Certains sages affirment que pour connaître la vie, il faut avoir voyagé à travers le savoir, les paysages et les hommes. J’ajouterai qu’il faut aussi avoir eu une relation avec un animal. Ils sont des amis, des frères, des sœurs, des enfants… Ils offrent une vaste palette de sentiments et d’émotions. De la vie je retiens jusqu’à présent que la plupart des activités ou des délassements sont assez décevants sauf le sport, la soif de culture, la fréquentation d’amis sincères, l’amour d’une fille, celui de ses parents et des animaux. Dans le Reich une loi interdisait aux Juifs de posséder des animaux et d’acheter des fleurs.
La première fois que je rencontrais Houmy, j’étais soldat à Jérusalem. On dit que les soldats n’ont pas de conscience et ne font qu’obéir aux ordres. C’est un peu vrai. J’ignorais si j’accomplissais le bien mais je tâchais de causer le moins de mal possible. Au bout d’un an, on m’avait prêté un petit studio dans le centre ville et comme la base proche de Beethleem n’était guère éloignée, un soir sur deux je pouvais dormir chez moi.
Lorsque l’homme croyait la Terre plate, Jérusalem en était le centre, aujourd’hui qu’elle est ronde, Jérusalem est au centre du monde. Jérusalem est un paradoxe : une ville sainte d’une beauté altière qui murmure au divin et agit en guerrière. Paradoxe : le ciel haut et clair, la lumière blanche qui inonde les pierres, la quiétude des maisons, des rues ombragées et les tragédies passées et présentes… Le vendredi soir, lorsque retentit le schofar, annonçant l’entrée du shabbat, Jérusalem est déjà somnolente. Ses rues appartiennent alors aux chats, peuple quadrupède, autochtone, semi-sauvage et de confession indéterminée. Les chattes partent en promenade, suivies dans une queue-leu-leu indisciplinée de leurs minuscules et trépidantes progénitures. Les matous patrouillent leur territoire, le pas assuré, la queue haute et fière, et marquent de leur odeur d’imperceptibles postes-frontière. Chaque espèce sacralise son bout de terre.
Les chats de Jérusalem sont à part. Ils ont eu à survivre dans un milieu où ils n’étaient pas les bienvenus mais où on les laisse vivre parce qu’ils ont toujours été là. Les Juifs aussi ont toujours été là, à Jérusalem, d’ailleurs. Mais les chats, contrairement aux Juifs, n’ont pas d’État indépendant et sont demeurés craintifs. Dans le Coran, il est dit que le prophète Mahomet aurait préféré couper la manche de son vêtement plutôt que de réveiller sa chatte « Muezza » qui dormait dessus. Elle le remercia alors par une révérence et Mahomet accorda aux chats le don de toujours retomber sur leurs pattes. Le chat est assuré de trouver sa place au Paradis musulman. Je ne crois pas que Jésus avait un chat, ni le roi David, Salomon ou Samsom, mais la religion juive prêche aussi la compassion envers les animaux qui, eux aussi, doivent pouvoir se reposer le jour du shabath. Le Talmud dénie même le droit de posséder un animal à qui ne peut le nourrir convenablement.
La première fois que j’ai aperçu Houmy, il habitait dans la cave d’une bâtisse édifiée au début du vingtième siècle dont la façade et la grille donnaient sur un terrain de terre servant de parking. Agé de quelques semaines, les deux pattes antérieures posées sur la grille, des grands yeux bleus, curieux et purs, il attendait le retour maternel. Je me suis approché et, aussitôt, il a fuit au fond de son réduit. Le lendemain je suis repassé et je l’ai vu à quelques mètres en dehors de sa cachette, sa mère à ses côtés. Je me suis avancé, sa mère a tenté une diversion tandis que, coupé de sa retraite habituelle, il décidait de fuir, une petite boule de poils roux, vers un tas de fagots entreposés les uns sur les autres. J’ai attendu devant, il n’en est pas sorti et je suis reparti.
