Yuliia Païevska, celle que toute l’Ukraine surnomme Taïra est une héroïne de Marioupol. Secouriste volontaire, elle pansait les corps brisés, prenait soin des vivants comme des morts, tandis que la ville croulait sous les bombes et s’effondrait dans les flammes. Caméra au poing, elle a aussi filmé l’agonie de Marioupol, documentant l’horreur avec un courage inouï. Enlevée par les forces russes, elle a été emprisonnée, torturée. Le 13 mai, aux côtés de l’équipe du film Notre Guerre de Bernard-Henri Lévy, elle a été ovationnée sur la scène du Festival de Cannes. Elle y a prononcé ces mots.

Les mots prononcés par Taïra

Je me permettrai de parler ukrainien parce que je pense que c’est une langue qui est digne d’être entendue au Festival de Cannes. Je suis très honorée d’être ici, et très reconnaissante à Bernard-Henri Lévy d’avoir réalisé ce film car, vous le verrez, c’est un film qui transmet bien ce que l’on ressent sur le front. La France a un jour payé le prix de sa liberté. L’Ukraine le paie aujourd’hui. Et ce n’est pas seulement le prix de sa liberté que paie aujourd’hui l’Ukraine, mais aussi celui de la liberté de l’Europe et du monde libre. La liberté, ce n’est pas quelque chose d’acquis, ce n’est pas quelque chose de stable ; il faut tout le temps se battre pour elle. Lorsque je suis arrivée, en regardant le tapis rouge, j’avais l’impression de voir un ruisseau de sang qui coulait sur les escaliers. J’ai connu la prison, j’ai vu la mort de près pendant ces dix-huit mois – vous ne pouvez pas vous imaginer. Je souhaite que cette horreur, ce cauchemar, ne touchent pas cette terre de France bénie. La contribution à notre guerre de nos amis, comme Bernard-Henri Lévy, est inestimable, parce que c’est parfois plus difficile qu’un tir, plus difficile que la bombe nucléaire. Pour que cette guerre cesse, pour qu’elle ne s’étende pas, pour que plus jamais cela ne se reproduise, nous tous nous battons – les uns sur le front, les autres à l’arrière. Que le sang de mes frères n’ait pas coulé pour rien. Merci. Vive la France [en français] ! Vive l’Ukraine !