« Votre engagement et votre détermination sont exemplaires. Votre esprit est libre, votre cœur est grand. […] On vous a toujours vu combattant en première ligne pour la justice et la vérité. Pour faire ce que vous faites, il faut du courage. J’admire votre combat, tout comme le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. […] Vous avez toujours été la voix de l’Ukraine en France, en Europe, et dans le monde entier. »
Ces mots ce sont ceux adressés le 16 janvier dernier par l’Ambassadeur ukrainien en France, Vadym Omelchenko, lors de la cérémonie de remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre national du Mérite d’Ukraine à l’écrivain-cinéaste Bernard-Henri Lévy.
Si par le passé BHL a refusé de nombreuses décorations, il a, pour une fois, accepté les honneurs. C’est qu’il y a, au cœur de ce pays aujourd’hui attaqué par la Russie, l’une des grandes affaires de sa vie. La Révolution Orange était, pour lui, un sujet. Le Maïdan ? Il y était. Seul français sur place, il a pris la parole à Kiev devant des milliers de personnes pour leur dire qu’ils étaient, du haut de leur insondable bravoure, le cœur battant de l’Europe. L’hommage aux victimes du massacre de Babi Yar ? Il y prononça un discours au nom du Président de la République française. Et puis il y a eu les reportages dans le Donbass en guerre. Une centaine d’articles et de prises de parole, au moins, en France et à travers le monde, pour dire son soutien à l’Ukraine dans les plus douloureux moments de son histoire récente. Philosophe d’action, requis par le chaos du monde comme il va, solidaire des ébranlés, Lévy a réalisé trois documentaires – Pourquoi l’Ukraine, Slava Ukraini, L’Ukraine au cœur– pour témoigner du courage des celles et ceux qui se battent contre la barbarie des soudards de Poutine. Un témoignage qu’il a fait entendre récemment jusqu’aux Nations Unies et devant le Congrès américain.
Et c’est au nom de ce peuple ukrainien que le Churchill de l’Est, Volodymyr Zelensky, a décrété la remise à Bernard-Henri Lévy de l’une des plus hautes décorations de son pays. Créé en 2000, elle reconnaît et récompense le mérite exceptionnel de citoyens ukrainiens, mais aussi étrangers, qui ont contribué à la grandeur et au rayonnement de l’Ukraine. L’auteur de Sur la route des hommes sans nom en est donc le dernier récipiendaire, « pour sa contribution personnelle et significative, et le renforcement de la coopération interétatique, son soutien à la souveraineté de l’État, sa défense de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, la promotion de l’État ukrainien dans le monde », notait Zelensky dans son décret no556 du 4 septembre 2023.
C’est donc un pays menacé, outragé, attaqué dans sa chair qui a reconnu le philosophe comme l’un des siens. Et il y a quelques précédents. Si BHL n’a pas le goût des honneurs, il avait néanmoins été fait Citoyen d’honneur de la ville de Sarajevo par le président Alija Izetbegovic, ainsi que Citoyen kurde ; il avait également reçu un blason des mains du président géorgien Mikheïl Saakachvili et été décoré en Israël. Ainsi l’histoire se répète : au grand homme la patrie fragilisée reconnaissante pour le soutien infaillible. C’est donc au courage et à la constance du combat de Lévy que l’Ukraine a voulu rendre hommage ces jours-ci.
Je disais, la constance. C’est que, s’armant d’un stylo et d’une caméra, il n’a pas cessé, depuis deux ans, de parcourir en tous sens les terres éventrées, minées, bombardées de l’Ukraine, archivant la douleur, témoignant du courage, chantant les héros qui font la guerre sans l’aimer en aède d’une Europe qui brûle à Kiev, Bakhmout, Lyman, Odessa, Boutcha, Zaporijjia, Kherson, Kharkiv, Mykolaïv, Koupiansk, Marioupol, Irpin… Ces régions de l’Est qui, comme en Bosnie, n’étaient pas son genre et qui, par la force des événements, le sont devenu, jusqu’à en devenir des patries de cœur.
L’Ordre national du Mérite d’Ukraine est apparu alors comme le prolongement d’autres signes d’amitié qu’avait reçu Bernard-Henri Lévy en Ukraine… Ici l’insigne d’un bataillon, là une médaille à la demande du régiment A7363 situé dans la région de Zaporijjia, faisant de lui le no0123 dans cette prestigieuse cohorte de camarades et de frères de l’Ukraine debout, tel drapeau ou gonfalon signé par des soldats croisés au fil de ses rencontres sur le front. Tous ces détails qui n’en sont pas, et qui sont tant un fardeau qu’un honneur, rendent les hommes responsables. C’est cette responsabilité que BHL a évoqué lors de son discours de remerciements : « Recevoir cette médaille est, pour moi, une très grande responsabilité. Responsabilité, d’abord, de la partager avec celles et ceux qui m’ont accompagné dans cette longue aventure, à commencer par mes camarades ukrainiens avec lesquels j’ai réalisé trois films. Mais surtout, elle me donne la responsabilité, dont je voudrais que vous sachiez que je la ressens très profondément et très intensément, de continuer. Et plus que jamais d’être à vos côtés dans ce combat que vous menez pour votre liberté bafouée, mais qui dans des larmes de sang et de joie est en train de triompher. »
Ainsi Bernard-Henri Lévy a-t-il réaffirmé, non sans émotion, sa fraternité avec le peuple ukrainien et son Président, sous le regard de sa famille et de quelques amis, venus rendre hommage à l’admirable vaillance du peuple ukrainien.