu près des caisses, faisant chuter deux personnes au sol avant d’en abattre une troisième quelques instants plus tard. Dans un élan de panique, plusieurs clients se précipitent vers un escalier en colimaçon menant à la réserve dans l’espoir d’échapper à cette folie meurtrière.
Au sous-sol, Lassana Bathily, un jeune magasinier de 24 ans, voit descendre ceux qui fuient l’enfer du rez-de-chaussée. Il n’y a qu’une seule cachette possible : les chambres froides du magasin. « Quand ils sont arrivés en courant, j’ai ouvert la porte du congélateur. Plusieurs personnes se sont entassées avec moi à l’intérieur », raconte-t-il. La température y est glaciale, mais il agit rapidement pour couper le thermostat et éteindre la lumière avant de fermer la porte derrière eux. Il tente de rassurer les clients terrifiés tandis que d’autres trouvent refuge dans la pièce voisine. Sophie entre dans le magasin sans savoir qu’elle va être confrontée à l’horreur. « Je suis tombée sur le cadavre d’une personne assise à l’entrée, la tête penchée », se souvient-elle avec émotion. Le terroriste lui ordonne alors de rentrer immédiatement dans le magasin. Elle n’a d’autre choix que d’obéir à cet homme armé et nerveux qui exhibe les corps des victimes abattues pour prouver sa cruauté : « Maintenant, vous voyez de quoi je suis capable… » Les minutes passent lentement alors que chacun doit décliner son identité et sa religion sous la menace.
Un policier du Raid présent sur les lieux témoigne également : « Nous étions en alerte maximale après les événements récents. Lorsque nous avons reçu l’appel concernant la prise d’otages à l’Hyper Cacher, nous savions que chaque seconde comptait. En arrivant sur place, nous avons vu le chaos s’installer rapidement ; les cris et les coups de feu étaient assourdissants. Notre mission était claire : sauver les otages coûte que coûte. »
Finalement, le terroriste exécutera trois clients ainsi qu’un employé :
– Yohan Cohen, 20 ans, étudiant et employé du magasin ;
– Philippe Braham, 45 ans, cadre commercial ;
– François-Michel Saada, 64 ans, retraité ;
– Yoav Hattab, 21 ans, originaire de Tunisie.
Ce jour-là, Antoine, un policier du Raid, est le premier à faire face au terroriste lors de l’assaut final. « Nous ne savions presque rien de ce qui se passait à l’intérieur », confia-t-il au micro de France 2. En quelques instants décisifs où près de 200 échanges de tirs éclatent dans un fracas assourdissant, Antoine est touché avant que le terroriste ne soit neutralisé.
Comment peut-on s’étonner que des terroristes s’en prennent aux Juifs ?
La haine antisémite a été cultivée pendant des décennies par des prédicateurs qui en ont fait un commandement divin. Face à cette violence incessante martelée par les djihadistes et islamistes radicaux, il n’est guère surprenant malheureusement qu’un individu ait froidement abattu ces gens dans une supérette casher à Vincennes.
Ce jour-là, la haine a frappé au cœur d’une communauté, au cœur de la France et a laissé derrière elle des souvenirs déchirants ; ces vies perdues rappellent à chacun de nous l’urgence de lutter sans relâche et avec la plus grande détermination contre l’obscurantisme. Ce combat doit être une priorité absolue.