Dieu est-il mort ou bien les dieux
A qui ma prière s’adresse ?
Faut-il renoncer aux adieux ?
Qui entendra notre détresse ?
La terre est vide et le ciel creux
Jadis peuplés de tant de fêtes.
Un temps où nous étions heureux
Quand les dieux dansaient sur nos têtes.
Zeus a cessé de nous poursuivre
De sa colère et de sa foudre.
L’or pour nous s’est changé en cuivre
Et le marbre réduit en poudre.
Jéhovah ne nous parle plus
Sur le Sinaï déserté
Et tout n’est qu’infernaux palus.
Que faire de la liberté ?
Le Christ descendu de la croix
Ne s’élève plus dans les cieux.
Je ne peux pas dire : “Je crois”
Innocent comme nos aïeux.
J’aurais aimé au fond des bois
Célébrer des cultes étranges.
Maintenant le vin que je bois
N’est que celui de nos vendanges.
Pan joyeux quand reviendras-tu
Jouer de ta flûte enchantée?
L’écho pourtant se fait têtu
De l’aire que tu as hantée.
Caché dedans les frondaisons
À l’heure où le pâtre sommeille
Tu rêvais gaillardes saisons
Et lourdes grappes de la treille.
Tu épouvantais les troupeaux
Taquinais nymphes et bergères.
Bouffon dépourvu d’oripeaux
Tu aimais les cuisses légères.
Par les après-midi d’été
Tu guettais l’ardent chevrier
Qui en état d’ébriété
Eros s’empressait de prier.
Satyres faunes et sylvains
Chèvre-pieds aux cornes fourchues
Nos efforts sont devenus vains
Pour prier vos ombres déchues.
A qui donc adresser nos plaintes?
Les lauriers des bois sont coupés.
Plus de liturgie, plus de saintes
Plus de fées, d’anges attroupés.
Plus de séraphins en extase
Plus d’auréoles ni d’encens.
Plus de Mercure et son pétase
Tournerons-nous vers Zoroastre
Nos vœux restés inexaucés
Si dans le ciel plus aucun astre
Ne nous permet de nous hausser ?
Nitchevo, rien, Frédéric Nietzsche
Pas même l’éternel retour
Jamais plus ne me rendra riche
De l’or de l’immortel amour.