Pour commencer par la fin et le début : je voudrais souhaiter une bonne et joyeuse continuation d’apocalypse à tous.
Je souhaite une année catastrophique et maudite à tous les auteurs de commentaires haineux sur les réseaux sociaux.
Je souhaite que tout le monde retrouve le temps, l’envie et les capacités cognitives de lire Proust, Hugo, Malraux, Michelet, Ramuz, Melville, Simenon, Queneau, Jaccottet, Raymond Chandler et Chester Himes.
Je souhaite que Prince et Jean Cocteau ressuscitent.
Je souhaite que mon pauvre, mon pathétique cerveau, trouve la force de se limiter à moins d’une heure de doomscrolling par jour sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas une vie.
Je souhaite trouver plus de raisons de sortir de chez moi.
Je souhaite que le gouvernement m’oblige à faire du sport (et qu’il me rémunère pour cela).
Je souhaite que Will Ferrell et John Waters se mettent en couple, et qu’ils m’adoptent.
En 2026, je souhaite que la France annexe Cuba, et construise un tunnel en cristal Baccarat incassable sous l’Atlantique pour y faire passer le Caribbean Express (et que ce dernier soit décoré comme un Palazzo italien du XVIe siècle).
Je souhaite que tout le monde devienne aussi riche que Kim Kardashian et aussi sage que le roi Salomon.
Je souhaite que tout le monde comprenne qu’il faut que tout aille vraiment très mal pour que tout aille vraiment très bien.
Je souhaite que chacun joue le rôle qu’il s’est choisi sans jamais en être dupe.
Je souhaite que tout le monde devienne gnostique. Ça réglera beaucoup de problèmes. (nationalisme, hyperconsumérisme, sérieux, arts ternes, passions tristes, etc.)
Je souhaite que l’on excave l’Atlantide, que l’on reconstitue ses mœurs et technologies.
Je souhaite que l’on puisse recevoir des cours de Torah gratuits et dispensés par des gens vraiment compétents à domicile.
Je souhaite que l’on trouve un moyen non-invasif de me faire apprendre l’italien, l’hébreu et l’égyptien hiéroglyphique en une nuit.
Je souhaite que le lifting soit remboursé par la sécurité sociale.
Je souhaite que tout le monde soit hyperconservateur, c’est-à-dire avant-gardiste.
Je souhaite que la production mondiale de vêtements de sport soit interrompue pour l’éternité. Je souhaite aussi l’abolition éternelle du polyester. Et du cachemire – c’est vraiment trop horrible –, préférez la laine mérinos ultrafine fabriquée en Italie.
Je souhaite que l’on ressuscite toutes les espèces d’animaux et de plantes disparus, ou presque.
Je souhaite que le Français moyen cesse d’être jaloux, envieux, stupide, mesquin, méchant ; qu’il apprenne enfin à aimer, cultiver, respecter, célébrer la réussite, l’exigence, l’excellence, la discipline, la flamboyance, l’audace, l’exubérance et la simplicité. En bref, je souhaite que les Français soient un peu moins français.
Je souhaite que Roselyne Bachelot soit la future présidente de la République (pourquoi pas). Je pense qu’elle s’entendrait bien avec Poutine, avec Trump, avec tout le monde, même les Chinois. Sans la musique, la politique serait une erreur.
Je souhaite que Rachida Dati sauve l’appartement de Jacques Prévert.
Je souhaite que la chance sourie aussi aux grands timides.
Je souhaite à chacun de trouver la pierre philosophale.
Je souhaite que tout le monde comprenne l’humour extraterrestre.
Je souhaite que John Galliano devienne le directeur artistique d’Armani Privé.
Je souhaite que tout le monde reçoive une lettre d’amour.
Je souhaite que l’on organise un bal costumé par saison, sur les bateaux-mouches, et dans des dirigeables translucides comme des bulles de savon.
Je souhaite beaucoup plus de rendez-vous joyeux, plus de fêtes, beaucoup moins de solitude pour tous.
Je souhaite que l’on se sente tous comme Mozart ou Nikola Tesla en se réveillant le matin, même et surtout dans les tempêtes ; et puisqu’elles ne durent pas.