Le surlendemain à nouveau il était dehors, sa mère était absente. Il sommeillait. Je me suis approché en silence, pas après pas. Quand il a pris conscience du danger, il était acculé. Je me suis saisi de lui. Il a miaulé, craché, griffé. Je l’ai entouré d’un tee-shirt pour éviter d’avoir les mains en sang et je l’ai pris chez moi sans vouloir penser ni à sa peine, ni à celle de sa mère. Une fois libre dans le studio, il s’est précipité vers la porte fenêtre, se heurtant au carreau, ne sachant pas encore distinguer entre l’illusion et la réalité. Quand je m’approchais, il crachait, se tenait replié dans un angle, les yeux l’autre jour si purs aujourd’hui emplis de terreur et d’incompréhension. Je lui ai donné du thon ramené du réfectoire de la base. Il a apprécié la nourriture militaire, la mangeant avec avidité. Mais une fois rassasié, il a repris ses miaulements, tournant son regard vers la fenêtre, appelant sa mère sans relâche. Deux heures ont passé, il n’a pas cessé. J’avais des frissons de honte et je l’ai à nouveau entouré de mon tee-shirt et je l’ai reconduit à sa cachette et à sa mère qui le cherchait fébrilement. J’ai été à la fois ému par cet amour et plein de rancœur qu’il ne veuille pas s’attacher à moi.
Le lendemain il était à la même place et dormait. Sachant que j’accomplissais le mal, pensant à sa mère et à sa tristesse mais poussé par une pulsion plus forte, je me suis à nouveau saisi de lui. Je l’ai nourri, à nouveau il a mangé. Il était midi, je suis parti pour la base. Quand je suis revenu vers dix heures et demi, je ne l’ai pas vu. La fenêtre de la cuisine était restée entrebaîllée, je me suis dis qu’il avait accompli le saut du premier étage. Après une nouvelle inspection, je l’ai retrouvé caché derrière le frigidaire, tremblant. Je me suis mis au lit, non sans lui avoir préparé une assiette composée de blanc de poulet, de thon et de fromage. Au milieu de la nuit il s’est glissé dans mon lit et s’est allongé près de mon visage. Deux semaines passèrent, nous nous familiarisons l’un à l’autre. Il courait après les boules en papier, les petites souris, prenait le soleil sur le balcon et le soir, dès que j’éteignais les lumières, il sautait sur le lit et venait dormir allongé près de ma tête. Il avait un ventre doux gonflé.
On dit que les animaux n’ont pas de « conscience ». C’est ce qu’on dit. Les religieux le disent ; on disait bien que les femmes n’avaient pas d’âme. Les scientifiques écrivent, étudient, sacrifient, expérimentent mais ne savent pas. Ou pas vraiment. Ou pas encore. On dit aussi que les chats roux sont agressifs, on disait aussi que les rouquins étaient des créatures du diable. On dit que seuls les hommes sont philosophes. Houmy aussi se posait des questions métaphysiques : d’où vient l’eau qui coule du robinet et où s’écoule-t-elle ? Pourquoi l’eau du robinet mouille alors que celle qu’il boit ne le mouille pas. Sa frustration à trouver des réponses ne le décourage pas et si lui ne comprend pas peut-être qu’une autre génération y parviendra. Une fois, Houmy est sorti de l’appartement, il a monté un étage, s’est trouvé devant une porte similaire et a miaulé désemparé. Il ne comprend pas qu’en sortant de son territoire, il ne puisse pas y pénétrer à nouveau par une autre entrée qu’il devrait savoir être différente mais qui y ressemble. Le monde est l’univers clos de l’appartement, il sait que quelque chose d’autre existe mais ne parvient pas à se le représenter. Il bute devant la porte et son incompréhension. Je crois que les astronomes font encore face au même problème.
