« Les tyrans ne sont grands que
parce que nous sommes à genoux. »
La Boétie, De la servitude volontaire
L’autre jour, mardi, pour être précis, avant d’aller mater Argentine-Grece, j’ai filé à Pigale, pour voir l’excellent vernissage de l’Atelier Camino, à la Galerie Nathalie Fiks, au 21 rue Fontaine… André, si tu nous écoute… Oui, tiens, comme c’est étrange, si vous multipliez 21 par 2, vous obtenez 42 qui est l’adresse exact d’André Breton… enfin, il est mort, André, qui ne devait pas aimer beaucoup le football comme il n’aimait pas les « choses nulles de la vie. »
Et à Pigale, je me fais alpaguer par une fille de joie qui me propose de me consoler de la défaite de l’équipe de France. Il était 19h, à peu près, la France venait de parachever sa trajectoire sublime par une nouvelle défaite face au bafana-bafana.
Au vernissage, entre deux verres de vin blanc bio et trois commentaires cool, une allusion à la coupe du Monde, par-ci par là… même dans ce monde d’objets recyclés mettant à mal, et tant mieux, la frontière entre art et artisanat, on parle de ça, on projette comme ailleurs. Des expressions deviennent proverbiales : « Etre aussi lamentable que l’Equipe de France » ou encore : « Arrête de faire ton Domenech » (Trad. : Arrête de parler pour ne rien dire) ou encore : «Il est aussi maladroit et poli qu’Anelka… ».
Mais moi, j’ai beau faire, je suis un peu comme Arrabal, Rdj-présent, (Fernando, si vous nous écoutez!) j’ai une certaine tendresse pour la trajectoire de l’Equipe de France. Dante écrit dans son Enfer : « Ce n’est pas sans raison que nous allons au gouffre. »
Difficile de dire mieux, mais a-t-on besoin de connaître les raisons de cette équipe pour s’être ainsi vautrée dans l’opprobre et la honte ? Et si c’était par plaisir, par volupté ? Quand on a vu, comme moi, des l’âge de 18 ans, des être humains se barbouiller avec leur propre caca dans des asiles, on devine aisément qu’ici-bas tout est possible, et qu’ impossible, en effet, n’est pas français et encore moins tchernobylien, comme disait ce con de Napoléon, qu’on aurait bien fait d’enfermer, pour le coup.
La France n’est pas une grande nation du football. Voilà ce que l’on a oublié depuis 1998. Voilà ce qu’est venu cacher la finale Zidanesque de 2006. Zidane, qui est l’un des plus grands joueurs de foot de tous les temps, ne connait et ne comprend rien au football, du moment où vous lui enlevez le ballon des pieds. LA preuve sur Canal + ! Tout comme 99% des gens qui ont toujours vécu en France. Allez en Italie, ou au Brésil, en Allemagne ou en Espagne, vous verrez ce que c’est que connaître le football. J’ai joué sur des terrains vagues dans tous ces pays-là, avec de vagues amateurs et bien même le plus mauvais d’entre eux connaissait les bases du placement, de la technique et des possibilités tactiques. Les français, quand ils parlent de football, parlent d’autre chose que de football, ce en quoi il n’ont pas entièrement tort, car le football charrie toutes sortes de fantasmes. Mais essayez d’entrer dans les détails, ça ne les intéresse pas. L’aspect tactique, technique et stratégique les ennuie.
Un exemple : Portugal-Corée. Faisons un sondage. 7-0 pour le Portugal, je parie que les français ont adoré ce match. Voilà pourtant typiquement le contraire d’un match de foot.
Pour ma part, au dessus de 4 buts, ce n’est plus un match de foot. Au contraire, Algérie-USA, voilà un match de foot, avec ce but de Donovan à la 91e minute.
Aphorisme signé Bibi : Les plus beaux buts sont inscrits dans les arrêts de jeu.
Un 0-0 peut être infiniment plus beau qu’un 5-3. 2-1 est mon score préféré. Ca veut dire que les deux équipes n’ont cessé d’être au coude à coude. Mes préférences, qui construisent mon snobisme – un snobisme étant tout simplement un certain usage de la langue (une langue étant contrainte à se libérer en s’aliénant) – me permettent de me différencier d’autrui comme on différencie un Beaujolais d’un Saint-Estèphe, en oenologie. Le Beaujolais, par rapport au Saint-Estèphe, vous en aurez certes plus pour le même prix, et vous serez saoul avant. Mais le Saint-Estèphe, c’est plus fin, plus lent et plus pervers. Le Saint-Estèphe, c’est un merveilleux 0-0. Le Beaujolais, c’est un vulgaire 7-0.
Sinon quoi ?
L’ Argentine del Pibe de Oro est qualifiée, roulant des mécaniques, logiquement, même si parfois la logique ment, voyez l’Espagne qui, sans la belle partition solo de David Villa, serait déjà sur le carreau.
Sinon quoi ?
L’Angleterre rencontrera L’Allemagne dans un huitième à l’ancienne, cette Allemagne plus hésitante que d’ordinaire et qui, si l’Angleterre est plus affutée physiquement, ne s’en sortira pas indemne, parole de moi-même.
