Bonne nouvelle pour tous les Ukrainiens : le 21 mars 2023, la France a reconnu que le Holodomor, le meurtre par la faim de 1932-1933 est un génocide perpétré contre le peuple ukrainien.

Je me rappelle la commémoration à Paris, en 1983, du cinquantenaire de cette tragédie. La communauté ukrainienne y avait invité l’historien Alain Besançon et le journaliste Guillaume Malaurie, deux des rares intellectuels français qui étaient favorables à la cause ukrainienne. À cette époque, l’Ukraine faisait partie de l’URSS, et sous cette chape de plomb soviétique, évoquer ce sujet était considéré comme un sacrilège qui pouvait vous mener au goulag. C’était un sujet véritablement tabou dans la presse soviétique en Ukraine, on ne l’évoquait que pour attaquer « les nationalistes bourgeois de l’émigration qui, en commémorant cette tragédie, ne faisaient que calomnier le pouvoir soviétique » ! Officiellement, on parlait seulement des « graves carences de l’agriculture soviétique », comme le faisait dans les années trente le journaliste américain Walter Duranty, lauréat du prix Pulitzer, défendant en 1933 l’État soviétique face à Gareth Jones, « ce petit journaliste gallois » qui, lors de son voyage en URSS, avait dénoncé la famine organisée par l’État soviétique en Ukraine.

Oui, cette famine fut un véritable génocide. Bien que même en Ukraine, on ait tendance à réduire cette tragédie au monde rural, à ce moment-là de l’histoire toutes les forces vives du peuple ukrainien furent touchées, avec la décapitation de l’église orthodoxe ukrainienne en 1928, la décapitation des intellectuels ukrainiens par la parodie de procès de l’Union pour la libération de l’Ukraine (SVU) en 1929, et enfin celle du monde paysan en 1932-1933 par cette famine organisée. De plus, une russification intensive ainsi que des déportations massives de populations de l’Est de l’Ukraine vers la Russie montrent que le pouvoir soviétique sous la conduite de Staline avait pour but d’anéantir tout sentiment national ukrainien.

Aujourd’hui un certain nombre de pays dans le monde ont reconnu le génocide ukrainien, mais pas encore la majorité d’entre eux…

La Russie, qui n’a pas encore eu son procès de Nuremberg pour les atrocités commises par le pouvoir soviétique dont elle se réclame, poursuit actuellement cette politique génocidaire vis-à-vis du peuple ukrainien, en massacrant la population civile, en déportant de force des enfants arrachés à leurs parents et en menant une russification intense dans les territoires ukrainiens qu’elle a conquis…

Défendre le droit à l’indépendance de l’Ukraine, c’est rendre hommage aux victimes ukrainiennes qui se sont battues et continuent de se battre contre la domination impériale incarnée aujourd’hui par Poutine, afin que l’Ukraine puisse enfin vivre normalement et en paix, comme les autres États européens.

Un commentaire

  1. Nous ne partageons pas tous la même définition du crime de génocide. Je reste fermement attaché à l’idée que le génocide qualifie un crime d’extermination visant une entité ethnique appréhendée par le génocidaire comme un ensemble homogène, théorie à laquelle aucun anthropologue n’accorderait le moindre crédit, ce qui n’a pas pour effet de diminuer l’intensité du mal ou d’alléger la peine requise pour un crime nécessairement prémédité par ses planificateurs, lesquels se gratifient d’une double déshumanisation alors même qu’ils s’arrogent le pouvoir de déchoir du génome qu’ils préemptent une partie plus ou moins vaste de leurs congénères, et ce, dans la perspective d’anéantir un groupe de prétendus sous-hommes considérés comme nuisibles à l’humanité tout entière en tant qu’ils exerceraient sur cette dernière une authentique menace existentielle.
    Si j’avais vu en Holodomor un génocide, je n’aurais pas attendu le 24 février 2022 pour requalifier et ses bourreaux et ses martyrs comme il se doit. Inversement aux négationnistes qui se plaisent à projeter sur moi le négatif de leur propre tare, mon degré de discernement ne s’est pas soudainement démultiplié sous l’effet de l’opération Z. Jusqu’à preuve du contraire, la réfutation agressive de la souveraineté ukrainienne par les Russes ne m’aura rendu rétrospectivement ni sourd, ni aveugle, ni débile face aux atrocités du siècle des totalitarismes. En l’occurrence, Holodomor n’a jamais eu pour objectif d’exterminer un peuple ukrainien que Staline voulait purement et simplement mettre à genoux, puis au pas de l’oie. Notre cher Yaltator se comporterait alors en dresseur de chiens soviétiques, contraignant une Louve slave et sa meute à opérer une véritable mutation civilisationnelle en apprenant à ne plus mordre la main qui les nourrissait, sous peine de se voir infliger le supplice de Tantale. Staline fut sans conteste un tyran sanguinaire, une brute concentrationnaire ; il n’avait pas besoin d’Adolf Hitler pour savoir ce qu’il voulait, ce qu’il faisait, ce qu’il était : un être messianique ayant vocation à sauver l’humanité. De là où il prenait ses décisions, le père des peuples ne se serait pas gêné pour programmer une Solution finale à la question ukrainienne si telle avait été sa vision de l’Homme en phase de rénovation accélérée.
    Si, maintenant, nous décidons de rabaisser le génocide au rang plus général de crime de masse en suivant à la lettre les normes barbares de toute civilisation qui, de l’Antiquité à nos jours, n’hésiterait pas à écraser un ennemi déterminé, qu’il fût noble ou ignoble, va pour le génocide ! mais alors, avant d’ajouter le génocide des Ukrainiens dans le Livre noir des crimes contre l’humanité, nous éviterons de nous déshonorer plus avant et nous empresserons d’en augmenter la liste à proportion des actes de barbarie de tous ordres commis depuis la nuit des temps par ce spécialiste de l’autonettoyage qu’est le Nouvel Homo, en l’espèce par nous-même, dans le but tortueusement légitime d’éradiquer son ennemi juré, s’il le faut sans faire le détail.
    Comprenez bien qu’il ne sera jamais question pour nous de nous laisser inculper pour négationnisme par des négationnistes. Aussi attendrons-nous que les gardiens de l’ordre immuable des astres déifiés des razzieurs de l’Afrique antique, des cannibales papous, des coupeurs de têtes celtes, des incendiaires vikings, des piétineurs brahmanes ou des dépeceurs scythes sans oublier ceux, plus récents, des infecteurs états-uniens, des déforestateurs brésiliens, ou encore des scalpeurs et réducteurs de têtes amérindiens, des enfumeurs français ou autres émasculateurs berbères, aient achevé de nous pondre une Ouverture mythologique digne de leurs velléités moralinistes avant de nous résoudre à instaurer le règne de mille ans que leur sombre obsession laisse augurer.
    Nous sommes tous des génocidaires allemands, comme dirait l’Autre.