J’ai ramené Houmy à Paris avec Malka, ce qui signifie reine en hébreu et en arabe aussi d’ailleurs. Est-elle juive ou palestinienne ? Je ne sais pas. Elle non plus d’ailleurs puisqu’elle ne doit pas distinguer entre l’est et l’ouest. Là où elle est née on parlait surtout l’hébreu. Elle dépendait de la majestueuse poubelle rehov Shamkham, peu avant rehov King-George, l’artère principale du centre ville. Cette poubelle est un trésor car elle est alimentée par les restes des cafés et restaurants des rues mitoyennes. Houmy a vécu encore trois ans. Il est mort en avril 2007 en tombant du 5ème étage. Cela a été un des jours les plus tristes car il avait été le premier être vivant dépendant entièrement de moi et quelque part j’aurais toujours en moi cette impression dévastatrice de l’avoir trahi.
Houmy : saga d’un chat israélien
par Arno Klarsfeld
10 décembre 2013
Les chats de Jérusalem sont à part...
Très beau texte sur lequel on aime s’attarder.
Très beau texte sur lequel on aime s’attarder, qui sans que l’on s’en apercoive nous amène à la réflexion.
CONFIDENTIEL – Dès le mois de mai 2007, vous pouviez remarquer un changement net concernant la manière de nommer certains événements dont l’influence sur l’inconscient collectif était considérable. Jusque-là, l’armée israélienne tuait des Palestiniens. À l’instant même où Nicolas Sarkozy accédait au pouvoir, on cessa de donner à penser que c’était les Palestiniens qu’Israël avait dans le collimateur pour bien préciser qu’un, ou deux, ou trois «activistes palestiniens» avaient été tués par Tsahal. Il arriva que le mot «terroriste» fût employé alors que son acception propre correspondait aux faits. Certains diront qu’un terroriste palestinien est un Palestinien avant d’être un terroriste, que cela fait de lui avant tout un Palestinien, et là-dessus je ne vois rien à redire, sauf que dans le premier cas, on imagine bien un régime se complaisant à faire un carton sur le premier Palestinien qui se mettrait en travers de son chemin là où dans le second, il est indubitable que nous avons affaire à un acte de riposte. On ne laisse pas s’installer çà et là et se répandre ailleurs l’antisionisme décomplexé des clanistes de bazar et autres arthurophobes à la petite semaine. Il y a neuf heures : «Un Palestinien tué par des soldats israéliens en Cisjordanie». Il faut cliquer sur le gros titre de l’Agence pour s’apercevoir que c’est «un membre des forces de sécurité palestiniennes» que «Des soldats israéliens ont tué par balles». L’antisioniste subliminal en conclura que les Israéliens ont tiré sur un homme désarmé, ce qui lui permettra d’aller se recoucher avec l’espoir d’être enfin dédiabolisé. «Pris en sandwich entre deux forces ennemies, veiller surtout à ne point énerver la plus dangereuse des deux. Pris en sandwich entre deux forces ennemies, veiller surtout à ne point énerver la plus dangereuse des deux. Pris en sandwich entre deux forces ennemies, veiller surtout à ne point énerver la plus dangereuse des deux.»
se Rappeler que Peres réexpliqua que les frontières étaient faites pour bouger tandis qu’on réabordait la douloureuse question des implantations.
se Rappeler que les territoires que des Israéliens avaient mordus dans le lard de l’antique bande tabou de la Bible, servirent de monnaie d’échange au moment des négociations sur l’indépendance de Gaza.