Sinon quoi ?
Les USA sont là et bien là, encore, avec leur football si étrange, mais, comme toujours, ils perdront en quart, par excès de sérieux et de fair-play.
Sinon quoi ?
Sinon il se profile une huitième de finale Pays Bas-Italie qui m’enchante déjà.
Sinon quoi ?
Sinon rien, la suite au prochain épisode.
Neh, Asermourt, vous êtes sûr que c’est un ‘comment’ de mon texte, ça ?
« Ce que vous appelez son « obsession de la shoah » qui procède la ma mienne », alors, je ne vois plus très clair.
Il n’y a pas ça dans mon texte…
bref
ciao
Nzo
Du double réveil de la culpabilité et de son objet. Contre votre «esprit sain dans un corps sain», je choisi mon «corps sain dans un esprit sain». Notre défaite intellectuelle tient simplement à notre obstination à maintenir bien étanches les cloisons entre les événements. Ouvrir le shaker. Verser l’affaire Polanski, ajouter un doigt de burqa et deux de burkini brandis aux sans-colottes amateurs de la chose, la madoffication aubriste de Sarko-na!na!na!-zi, le double traitement médiatique d’une Royal et d’un Strauss-Kahn tous deux en tête des sondages à deux ans des présidentielles, l’opération turque de percement du blocus de Gaza, Chomsky in Paris, le soutien apporté au Hamas par un ancien ministre des affaires étrangères de François Mitterrand manquant de se prendre sur le coin de la gueule le verre d’une Élisa-Élisa bête de scène gainsbourgienne secourue par le maïeuticien Raphaël Enthoven, l’affaire «Olympia», oh pardon! «Utopia», la panne technique du Studio Gabriel à cinq minutes d’un premier débat mondial des principaux partis d’opposition iraniens, l’Appel du 18 juin 2010 à continuer le combat en Afghanistan, la fondation du RS le même 18 juin comme appropriation d’une date anniversaire héroïque profanée par le rival mimétique Villepin, la défaite blême-écarlate des Bleus, l’anathème du clergé proudhonien craché au visage de Fink, l’héritage empoisonné de la fortune Bettencourt assise sur le crime de spoliation collaborationniste du fondateur de l’Oréal. Refermer le shaker. Secouez bien et servez, avec de la glace.
Depuis 1998, la France a vu défiler dans son rétroviseur les actions de Maurice Papon, finalement condamné en 1999 comme s’il avait fallu permettre au siècle abominable de poser jusqu’au bout tranquillement son oreille contre l’oreiller de ses abominations, condamné, dis-je, à une peine de «dix ans» de prison pour complicité de crime contre l’humanité, mais derrière lui, c’est une partie d’elle-même qui se vit juger. Cette partie de la France eut ensuite à consommer un certain 09/11, au cours duquel son âme contrite, incapable de remords, et donc, de rédemption, put épouser la cause victimo-narcissique des ennemis de l’entité américano-sioniste, celle-ci opérant la fusion des deux hantises du néo-vichyste bon tein, celle de voir réapparaître d’un côté les fantômes de ceux qui l’avaient comme qui dirait «fumée» comme une maquerelle, et de l’autre, ceux des rats qu’elle avait bien failli achever d’enfumer. Cette France-là, travaillée par la haine antisémite qui ne peut s’assouvir au grand jour que sous le masque du pro-palestianisme, voilà ce qui divise la nation de Mirabeau, auteur d’un inaudible Sur Moses Mendelssohn et co-rédacteur d’une assourdissante Déclaration des droits de l’homme et du citoyen des mondes. Une guerre sainte civile, qui vide le sang de la tête de FIFA dès la première relance d’une question du journaliste de France Télévision dont elle s’était pourtant débarrassée d’un revers de langue, et ne permet pas même à vingt-trois Frenchies triés sur le volet, de faire cause commune autour d’un mini-globe terrestre à portée de pied.
C’est pourquoi la nouvelle philosophie est entrée dans vos vies comme votre pire cauchemar, perçant à jour votre masse endormie. Elle vous fit ricaner un soir de 77, elle le fera encore, à vous en étouffer d’auto-suffisance. Elle ne cessera jamais de retourner dans votre ventre le couteau que vous lui avez planté dans le dos. Ce que vous appelez son «obsession de la Shoah» procède de la vôtre à en mésestimer les causes et les effets. Pour paraphraser le Nassi de Babylone, «allons» enfants de la patrie, «et apprenons»-nous! À reconnaître nos torts. À en éprouver du remords. À promettre de ne pas récidiver. À en obtenir le pardon. Puis la rédemption. Ce qui fera de nous une nation une et indivisible, à l’image de celles qui remporteront la coupe d’un monde un et indivisible se reflétant en chacune de ses fractalisations.
Quant à ce con de Napoléon, comme vous dites en bon hispanophile solidaire du soulèvement de Madrid face à l’armée française, c’est à lui que nous devons, nous autres fils et filles de la république anti-franquiste, la destitution officielle du Saint-Office de l’Inquisition, et la Constitution de 1812 inspirée de la Constitution française de 1791. Ah!… Salaud de tyran assoiffé de sang!