En septembre 2022, lors de l’Université d’été de Reconquête, et pour tenter de continuer d’exister dans le champ politique, Éric Zemmour reprend la main, après l’immense déconvenue de son parti aux élections législatives. Fidèle à ses logorrhées habituelles, il lance alors des phrases incendiaires, des mots glacés et des énumérations folles, dont il a seul le secret. Mais, il parle surtout d’un étrange et fantaisiste terme, au seul service de sa propagande politique. Il le formule en ces termes : « Le tabassage, le viol, le meurtre, l’attaque au couteau d’un Français ou d’une Française par un immigré ne sont pas un fait divers. Pas plus un fait divers que le meurtre d’une femme par son mari. C’est un fait politique, que j’appellerai désormais francocide. »

C’est ainsi qu’Éric Zemmour tente de mettre sur le même plan les féminicides que l’on entend comme le meurtre d’une ou plusieurs femmes ou filles pour la raison qu’elles sont des femmes et le « francocide », le meurtre (par des immigrés) d’une Française et/ou d’un Français, pour la raison qu’ils sont Français. Ce mot laisserait-il même penser que les Français pourraient subir un… génocide ?

Or ce mot est réapparu dernièrement, le 16 octobre 2022. Lorsque devant des centaines de partisans au square Samuel Paty, face à la Sorbonne, à Paris, au moment des commémorations de l’assassinat par un islamiste de ce professeur d’histoire géographie, le 16 octobre 2020, Éric Zemmour lance : « Ce crime était non pas un fait divers, un accident ou l’acte d’un fou » mais « un francocide, la mort d’un Français parce qu’il est Français ». Un terme qu’il réutilise après le meurtre horrible de la jeune Lola.

Invité sur BFMTV, le jeudi 20 octobre 2022[1], l’ancien candidat à la présidentielle se justifie. « J’ai pris exemple, tout simplement, sur les féminicides », pour désigner « un crime commis sur un Français par un étranger ». Il précise que dans sa « jeunesse », « quand il y avait une querelle entre un homme et une femme et que par malheur l’homme tuait la femme, on disait que c’était un crime passionnel ». Or, aujourd’hui, « on dit féminicide, parce que les féministes nous ont expliqué que ce crime n’est pas individuel, qu’il est dans un ensemble politique, un ensemble de crimes qui prouve qu’il y a quelque chose de pourri au royaume entre les hommes et les femmes[2] ».

Éric Zemmour fait donc un parallèle entre un continuum de violences qui s’exerce contre les femmes depuis des millénaires[3] et un « francocide » imaginaire ; entre un concept (le féminicide) qui a été adopté par les instances internationales[4] et le terme de francocide, qui ne recouvre strictement aucune réalité politique et juridique.

Sur BFMTV, il ajoute les éléments suivants : « Moi je vous dis, sur ce modèle-là, par analogie avec ça, qu’un francocide, c’est un crime contre un Français par un étranger. Parce que je considère qu’aujourd’hui nous vivons un moment historique, qui est que le peuple français, sur son sol, est occupé par un peuple étranger, une civilisation étrangère qu’est en train de le remplacer », poursuit-il. Et d’ajouter : « Le peuple français est en danger de mort, et cet enfant est justement le symbole[5] ».

De mon point de vue, il faut rapporter ce propos avec un continuum de déclarations assénées froidement par le polémiste en vue de criminaliser les immigrés et les musulmans.

Prenons l’exemple de l’énumération qui a été faite par lui, lorsqu’il avait été l’un des invités du meeting de la « convention de la droite », qui réunissait en septembre 2019, les amis de Marion Maréchal Le Pen.

Qu’avait-il dit à ce sujet ? « Il y a une continuité entre les vols, trafics, jusqu’aux attentats de 2015 en passant par les innombrables attaques au couteau dans les rues de France (…) C’est le djihad partout et le djihad pour tous et par tous. »

Autre exemple, dans La France n’a pas dit son dernier mot[6], Éric Zemmour enfonce le clou et déclare : « Et un beau jour, le temps aura passé, ils (les immigrés) seront régularisés. Et un jour encore plus beau, ils seront naturalisés. Alors, ils feront venir leurs enfants ou leurs parents, leurs frères et leurs sœurs et leur jeune épouse qu’ils auront ramenée du “bled”. Un jour prochain, qu’Allah bénisse ce jour, ils seront l’armée des croyants qui islamisera l’Europe. Pour la plus grande félicité de ces mécréants ».

