Dans une interview donnée à Libération (daté du samedi et dimanche 7 novembre 2010), un vieux monsieur nous fait de la peine. Un vieillard franchit un pas, devrais-je dire. Car dans ce numéro de Libération, quelque chose d’important, de grave, de très important et de très grave, a lieu. Je ne ferai pas durer le suspense trop longuement : le vieux monsieur est musicien, un grand. Un de ceux que, pourtant, je vénérais. Je sais bien que demander son avis aux musiciens, aux chanteurs, aux acteurs, est un exercice, sinon vain (je crois à titre personnel qu’il est vain), du moins périlleux. Le vieux monsieur est Robert Wyatt. Il créa jadis un groupe mythique, Soft Machine. J’imagine, l’humanité adorant les classements, qu’il doit être catalogué dans les bacs de la Fnac dans la catégorie « rock progressif ». Je n’ai jamais compris, complètement, ce qu’on intitulait « rock progressiste » – probablement un rock sans obligation de refrain, dans lequel on retrouve King Crimson, par exemple. Ou Genesis. Mais finalement dans Genesis il y a beaucoup d’albums à refrain, surtout à partir de la fin des années soixante-dix. « Rock progressiste ». Robert Wyatt aussi, est progressiste, j’imagine. Puisque comme 99 % des artistes, des rockeurs, des danseurs, des chanteurs, des acteurs, des marionnettistes, des trompettistes, des comédiens, il est évidemment (et assez mécaniquement) « pro-palestinien ». Il en a le droit, même si je trouve absurde (même si je trouve hypocrite) cette expression destinée à simplement déguiser une hostilité de principe à la présence de l’Etat d’Israël sur cette terre. Être « pro-palestinien », c’est être anti-israélien. Il s’agirait, pour commencer, de faire du nettoyage dans les mots. Les phrases. Les expressions utilisées. Être « pro-palestinien », je vois très bien ce que c’est. Le « pro » signifie « anti », et « palestinien mon ami » doit être lu, je suis désolé, ainsi : « israélien mon ennemi ».
Le journaliste de Libération nous indique que le discours de Wyatt s’est passablement durci au contact d’un de ses musiciens, le trompettiste Gilad Atzmon, ancien soldat de Tsahal pendant la guerre du Liban, auteur terriblement doué (force est de l’admettre) d’un roman violemment anti-israélien intitulé Le Guide des Egarés. C’est très bien fait, parfois très drôle, toujours incroyablement bien écrit, mais croyez-moi, à l’intérieur, ce n’est pas Maïmonide qui parle. Il s’agit sans doute à ce jour de la tentative romanesque, fictionnelle, la plus aboutie et la plus extrême, de la part d’un Israélien, contre son propre pays. Mais jusque-là, rien de très inhabituel au fond. Nous commençons, cher Wyatt, à connaître la musique : et je puis vous affirmer que je préfère vous entendre chanter ou jouer de la batterie, de la trompette parfois, que répondre à des questions auxquelles vous n’avez pas tranquillement réfléchi.
Je vais en arriver maintenant, il le fallait, à ce que je trouvais grave, à ce que je vous annonçais que je m’apprêtais à trouver (très, très) grave. Je cite Wyatt et je reviens. A tout de suite. Wyatt (au journaliste) : « La politique que mène Israël en ce moment est un nettoyage ethnique. J’appelle les colons des ‘‘sionazis’’, parce qu’en liant toute critique envers eux à une remise en cause de l’Holocauste, ils amènent l’Occident à nier ce qui se passe réellement en Palestine. » C’est un discours que nous connaissons. Ce n’est évidemment pas la première fois, ni la dernière hélas, que quelqu’un (parfois ce sont des intellectuels qui le tiennent) propage ce genre de bouillie. Bouillie parce que tout y est mélangé : Israël = colons = juifs = déportés = victimes = légitimité absolue = absolution internationale = barbarie permise = nazisme. Donc Israël = nazisme. CQFD. Outre que ce raisonnement est aberrant, outre aussi que les colons, qui ont vingt ans pour la plupart et qui sont d’anciens surfeurs de Tel-Aviv et non d’anciens détenus d’Auschwitz, la phrase est grave. Parenthèse : il faudra qu’on comprenne, un jour, si possible, que les jeunes Israéliens rêvent d’un avenir. Ils ne cauchemardent pas, sans cesse, à cause du passé. Eux aussi ont envie qu’on cesse de les voir uniquement, strictement, comme les enfants et petits-enfants des morts de la Shoah. Eux aussi, sans jamais oublier mais ne désirant plus n’être défini qu’ainsi, voudraient connaître un futur au ciel dégagé.
