Merci cher Thierry Frémaux et merci du fond du cœur pour avoir pris l’initiative de cette journée ukrainienne en préouverture de votre festival, aux côtés de mes camarades Mstyslav Tchernov, dont vous allez voir tout à l’heure le film extraordinaire et Ariane Chemin, Yves Jeuland et Lisa Vapné dont vous avez vu le film ce matin. 

C’est une si belle initiative que vous avez prise là avec nos amis de Brut et, à France Télévisions, Stéphane Sitbon Gomez et Antonio Grigolini – qui est là et que je salue. 
Votre geste est fidèle à la tradition de Cannes. 

Cannes montrait le film de René Clément, La bataille du rail, au sortir de la Résistance. 
Cannes a été l’une des étincelles qui ont donné sa beauté et sa grandeur à Mai 1968. 
Cannes a été là – et j’étais, un peu, à vos côtés – quand il s’est agi de soutenir des grands cinéastes empêchés, interdits ou emprisonnés comme Jafar Panahi. 
Que vous soyez aujourd’hui aux côtés de cette Ukraine souffrante, martyre, vaillante et résistante me paraît à la fois dans l’ordre des choses et en même temps magnifique. 
Tous ceux qui sont ici et tous ceux qui ont organisé cette journée savent que le sort de l’Europe et le destin de l’Europe se joue là. 
Ils savent que la frontière de l’Europe d’aujourd’hui est dans ces régions du Donbass qui nous paraissent parfois très loin et qui sont en réalité très proches. 

Je suis extrêmement ému, avec toute mon équipe, que vous ayez sélectionné ce film, notre film. Car ce film que vous allez voir c’est vraiment trois ans de notre vie. Et même au-delà, puisque cette guerre n’a pas commencé le 24 février 2022, elle a commencé dès 2014. Nous étions déjà là, alors, avec mes camarades. Et ce nouveau film-là, vous verrez, est aussi la mémoire de ce que nous avons vécu et rêvé depuis trois ans. 

Mais je voudrais surtout remercier ceux qui l’ont rendu possible, c’est-à-dire nos amis ukrainiens, au premier rang desquels l’ambassadeur Vadym Omelchenko qui a été pendant toutes ces années de guerre – ce film, le quatrième que nous avons tourné sur l’Ukraine – à mes côtés avec son savoir-faire diplomatique, sa très grande force de caractère et sa capacité, avec sa principale collaboratrice Alexandra Prysiazhniuk Mayor, à soulever des montagnes.

Ce film est l’œuvre d’une petite équipe que je vais vous présenter dans une seconde, et il est l’œuvre des Ukrainiens qui nous ont fait confiance, qui nous ont donné tous les accès que vous allez découvrir. Ils nous ont fait ce grand honneur, ce grand privilège de nous permettre d’être là où peut-être nous n’aurions pas toujours dû être. Merci donc, pour cela, à l’ambassadeur Omelchenko. Au président Zelensky. A son plus proche compagnon d’armes, comme on disait dans ma jeunesse, le chef de l’administration présidentielle, votre ami, cher Thierry, l’ami du Festival de Cannes, l’ami du cinéma, Andriy Yermak.

Andriy Yermak a écrit un petit texte qu’il m’a demandé de vous lire en ouverture de cette projection. 

Je veux remercier aussi tous les commandants de terrain, tous les simples soldats qui, eux aussi, nous ont fait confiance et qui ont rendu ce film possible.

Et puis je voudrais appeler sur scène mes camarades mes camarades ici présents. 

D’abord Marc Roussel, le coréalisateur du film, qui m’accompagne depuis trois ans en Ukraine, et depuis vingt ans sur nombre de théâtres de guerre, y compris, cher Thierry Frémaux, des guerres oubliées, vous le direz aux membres du jury qui s’en soucient. Cher Marc Roussel, venez, mon cher ami. 

