Poésie, musique et mathématique, ont toujours eu partie liée, ne serait-ce que parce que chacune à sa manière vise à démontrer quelque chose (c’est-à-dire à révéler ce qui, jusqu’alors, restait caché), mais encore parce que chacune se préoccupe de rythmes, de symétries, de calcul, et surtout de retournement, le principe même qui préside à toute démonstration. 

Emmanuel Levinas, au sortir de la guerre, en 1947, parlait du « virement inattendu de la malédiction en exultation », autrement dit du retournement de la malédiction en bénédiction.

Voilà quelque chose qui se trouve au cœur de la littérature de Pascal Bacqué, de sa littérature romanesque comme de sa littérature poétique. 

Chemin harangué, qui vient de paraître en librairie, Chemin harangué – titre bizarre – c’est tout simplement l’adresse de sa maison en Normandie, dans le pays de Caux, non loin de Fécamp et d’Étretat.

Des amis de Pascal Bacqué, par un acte de mécénat, ont décidé de lui louer cette maison afin qu’il puisse y travailler dans de bonnes conditions.

Alors comment ne pas se demander ce que c’est véritablement que ce lieu ?

Se le demander en sollicitant l’art du sonnet, « cet art ancien et condamné », précise Pascal Bacqué. « Le sonnet, répété quarante-neuf fois, comme quarante-neuf portes… »

Proposition quelque peu mystique. Là, précisément, où retrouver musique et mathématique, ou pour mieux dire « retournement sans fin », une idée qui irrigue, à mes yeux, toute poésie digne de ce nom de poésie, mais en particulier celle de Pascal Bacqué.
Écoutez-le :

Oiseaux

Palpitant corps au monde rémanent
À seul fuir d’un peuple constellé
D’éclats, bonds effusés, branches fuguées
Qu’irise en trille un trait en s’échappant,

Qui t’a saisi que tu n’aies rien avant
De dire, dit, et sitôt écrié,
D’un pur amour insensible à parler,
Les arbres ploient de ne porter l’absent ?

Première langue à pleurer de présence,
Que muscles-tu, gosier d’indifférence ?
Un rire ? Un cri ? Un ultime abandon ?

Ce doux matin j’ai des amis volages,
Mais les quitter n’est ni triste ni sage :
Babil exquis qu’instille seul un don.


Pascal Bacqué, Chemin harangué, 49 sonnets lyriques, Postface de Bruno Pinchard, Éliott éditions.