Il y a près d’un an, le conseil constitutionnel a rejeté la demande d’associations de défense des animaux demandant l’interdiction de la corrida. Dans sa décision les membres du conseil ont rappelé que bien que l’article 521-1 du code pénal réprime les sévices graves et les actes de cruauté envers un animal domestique ou tenu en captivité, cet article exclut expressément l’application de ces dispositions aux courses de taureaux dans les cas où une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Ces pratiques traditionnelles reconnues par la loi ne portant pas atteinte à un droit constitutionnellement garanti.
Cela a peut-être été une défaite pour les défenseurs des animaux mais le conseil constitutionnel a montré la voie à suivre pour l’avenir : la dignité des animaux ou l’interdiction d’une inutile cruauté à leur égard doit être constitutionnellement garantie.
La règle légale sur les corridas les autorisant si une tradition locale ininterrompue peut être invoquée est vouée à disparaître. Elle rappelle trop la règle en vigueur aux Etats-Unis avant la guerre de sécession autorisant l’esclavage là où il avait existé mais en excluant les nouveaux territoires ouverts à la colonisation. On sait que c’est mal, on sait que ces coutumes viennent d’un temps où l’on pensait que l’animal, comme l’esclave, n’avait pas de conscience mais on laisse perdurer car on craint un conflit ouvert.
Pendant longtemps on a pu maltraiter et torturer les animaux en se fondant sur la croyance qu’ils n’étaient que des machines sans conscience. Entre Pythagore qui pensait que les hommes se réincarnaient dans les animaux et les animaux dans les hommes et Aristote, deux siècles plus tard, qui professait que les animaux étaient dénués de pensée, de raison et de logique, c’est Aristote qui l’a emporté. Pendant 2 000 ans les animaux n’ont eu aucun droit.
Ce n’est qu’au milieu du 19ème siècle qu’on a interdit en France les sévices infligés aux animaux lorsque ces sévices étaient infligés publiquement. Ce n’est que bien plus tard que le caractère public est devenu indifférent et que l’animal comme sujet de droit a émergé. Aujourd’hui le droit des animaux est enseigné sur la plupart des campus des universités des Etats-Unis.
La corrida tout comme la chasse à courre sont voués à disparaître. Si l’homme a une conscience, il en va de même du taureau martyrisé dans l’arène ou du renard affolé et déchiré vivant par les chiens pour le plaisir de cavaliers indifférents à la souffrance animale.
Oui les animaux ont des droits et le meilleur moyen de les protéger est de garantir une partie de ces droits constitutionnellement. La France ne serait pas le premier pays à le faire. Trois pays frontaliers l’ont déjà fait. L’Allemagne dont la loi fondamentale protège les animaux depuis 1993, la Suisse dont la constitution garantit le respect de la créature animale et le Luxembourg qui garantit sa protection. Pour des pays plus éloignés, la constitution de l’Inde assure un devoir de compassion, celle du Brésil prohibe la cruauté. Après ce sera à la jurisprudence des cours judiciaires et administratives de construire, doser et s’adapter.
Assurer les animaux constitutionnellement contre une inutile cruauté aurait aussi pour conséquence d’interdire l’abatage rituel pour la viande casher ou halal sans que l’animal soit préalablement étourdi. Si l’on doit manger de la viande la moindre des reconnaissances c’est d’abattre l’animal en lui causant le minimum de souffrance. Ce n’est pas là une question de laïcité mais de juste compassion.
Il est logique que la prise de conscience des peuples occidentaux de la souffrance animale débouche sur des changements constitutionnels et que l’éthique conditionne le droit.
De nombreux hommes politiques aiment la chasse et la corrida mais ils aiment encore plus être en phase avec l’opinion publique. Deux sensibilités s’affrontent et iront en s’affrontant de plus en plus.

7 Commentaires

  1. Effectivement c’est arrangeant de dire que l’abattage cacher est la facon qui fait le moins souffrir. Dommage qu’on ne puisse pas demander aux malheureux qui on-t ete décapités!
    Que ce soit la cruauté envers les animaux, envers des enfants, des femmes des familles etc…reste de la cruauté.
    Alors arretons de dire : « oh ce ne sont que des animaux, il y a plus important ailleurs! »
    N’oublions pas que toute cette souffrance est due à des actes HUMAINS. Ce ne sont pas les animaux qui font toutes ces guerres ! Depuis la nuit des temps, depuis que l’homme existe, la cruauté sous toutes ses formes existe et ce jusqu’à nos jours et ce sera ainsi jusquà ce que l’homme se détruise
    Vous dite: »ne pouvons-nous pas hiérarchiser les priorités ». Je pense que la priorité ne commence pas avec l’homme!
    Elle commence au plus petit, au minuscule, nature, abeilles etc etc ..l’homme se place presque à la fin puisque c’est lui qui décide finalement. Tout est liè… mais le sujet est trop vaste…!