Mais revenons à ce que je pense être grave : la création de ce mot étrange, de ce mot insupportable (de ce mot monstrueux, de ce mot monstre) : « sionazis ». Il fait froid dans le dos puisqu’il est le raccourci, immédiat, tranchant, sans appel, le résumé définitif, absolu, parce que lexical, de ce crime contre la pensée qui est d’assimiler le sionisme et le nazisme. De rattacher tout ce qui est juif à ce qui est nazi en les faisant se ressembler, ici se rassembler, s’entredigérer, baiser ensemble, ne faire plus qu’un. Ce mot-valise, mon ordinateur ne le reconnaît pas et me demande si je veux le « rajouter » à mon lexique. Non, je veux « l’ignorer toujours ». C’est l’option que j’ai choisie. Mot-valise : mot-malaise. Invention d’un mot-malaise et d’un mot-crime. Les mots tuent, eux aussi. Les plus anciens, comme les plus neufs. C’est là une invention terrible, vomitive, et j’ai hésité à écrire cet article pour lui éviter toute forme de publicité. Mot-nausée, mot-cancer… Wyatt, à sa façon, avec son mot qui n’est pas un mot qui blesse mais un mot qui tue, est un assassin. Car en inventant ce mot, en proposant ce mot, il tue et retue, cette fois, les déportés, les familles mortes, les générations sacrifiées. Il tue le passé, et tue tout en même temps l’avenir. Il insulte hier et insulte demain. Invention, non d’un mot criminel, mais d’un mot-crime.
Selon la logique de Yann Moix être pro-israélien c’est être anti-palestinien, ce qu’assurément il est car on ne l’a jamais entendu ou lu condamnant les colonies, le mur, les oliviers arrachés, les expropriations, les barrages, les lois iniques et spoliatrices, l’apartheid de fait ni même le Grand Massacre de Gaza, toutes ces violences quotidiennes subies sans relâche par les enfants, les femmes et les hommes Palestiniens. Ces violences qui les martyrisent au point que, dans la vallée du Jourdain les 250 000 Palestiniens qui y résidaient en 1967 ne sont plus que 50 000.
Selon la logique de Yann Moix être pro-israélien c’est être anti-palestinien, ce qu’assurément il est car on ne l’a jamais entendu ou lu condamnant les colonies, le mur, les oliviers arrachés, les expropriations, les barrages, les lois iniques et spoliatrices, l’apartheid de fait ni même le Grand Massacre de Gaza, toutes ces violences quotidiennes subies sans relâche par les enfants, les femmes et les hommes Palestiniens. Ces violences qui les martyrisent au point que, dans la vallée du Jourdain les 250 000 Palestiniens qui y résidaient en 1967 ne sont plus que 50 000.
Non, Yann Moix, être pro-palestinien c’est d’abord être pour la justice et savoir qu’il n’y aura pas de paix sans justice. Tandis qu’être pro-israélien ce n’est qu’être de parti-pris. Si vous étiez l’ami que vous prétendez d’Israël vous lui demanderiez d’abord d’enfin respecter le droit des Palestiniens. N’est-on pas plus exigeant envers ses amis ?
Ah bon?
Pro-palestinien c’est être anti-Israélien?
Pauvre Monsieur, l’équation Israël = colons = juifs = déportés = victimes = légitimité absolue = absolution internationale = barbarie permise = nazisme.
est dans votre tête pas dans la mienne.
Pro-palestinien c’est simplement dire que tout un peuple est en prison du côté de Gaza, prisonnier d’un état qui s’appelle Israél.
Ce n’est pas dire qu’Israél n’a pas le droit de vivre, c’est dire qu’israél doit permettre aux palestiniens de vivre.
Je ne sais pas ce que le passé nous réserve disait Françoise Sagan maintenant moi je sais.
Il revient. Pour nous juifs c’est la double peine in vita eternam. les histrions continue de frapper
Merci Mr Moix. Décidemment il est tempsd’ être néo reactionnaire
j aurai juste aimer demander aux juifs ,pourquoi les dirigeants juifs ,qui menace des pays de les amener à l age de pierre n ose même pas critiquer Erdogan,mon cher premier ministre?
Les sionistes ne savent ils s attaquer qu’aux faibles et désarmés?