Je souhaite que les gens soient un peu plus dignes, c’est-à-dire un peu plus absurdes.
Je souhaite qu’un tiers des Français comprenne qu’il tombe, par ses sympathies lepenisto-poutiniennes, ses largesses avec les rossignols populistes, dans les mêmes pièges logico-historiques qui ont poussé ce pays à la collaboration avec l’Allemagne nazie, il y a quatre-vingts ans.
Je souhaite que l’on voie émerger de très nombreux jeunes beaux et grands talents dans tous les domaines.
Je souhaite imaginer, apercevoir et presque comprendre tous les symboles que l’univers contient.
Je souhaite une résurgence du mouvement surréaliste, c’est la saison.
Je souhaite à tous les cons de longues plages d’introspection.
Je souhaite à chacun caresses brûlantes ; visions inoubliables ; joies inespérées ; vingt ans revenus ; cœur battant.
Je souhaite des oiseaux bleus électriques, oranges sanguins, ultraviolets dans le ciel de Paris.
Mille coups de lune, au moins…
Un virage à 180°, au moins…
Le courage de la générosité ; le courage de la gentillesse ; le courage de la tolérance ; le courage de la liberté ; le courage de la grâce ; le courage d’ouvrir l’œil.
Conjuration des ankyloses, convocation des inspirations.
Manquer de sérieux en toute occasion. Je souhaite que tout le monde sache que rien n’est grave.
L’aventure chaque jour.
Se confier aux secrets d’un travail bien fait.
Je souhaite que la Seine se transforme en un fleuve d’aigues-marines, d’opales, émeraudes et pierres de lune, avant la fin de l’année. C’est un livre.
Des empires de passions calmes.
Dessiner, surtout si on ne sait pas.
Des bars anglais, des clubs de Jazz.
De très hautes fréquences qui montent jusqu’aux étoiles.
Des pluies de chance.
Je souhaite aux plus braves de se mettre à la méditation transcendantale, ne serait-ce que pour que David Lynch ne soit pas mort en vain.
Je souhaite « good luck » au Venezuela.
Je souhaite aux agriculteurs d’entrer au Paradis.
Je souhaite que tout le monde écoute très attentivement, l’album « Welcome to the Slaughterhouse » de Prince.
Je souhaite qu’une avalanche de manteaux de fourrure s’abatte sur ceux qui ont froid en ce moment dans la rue.
Je souhaite que commence de se tisser une chaîne de fraternité infracassable entre les hommes et entre les nations.
Je souhaite que les robots progressent plus vite que nous.
Je souhaite plus d’Audrey Hepburn, de Marlon Brando ; et moins de Léna Situations, de Cyril Hanouna.
Je souhaite que le passé appartienne à l’avenir autant qu’à l’éternité.
Je souhaite que tout le monde lise la prose sublime de László Krasznahorkai. Et que personne ne manque son discours lors de la remise du Nobel.
Je souhaite que Denisa Kerschová me fasse découvrir beaucoup d’autres étoiles filantes telles que Maddalena Casulana.
Je souhaite une étincelante sortie aux dernières femmes et aux derniers hommes. « Good night, ladies », comme chantait Lou Reed.
Je souhaite, en 2026, découvrir les ouvrages de Gaëtane Lamarche-Vadel sur les jardins secrets italiens de la Renaissance[1] [2]; les figures du secret au XVIIe siècle[3] ; et les jardins persans[4].
Une délicate, lucide, courageuse et fantasque année 2026 à tous…
[1] Gaëtane Lamarche-Vadel, Jardins secrets de la Renaissance, l’Harmattan, 1997.
[2] Gaëtane Lamarche-Vadel, Anthologie de textes sur les jardins secrets, Mercure de France, 2004.
[3] Gaëtane Lamarche-Vadel, De la duplicité, les figures du secret au XVIIe siècle, La Différence, 1994.
[4] Gaëtane Lamarche-Vadel, Jardins persans. Une traversée architecturale et philosophique, Éditions de La Villette, 2025.
