J’ai connu Alexandre Adler, en 1969, rue d’Ulm. Il était érudit et génial. Étudiant communiste et libéral. Ami du jeune Israël et fasciné par l’Union Soviétique et la Chine. Il était à l’heure dans l’amitié et en retard à tous ses rendez-vous. Fou de Blandine et ami de la vérité. Intraitable avec les cons et indulgent avec les ignorants. Il était tendre et loyal. Subtil avec ses adversaires et généreux avec ses copains. 
Il ne restera personne, après lui, pour réfléchir avec autant d’éloquence à la deuxième guerre punique et à la composition du Politburo en 1951, à la dynastie des Saoud et à celle des Césars, aux femmes de la vie de Balzac et à celles de Romain Gary, à Mao et à Madame Bandaranaike, à la France Libre et aux Carbonari, aux victoires de Poulidor et à la folie de Wagner, à la Russie et à l’Ukraine, aux vies comparées de Polybe et de Plutarque, de Platon et de Rabbi Aqiba, d’Althusser et de Diogene, à Togliatti l’homme et à Togliatti la ville, aux avatars de l’empire ottoman et à la descendance de Bruno Bauer, aux langues qu’il parlait et à celles qu’il ne connaissait pas, aux choses de la politique et à celles de la vie. 
Il aurait pu être notre Sartre. Il a fallu être notre Raymond Aron. Il aura finalement été une sorte de Nizan qui aurait survécu à tous les Dunkerque de la pensée. 
Repose en paix, petit camarade.

Un commentaire

  1. Je me souviens des brillantes interventions d’Alexandre Adler, de son époustouflante érudition et de son talent de conteur. Il s’était fait rare, peut-être pour des raisons de santé. Sa disparition est de celles qui aggravent mon sentiment que le monde qui m’était familier se dépeuple.