Répondez moi objectivement, merci
Retrouvé dans l’article de Wikipedia consacré à Beguin:
In November 1948, Begin visited the US on a campaigning trip. During his visit, a letter signed by Albert Einstein, Sidney Hook, Hannah Arendt, and other prominent Americans and several rabbis was published which described Begin’s Herut party as closely akin in its organization, methods, methods, political philosophy and social appeal to the Nazi and Fascist parties and accused his group (along with the smaller, militant, Stern Gang) of having inaugurated a reign of terror in the Palestine Jewish community.
Quand faites vous un procès à Albert Einstein, Hannah Arendt, et à ces quelques rabbins pour antisémitisme aggravé de haine de soi?
La réponse est connue : seuls les Juifs ont droit de critiquer la politique d’Israel et leurs propres comportements. Je croyais pourtant la Vérité universelle et intangible…
Quelle tristesse !!! Un de mes anciens héros (ah Soft Machine, les disques vynile, le rock progressif…) qui sombre dans le Dieudonnisme ? Je m’étonne de la réaction des lecteurs qui sont scandalisés par le papier de Yann Moix et bien conciliants, ou pire avec Wyatt. Je puis vous dire que ce genre de propos se multiplie et abonde dans la « bien pensence » de gauche moi qui suis de gauche ! Je ne suis pas un inconditionnel d’Israël mais à chaque fois que je lis ce type de propos je ne puis m’empêcher de penser à l’expression de Camus « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde »…
Sans savoir si je suis inclus dans ces « lecteurs qui sont scandalisés par le papier de Yann Moix et bien conciliants, ou pire avec Wyatt », je serais très curieux de savoir si on doit choisir entre les deux, comme vous et l’auteur de ce billet semblez l’imposer.
La formule de Wyatt est malheureuse, mais je n’ai guère de doute sur l’écho restreint des propos de ce musicien dans la formation des opinions à grande échelle (comme des nôtres, bien entendu). Et Jeep, plus haut, soulignait justement que de nombreux mots symétriques existent. Comment se fait-il que si peu de gens aient une réaction égale (dans le scandale ou l’indifférence) à ces deux catégories de mots ?
Quant à la « »bien pensence » de gauche », les guillemets que vous y appliquez semble indiquent-ils que le consensus est par nature suspect et que il n’y a de légitimité que dans la rébellion ?
un grand merci pierre pour votre reaction ! j-c
S’en prendre à RW, magnifique poète solitaire, infirme, et triste, est assez lâche, alors que beaucoup d’autres sont autrement plus virulents et toxiques. Depuis quand doit on interdire les mots?
Comment est-ce possible, cher auteur, de vous voir condamner avec virulence les amalgames dans votre troisième paragraphe, après vous être complu à en faire un si grossier dans le premier (« Être « pro-palestinien », c’est être anti-israélien ») ?
Ne connaissant pas exactement les propos et pensées de R. Wyatt ni de ses musiciens, je me permettrai simplement de définir ce que peut pouvoir dire « pro-palestinien » pour moi et une partie des gens que je connais : Reconnaître aux arabes habitant la Palestine un certain nombre de droits : Le droit à l’auto-détermination, le droit de propriété, le droit de circuler librement, entre autres.
Je crois parfaitement être capable de faire le distinguo entre juifs d’hier et juifs d’aujourd’hui, entre juifs et Israéliens, Israéliens contre la colonisation, Israéliens pour la colonisation, Israéliens qui s’en tamponnent et Israéliens qui préfèrent ne pas y penser. Surtout, entre partis extrémistes religieux minoritaires qui se réfèrent aux textes sacrés (plutôt qu’aux accords diplomatique ou à leur loi nationale) pour justifier toute action et qui orientent un parlement israélien qui fonctionne à la proportionnelle, et ce parlement lui-même.
Ouais, bof, je n’arrive pas à m’enflammer comme vous le faites, pour un « mot », aussi malheureux soit-il. Mais je ne suis pas écrivain. Par contre, je comprends bien ce qu’a voulu dire Wyatt et même si le « mot » est évidemment trop fort, il n’en demeure pas moins que pour se faire comprendre et faire passer un message, employer ce genre de mots chocs s’avère malheureusement presque toujours plus efficace. Et puis, la colère aidant, les « mots » dépassent souvent notre pensée. Vous êtes écrivain, vous devez savoir cela : écrire n’est pas parler, les mots justes sont plus faciles à trouver. Pour rappel enfin, tous les juifs ne sont pas sionistes. De même, toutes les victimes ou descendants de victimes de la shoah ne sont pas sionistes. Beaucoup de juifs (relisez « Opération Shylock » de Roth) même remettent en cause le sionisme au vu des dégâts causés depuis 45. Vous dénoncez la globalisation dangereuse des propos de Wyatt, mais vous faites finalement la même erreur.