Dernier exemple, lorsqu’il lance au cours d’un débat qui l’oppose à Jean-Luc Mélenchon, sur BFMTV, le 23 septembre 2021 : « Pour moi la délinquance que nous vivons, n’est pas une délinquance, c’est un djihad. C’est une guerre de civilisations qui nous est menée, une guerre de civilisations, une guerre de pillages, une guerre de viols et une guerre de meurtres ».

En l’état, l’utilisation du mot « djihad » ne tient pas du hasard. Ici, Zemmour assimile bien la délinquance au djihad. Le polémiste d’extrême droite fait du sentiment d’angoisse qui est généré par les attentats terroristes perpétrés sur notre sol, l’axiome puissant, le cri de ralliement, comme une arme de guerre. Il n’aura alors qu’à déballer l’évidence, taper du poing sur la table et marteler les mêmes messages.

Conclusion provisoire

Pour en revenir au terme de « francocide », l’intention de Zemmour n’est pas seulement de rebondir, mais de « construire du vocabulaire pour parler et réveiller les gens »[7]. Alors, cela pourrait-il fonctionner, tout au moins auprès de ses seuls sympathisants, électeurs et militants ? Oui, car ils l’utilisent déjà abondamment dans les réseaux sociaux. Mais, cela n’étonne personne. Par ailleurs, qu’on le veuille ou pas, ce terme se lit et s’entend d’autant plus qu’il est amplement commenté et décrypté par les journalistes ou des politologues. On peut cependant imaginer que ce terme ne dépassera pas les cercles d’initiés. Même au RN, on n’en veut pas, tout au moins, pour l’instant.

Quoi qu’il en soit, ainsi est portée la langue d’Éric Zemmour. Aux maux qui gangrènent notre pays, au désespoir de certains, Zemmour vient expliquer que notre monde est en guerre et que cette guerre (menée selon lui, par les immigrés, les musulmans et l’Islam) est une guerre de civilisation. Et, c’est là et bien là, tout le projet politique d’Éric Zemmour. Tout le reste n’est ensuite qu’une question de mots et de termes, mis au service d’une idéologie perverse et d’une propagande folle.


[1] https://www.bfmtv.com/replay-emissions/l-interview/face-a-face-eric-zemmour-20-10_VN-202210200263.html

[2] Le Figaro, 20 octobre 2020.

[3] Voir à ce sujet Christelle Taraud, Féminicides, une histoire mondiale, Paris, Éditions La Découverte, 2022.

[4] Pour l’ONU, comme pour l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et d’autres organisations internationales, le féminicide est un concept qui permet de sensibiliser l’opinion publique internationale et de faire advenir une prise de conscience collective.

[5]  https://www.bfmtv.com/replay-emissions/l-interview/face-a-face-eric-zemmour-20-10_VN-202210200263.html

[6] Éric Zemmour, La France n’a pas dit son dernier mot, Ed. Rubempré, 2021, pp. 212-213.

[7] Martin Fort, « Comment Éric Zemmour veut introduire le mot “francocide” dans le débat public », JDD, 12 septembre 2022. 

