A l’heure où j’écris ces lignes, on ne sait pas qui de Jean-François Copé, François Fillon ou Al Gore a gagné l’élection. On attend la Floride. Mais au fond, peu importe ; certes, j’imagine bien que les éditorialistes les plus brillants, les plus fins, les plus « lapins dans le chapeau » trouveront qu’en fait, dans le fond du fond, en dernière analyse, malgré les a priori, contre tous les jugements un peu lourdauds, un peu simplets, à rebours de ce que vous auriez pu penser, vous, pauvres idiots de non-initiés, triples buses que vous êtes, le vrai vainqueur authentiquement authentique de cette élection à l’UMP, c’est François Hollande ; ils vous démontreront sans contradictions, que le seul gagnant, eh bien c’est Nicolas Sarkozy ; qu’en fait, par un coup de billard à trois bandes, c’est Jean-Marc Ayrault, voire Alain Juppé ou même Ludovic, de Danse avec les Stars ; et pourtant, je persiste à penser que non, le seul et grand gagnant de cette soirée ambiance Abidjan sous Laurent Gbagbo, c’est uniquement et simplement Jean-François Copé.
Ah mon Dieu ? C’est un article pro-Copé ? Je suis sur le site du Figaro ? Non : rassurez vous. Je m’explique. Quand j’étais petit, en classe, se trouvait comme camarade d’école, parmi nous, écoliers minuscules, un certain F., qui passait son temps à bavarder, en cours. Le professeur se retournait, vraiment furieux. Tout le monde regardait F. Le professeur faisait un regard menaçant vers F. F. ne bronchait pas. Mais, passé un temps, F., avec un aplomb incroyable, souriait, et désignait un gros à lunettes comme unique coupable, derrière lui, passant superbement au travers des gouttes de la colère divine, enracinant l’idée de son innocence intrinsèque de gentil et méritant petit F., et ce, par un seul regard d’indignation outrée.
Personne n’a jamais trouvé F. vraiment sympathique. On ne le détestait pas non plus. Il nous charmait plutôt, nous épatait même, franchement. Car voilà : le cynisme et l’absence de scrupules ont la savoureuse odeur des parfums envoûtants.
Je ne sais pas si vous l’avez vu, hier, Copé, proclamer sa victoire, sans consulter cette pauvre COCOE, reléguant Fillon en héritier direct des Grands Mous de l’Histoire, depuis Cicéron, décapité par Antoine, jusqu’à Balladur, qui connut le sort que l’on sait. JFC a réussi l’exploit de faire mentir tous les sondages. Après une campagne où, par cynisme, il a sorti le gros rouge qui tâche, c’était là le dernier acte d’un césarisme sans complexes. Copé flirtant par conviction avec le FN ? Allons bon. Si il fallait devenir écologiste pour accéder à l’Elysée, Jean-François Copé irait manifester à Notre-Dame-des-Landes. Non, Copé a simplement mené une campagne auprès d’électeurs frustrés ou revanchards, comme Chirac en menait auprès de cette même vieille droite dans les années 1980, avec son « bruit et l’odeur », ou le discours de Cochin. C’est une triste insulte faite à la mémoire de Charles Pasqua que de croire que « les pains au chocolat » sont une innovation absolue en matière de crétinerie franchouillarde. Jean-François Copé, avec son opération séduction façon banquet du RPR reste à des années lumières du discours de Grenoble sarkozyste.
Bref, Jean-François Copé a cette même folie, ce même cynisme, celui des éternels arrivistes, des perpétuels agités, des Rastignac aux cravates parlementaires ; le plus fascinant, c’est que ça marche toujours. Chirac s’y est pris à trois fois, Sarkozy a galéré, mais qu’importe le délai : on y arrive. Qu’il devienne président de l’UMP ou non, JFC peut se targuer d’avoir ridiculisé un ancien Premier Ministre ultra-populaire. D’avoir rassemblé, contre toute attente, 50 % des suffrages. Je le redis : cet homme est de la trempe de ceux qui deviennent président. Une fois mené le rassemblement du cœur nucléaire UMP, vous verrez, dans trois ou quatre ans, on aura un discours façon « J’ai changé ». Le JDD titrera « Jean-François Copé, un rêve français ». Il sera « la droite moderne ». Un peu sociale et gentille, quand même. Ce sera le fils de sang-mêlé qui a réussi. Henri Guaino refera des jolis discours.
En 1974, quand Jacques Chirac, alors jeune loup aux dents longues, a pris, par surprise l’UDR, le parti gaulliste, au grand effroi de tous les barons présents dans la salle, lorsque le jeune et fou Chirac est devenu chef d’un parti dont il n’était même pas membre cinq minutes avant, alors, un de ces vieux sages éberlués par tant d’audace et d’arrivisme, s’était demandé, à haute voix : « C’est un Dix-Huit Brumaire ou un Premier Avril ? ».
On pourrait, mot pour mot, retourner la question à Jean-François Copé.