Si les Palestiniens parlaient de Mohammed Amin al-Husseini dans les termes où nous parlons de Philippe Pétain ou dans ceux où les Belges parlent de Léon Degrelle, ils n’auraient plus besoin de dresser devant Israël une croix gammée ornée de gousses d’aïl, de peur qu’une armée de cadavres ne surgissent hors de leurs placards. Pour leur gourverne, la superposition qu’aussi bien eux que les fils des alliés de leurs pères attribuent aux deux symboles du Magen David et du svastika, résulte d’un effet d’optique, l’arme de pacotille décrite plus haut leur collant davantage à la peau qu’à celle de ce vampire qu’ils impressionneraient inévitablement, s’il en était un.
Si les Israéliens parlaient de Shamir, Begin ou Sharon dans les termes où les Sud-Africains parlent maintenant de Hendrik Verwoerd (instigateur de l’apartheid), les dés seraient également moins pipés. Les cadavres des Noirs ou des Palestiniens valent bien ceux des autres et l’armée israélienne n’est pas en reste dans l’ignominie.
Parce que vous, Yann Moix, vous n’avez pas formulé – écrit, même – des mots criminels à l’égard de la Suisse? Balayez un peu devant votre porte, vous en paraîtrez plus digne.
Je vous rappelle, monsieur Moix, que Monsieur Lévy n’hésite pas à utiliser le mot « fascislamisme » pour parler de ceux qui se trouvent dans l’autre camp. Ne s’agit-il pas du même procédé?
Il ne faut pas être aussi sélectif dans l’indignation.
Israël et la Palestine sont deux pays qui sont « condamnés » mutuellement se reconnaitre en temps que tel, devant toutes les autres nations du monde. Et ces deux pays n’ont pas le choix : parce que la véritable Paix durable (qu’ils espèrent tous, de chaque coté) est à ce prix ! Cette reconnaissance mutuelle ne peut être que très honorable pour les deux peuples. Ils devront de concert, interdire chacun pour sa part, tout acte de violence, d’humiliation, de colonisation entre eux et chez eux. Ils savent bien que les conflits éternels ne mènent nulle part, mais sèment la terreur et la désolation partout, et ont surtout pour conséquences, la perte irrémédiable de nombreuses âmes qui n’ont jamais fait de mal à une mouche. Avec une véritable bonne volonté de la part de tous, Israéliens et Palestiniens, tout est possible ! Ce sera une immense nouvelle planétaire ! Prions ou pensons fort, pour qu’il en soit ainsi. Merci.
« Sionazi » fait contrepoids à « islamofasciste ». Il ne me semble pas que, dans le second cas, vous vous soyez insurgé ni fendu d’un billet. Pour « Londistan » on pourrait suggérer « Jew-York » et pour « Eurabia », « Jewnited States ». Laissez donc libre cours à tous les néologismes connotés (ou haineux) ou réfutez-les tous ! Votre censure sélective n’aide personne. Vos sentences (« Wyatt… est un assassin) de petit procureur communautariste non plus.
Excellent Jeep. Ils vont trop loin avec leur amplification des haines dans un sens, et leur posture de victime suprême de l’autre. Les peuples, tous les peuples, le voient de plus en plus, et l’heure des comptes approche. Ils le savent et accélèrent tout pour essayer de nous entrainer par les cheveux dans leurs guerres sans fin.
Mais la roue tourne et les voiles se lèvent. Et devant cet autisme les pensées se radicalisent.
Merci Apocalypse. Intéressant de noter aussi que Moix parle du rêve des jeunes Israéliens (« colons anciens surfeurs de Tel-Aviv ») mais ne mentionnent pas le cauchemar des jeunes Palestiniens (chômeurs spoliés de Gaza et de Cisjordanie) condamnés à croupir dans leur prison à ciel ouvert sans avenir autre que d’être victime d’un soldat israélien en mal de trophée. Il est vrai qu’il est plus facile de canarder des Palestiniens que d’affronter le Hetzbollah ou l’Iran.