2 Commentaires

  1. La chute de la Maison France, n’en finit pas . Une fois abattue la statue du Patriarche , De Gaulle, les nains sortent de leurs trous . Giscard presque allemand de naissance ( Coblence 1927) a tout fait pour nous ranger derriére l’Allemagne , laquelle est depuis 1964 ( Chancelier Erhard qui modifie le traité d’amitié franco-allemand ) une province des USA . Dès la chute de Giscard , Mitterrand appelle Le Pen a l’Elysée et lui propose un tremplin médiatique et politique : devenir le veritable opposant de la droite – harceler tant Giscard que Chirac – épuiser de l’intérieur le patriotisme qui une fois l’ abaissement de Maastricht consommé , ne laisse plus que des sous-fifres du gaullisme ( Pasqua -Seguin ) en lice . 40 ans après le deal Mitterand-Le Pen , les français ont fait table rase de leur passé : Le LR , misérable ersatz de droite conservatrice est tout bonnement Macron-Compatible ( 4,7% fallait le faire Valerie P.).
    Alors que les nains Giscard-Chirac-Mitterand ont achevé leur boulot de fossoyeurs, voilà que les rats pullulent ; MLP en travestie de la retape , joue a la gaulliste d’ opérette , mais se garde bien de renverser Macron alors qu’elle en avait les moyens il ya 10 jours contre le 49.3 du gouvernement sur les retraites. Elle se contentera de renflouer les caisses de son parti . C’est nettement plus important que de devenir un calibre politique. Et dernier rat sorti de son égout , dans la course au plus virulent , Zemmour prend le flambeau de Maurras …Le terrain lui est familier, crachat sur l’Histoire de France, crachat sur de Gaulle ( en réhabilitant Pétain ) crachat sur la résistance , crachat sur Dreyfus … dans cette ornière il s’enfonce 7% aux presidentielles et zéro député ensuite. Un polémiste de plus pour un programme d’une misère intellectuelle profonde  » La blouse obligatoire a l’ecole  » merveilleux non ? Mais trois heures de codage informatique, n’est ce pas plus important ? Bref … Ce peuple désormais amnésique , dénaturé , ridiculisé et brutalisé par Macron ( achètes toi un costard et traverses la rue —il n’ y a pas de culture française mais des cultures en France– j’ai bien envie d’emmerder les non-vaccinés –je ne suis pas l’amant de Benalla …) n’a que ce qu’il mérite . Une travestie en opposante en carton-pate, un rat d’égout maurrassien, une gauche caviar-cachemire-Maastricht et basta – Une New Peste brune-rouge-noire indigne de son passé anti-capitaliste , qui brode dans le Wokisme anglo-saxon .
    Ou va la France ?

  2. Protéger la République et la Démocratie c’est de la responsabilité de nous tous. Un principe qui paraît tellement évident en soi pour finir par être parfois banale. Et c’est bien là tout le danger car cette responsabilité, cette prise de conscience, interpelle.
    Elles appellent à ne jamais baisser les bras, à ne pas passer sous silence des affabulations calomnieuses à l’encontre d’une minorité, des externalisations politiques qui incitent à la haine des uns et des autres et qui finissent inévitablement à miner le vivre ensemble, les lois et la démocratie.
    Naïveté, dirait-il, le Zemmour ?
    Certes, de son point de vue extrémiste et si on considère que chaque acte criminel des gens FDS, ici une autre expression à l’apanage de l’extrême droite et sans aucune signification autre que la stigmatisation raciale, est-il une djihad, une action terroriste contre les français, contre la République et ses institutions.
    Le langage au service d’une idéologie est, de part de sa nature dominante, fasciste, nous dit Roland Barthes, car le fascisme ne s’empêche de dire, donc de réfléchir avant de dire, mais s’oblige à dire, à abuser de la parole pour imposer la pensée dominatrice aux autres.
    Savoir garder raison et distinguer les menaces et les actes terroristes qui ont ensanglanté la France de la criminalité au quotidien, c’est ne pas céder à l’amalgame qui profite au dire fasciste de l’extrême droite, mais au contraire de ne pas oublier le message qui nous a laissé Zeev Sternhell :
    « Pour les fascistes, les mythes valent mieux que la raison »
    Un dernier mot concerne la responsabilité de la gauche et de l’extrême gauche dans la montée réactionnaire, dans le discours délirant de Zemmour et celui plus nuancé, plus « gouvernementale » de Le Pen.
    Céder à la déconstruction du postmodernisme, à la récupération par le wokisme de la culture tribale, c’est une idéologie tout à fait comparable, même si actée par un autre langage, de la volonté de domination, celle des minorités sur l’ensemble de la population et par ce fait l’imposer aux lois et au droit de la République.