  2. Bonjour et merci pour votre article.
    Je m’étais renseigné il y a 2 ans … Aux dires de vétérinaires sérieux qui avaient enquêté sur les modes d’abattage, je me souviens que l’abattage cacher était, des 3 façons de tuer l’animal, celle qui faisait le moins souffrir.
    Alors, je m’interroge : Méconnaissance des uns ? Mensonge des autres ?
    Et puis, tous les sujets sont importants certes … mais quand on a été capable de laisser faire le Rwanda après avoir connu l’holocauste, qu’on laisse faire en Syrie, peut-être y a t-il des sujets prioritaires ?
    Peut-être aussi est-il temps d’avoir des chefs dignes donc dignes de gouverner, capables d’avoir une approche globale (0,3% des hommes possèdent 85% des richesses) et d’agir …
    Après oui, tous les combats sont importants mais ne pouvons-nous pas hiérarchiser les priorités … pour ne pas nous disperser. Bien à vous, DM

  3. Parfaitement exprimé ce que nous ressentons souhaitons toucher enfin les indifférents qui voudront bien entendre ce qu nous avons à dire.
    Merci sincèrement d’être à nos cotés.

  4. Bravo et merci. Ce texte est très clair et représente tout à fait ce que je pense.
    Merci à vous

  5. Merci maître Klarsfeld pour cette mise au point remarquable sur le statut juridique de l’animal. Votre article véhicule un optimisme raisonnable et pas un optimisme exubérant qui n’encouragerait pas les gens à réfléchir et à militer pour faire avancer les conditions de l’animal. Merci aussi de n’avoir pas occulté la souffrance des animaux lors des abattages rituels, sujet si souvent occulté sous prétexte de racisme, ce qui est funeste et ridicule.
    A propos des pays qui respectent l’animal, j’aimerais signaler les Pays-Bas, premier pays au monde qui a su rassemble un parti politique pour les animaux (Partij voor de Dieren) qui est une vraie source d’inspiration pour les politiciens de tous bords; c’est ainsi qu’on a vu récemment ces députés néerlandais voter l’interdiction d’animaux sauvages dans les cirques.
    La France est singulièrement à la traîne avec sa corrida et ses écoles de tauromachie ainsi qu’avec son foie gras. Le « conflit ouvert » que vous signalez comme frein possible à l’avancée de la législation ne me semble hélas pas encore assez avancé si tant est que les Français aiment les mensonges et les faux semblants. Sémiotiquement parlant on pourrait dire qu’ils s’accrochent confortablement à des icônes devenues symboles sans jamais passer par la catégorie de la réalité: celle des indices. Les médias font du lavage de cerveau en parlant d’élégance et de raffinement… à propos de foie gras, et d’art et de culture à propos de corrida, alors qu’il suffirait d’indexer la réalité par des images réelles d’engraissage et de torture pour que les gens récusent foie gras et corrida.
    Merci encore, le rôle de personnalités comme la vôtre est super important!

  6. Je ne dis qu’une chose : BRAVO, Monsieur Arno klasfeld, vous avez TOUT dit… nous sommes en 2013. Si je suis partisante des traditions locales (fêtes, férias, danses, etc), la corrida est une torture, d’autant plus condamnable qu’elle échappe aux articles du code pénal, parce qu’elles se situent dans certains territoires du sud… Oui, les hommes politiques sont souvent chasseurs, aficionados, et surtout dans le sud ouest, ils ont des électeurs… des aficionados, dont le lobbie est puissant.
    Soit, il y a toujours plus grave, et ce n’est pas vous, Monsieur Arno KLASFELD, qui me contredira, vu que votre père a traqué certains nazis…. car il y a des moments où il faut s’interroger sur les « traditions », et dire NON à certaines, dont la corrida, jolie chorégraphie dans les premières minutes, mais tournant vite à la boucherie à la fin, le sang coulant le long des flancs de l’animal, acculé à une mort certaine, crachant du sang… Oui, BRAVO Monsieur Arno KLASFELD, vous avez toute ma considération; continuez, vous serez peut être davantage écoutés par nos politiques, que le citoyen « lambda » qui défile avec des pancartes et qu’on traite de terroristes…
    BRAVO