se Rappeler que la colonisation juive en territoire arabe répond à la méthode de «conquête par le ventre de nos femmes» dont l’Arafat boumédiéniste avait pu onufier sa staturette de sous-commandant Marcos musulman dans une quasi indifférenciation générale, sujet dont l’instrumentalisation qu’en pourraient faire les suprémacistes blancs ne devrait pas pénaliser un pays à l’intérieur ou l’extérieur duquel une poignée influente de revendicateurs du droit au retour — énième spoliation narcissique opérée par le permutateur d’identités, celle-ci visant l’imparable «loi du retour» — partagent la perception faite par la tribu KA d’un peuple juif qui ne serait au final qu’un ramassis de malfrats égyptiens chassés de leur propre pays, lesquels imposteurs se seraient faits passer pour les fondateurs du monothéisme que leurs démystificateurs attribuent au dixième pharaon de la XVIIIe dynastie ou personnification du disque solaire, ce qui avait conduit un certain Dieudonné M’bala M’bala, lequel théoricien du complot ne s’est jamais construit une renommée sous ce nom pouvant justifier un backstage pass sur YouTube, à affirmer sur le siège passager d’un ancien présentateur de Paris-Dernière : «Les Juifs n’existent pas», tout un programme…
se Rappeler que la persistance de la dieudosphère comme de tout un tas d’autres saloperies auxquelles nul n’imaginerait confier les clés d’un lieu de culture longeant une rue réelle tel que l’ancien théâtre d’Alain Hillel — je me souviens de l’époque où ce dernier y transféra son école du cinéma de la rue Vieille-du-Temple — n’empêche pas que les représentants du peuple français mettent un terme à l’«impunité» comme à la «complaisance» — ce sont les mots de Manuel Valls — dont a pu jouir un homme qui réussit à convaincre les Noirs qu’il incarnait leur cause alors qu’il ne faisait que l’exploiter, la pervertir et l’exténuer à l’exemple de l’esclavagiste vissé dans son cerveau malade.
se Rappeler que cette antenne du Centre Zahra qu’est le Parti antisioniste est une version contemporaine, à peine liftée, du Parti landruesque d’Édouard Drumont.
se Rappeler que les Israéliens ne tirent jamais les premiers.
se Rappeler que les frappes aériennes, contrairement aux tirs de roquettes, ne sont pas des attentats hyperterroristes.
se Rappeler que lorsqu’une fillette palestinienne est mortellement blessée au cours d’une opération de riposte de Tsahal, les autorités palestiniennes se frottent unanimement les mains.
se Rappeler de ne pas s’étonner de ce que le chef de l’autorité palestinienne ne s’empoisonne plus à condamner publiquement une action armée palestinienne PRENANT POUR CIBLES des civils depuis l’accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas intervenu en avril 2011, version palestinienne du printemps arabe (à occulter ou non).
se Rappeler que les terrorislamistes libérés contre l’otage Shalit furent qualifiés de héros par Abbas.
se Rappeler que si l’on n’avait pas le droit de ne pas commettre l’erreur fatale de décerner un prix Nobel de la paix à un djihadiste repenti avant qu’il n’eût récidivé, il serait criminel de réitérer Oslo avec les instigateurs de l’Intifada.
se Rappeler que la plus sûre façon d’empêcher les prétendants d’accomplir la première étape de leur guerre impériale avec la reconquête de la pierre d’angle de toutes les guerres saintes qui seule aura pouvoir d’identifier de par l’emprise qu’il aura eu sur elle le réel successeur de Mahomet, c’est bien la création d’un État national palestinien frontalier d’Israël, réellement indépendant et jaloux de sa propre souveraineté.
se Rappeler de reprendre, dès que possible, la voie processionnelle de la paix.
magnifique bien sur que les animaux ont une conscience !
quant aux scientifiques ils ne travaillent que sur des hypothèses et sont parfois très sots
le grand Descartes du sublime COGITO n’ a t-il pas déclaré que les animaux n’étaient qu’ un assemblage de rouages ? cette théorie de l’ animal- machine est aujourd’hui totalement obsolète
alors !!!!……
Ce texte est d’une profonde beauté, et d’une rare sensibilité.
j’ai, moi aussi élevé une kyrielle de chats.
les fenetres ouvertes étaient notre terreur
Votre article me touche énormément
Mon gros chat (12 kilog)est assez agressif quand on ne cède pas a ses caprices
Alors je cède! que faire d’ autre ?
Avez vous toujours la même vétérinaire rue de la Boétie?
Cordialement
Sarah frydman