Je voudrais appeler également Gilles Hertzog qui était à nos côtés avec Marc et qui est, avec nous, l’un des auteurs de ce film. Il m’accompagne, lui, depuis très longtemps. Pardon, Marc : vous, ça fait vingt ans ; Gilles Hertzog, ça fait cinquante ans… 

Nous étions tous les trois dans les tranchées de Pokrovsk, dans la ville bombardée de Soumy. Gilles était comme toujours à mes côtés. Un jour, il a eu cette phrase, il m’a dit : « Écoute, ça je te le déconseille. » Et, comme il n’a pas réussi à me convaincre, il a conclu : « Je te suivrai de toute façon jusqu’en enfer. » 

Je voudrais appeler Dominique Ambiel qui a eu le courage de produire ce film avec nous et pour nous, avec sa compagnie de production A Prime Group. Il nous a suivi, je dois le dire, les yeux fermés et je lui en sais gré – ainsi qu’à Ludivine. 

Je voudrais appeler également à ses côtés la personne qui, depuis New York, a piloté ce film, en remote control. Oui, elle a piloté chacune de ses scènes depuis New York. Il n’y avait pas de décalage horaire pour elle ! Elle était incroyable ! C’est la véritable productrice du film aux côtés de Dominique et Ludivine Ambiel. Elle s’appelle Emily Hamilton. Emily, ce film vous doit vraiment d’exister et vous doit quelques-unes de ses scènes majeures. Je vous en suis immensément reconnaissant. 

Et puis je voudrais que vous accueilliez deux personnes sans lesquelles nous ne serions peut-être pas là, vivants, Gilles, Marc et moi. 

D’abord Serge Ossipenko, notre ami ukrainien, qui a assuré sur le terrain l’organisation, la production, la régie de tout ce film. Serge, venez. 

Je voudrais appeler Bogdan Gervaziuk, qui est notre camarade aussi, et qui a assuré la chose la plus difficile : la sécurité de l’équipe, la mienne – et, croyez-moi, ce ne fut pas toujours de tout repos ! Nous sommes allés, comme vous allez voir, dans des endroits souvent peu accessibles où l’on ne pouvait pas se déplacer qu’avec d’infinies précautions. Et, si nous avons pu le faire, c’est grâce à Bogdan et à la merveilleuse équipe de garçons et quelquefois de filles qui étaient avec lui. 

Nous sommes devenus, non seulement des camarades, mais des frères, vous et moi, Bogdan, à travers mon cher ami Serge. Merci, cher Serge. Je le dis avec beaucoup d’émotion parce que nous avons vécu, ensemble, des moments terriblement intenses.  

Je voudrais appeler deux amis qui sont des personnages du film que vous allez voir sur l’écran et qui ont fait le voyage de Kiyv. Nous avons souhaité, Dominique Ambiel et moi-même, les associer à ce moment…

D’abord Yuliia Païevska, qu’en Ukraine l’on appelle Taïra, héroïne de Marioupol. Taïra est cette soignante qui, alors que Marioupol était bombardée, réduite en cendres, était là, elle réparait les femmes et les hommes, elle réparait les corps. Elle a été enlevée par les Russes, emprisonnée pendant des mois, torturée dans des conditions atroces. Elle se retrouve aujourd’hui avec nous sur la scène de ce festival. 

Enfin, je voudrais que nous accueillions un autre héros de l’Ukraine, le Général Artem Bohomolov, qui était le Général en charge de la région de Bakhmout, de Chasiv Yar et de Soledar à l’époque où nous y étions. Il a été blessé grièvement à Koupiansk. Il a échappé à un drone une première fois et, malheureusement, la deuxième fois le drone ne vous a pas raté, mon Général.

Je vous remercie d’être là malgré tout et d’avoir laissé votre béquille sur votre siège. C’est un bon signe. Ça veut dire que vous serez bientôt de retour sur le front. C’est la bonne nouvelle de la journée. Général, je suis très ému de ce moment. 

Si Yuliia Païevska et le Général Artem Bogomolov veulent ajouter quelques mots, ça me ferait plaisir et je crois que ce serait l’honneur du Festival de Cannes. Yuliia, je vous passe le micro. 

Un commentaire

  1. Cher Bernard-Henri Lévy, Jean Zay aurait aimé assister à cette réception au festival de Cannes, dont il fut le créateur. Avec le Cercle Bernard Lazare de Grenoble, nous honorons en ce moment même sa mémoire. Si j’osais exprimer un souhait, ce serait celui de diffuser *Notre Guerre* dans le même cadre et de vous y recevoir. La chose n’est pas simple, peut-être même impossible. Mais si une telle perspective vous semblait susceptible de s’ouvrir, je serais à votre disposition.