Comment vas-tu, Petite Sœur[1] ?

D’abord permets-moi, amie sincère de la Russie et de moi-même, de te baptiser à la russe, tant tu t’es montrée depuis la Crimée véritablement des nôtres, du beau nom de Marinaïevitch Lalepenskaïa. La cérémonie à la basilique orthodoxe du Saint-Sauveur qui ferme la place Rouge avec ses bulbes multicolores, ce sera pour plus tard, je te le promets. Dès que tout sera terminé Là-Bas. Tu comprends ce que je veux dire.

Mon Ambassadeur à Paris qui t’aime beaucoup, me dit que tu as été à la peine ces derniers temps à cause de moi, mais que tu n’en as pas moins fait un carton admirable à la Présidentielle contre ce faux frère de Macron, qui ne me téléphone même plus, le gentil Emmanuel en bout de ma table, depuis que les médisants, partout dans le monde, montent en épingle les broutilles de mes braves Bouriates quand ils quittèrent les environs de Kiev la Maudite. Que veux-tu que j’y fasse, ils n’avaient pas tous lu la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, mes Asiates. Moi non plus d’ailleurs. Balaie ces fake news d’un revers de la main. Et j’espère de tout cœur que tes lendemains n’en chanteront que plus fort et plus haut, Amie sincère de la Russie.

Moi aussi, figure-toi, que je suis à la peine. Ils résistent, ces chiens d’Ukrainiens !

Ma patience est à bout. Soixante jours ! 15.000 morts au bas mot parmi mes Braves, dont il faut cacher les cadavres aux familles dans des Frigorifiques de campagne. Bon, les morts, va encore. Une nuit de Moscou remplacera tout ça. Mais elle me coûte un fric fou, mon Opération militaire spéciale, même si je me soucie du cours du rouble comme d’une guigne, puisque les Occidentaux continuent à m’acheter chaque jour que Dieu fait mon gaz et mon pétrole et financent eux-mêmes ma guerre. Quant à mes oligarques, ils se serreront la ceinture, une petite cure d’amaigrissement ne leur fera pas de mal. De toute façon, à mes pieds, les oligarques ! Sinon ? Pas sages, les oligarques ? Attention, un suicide est si vite arrivé. Ne parlons pas du peuple : entièrement à ma botte ; boit ma Propaganda comme du petit lait. Mais quand même, cela dure trop. Mes moujiks, la chair de la chair de mes canons, à force de déguster, commenceraient à fatiguer, à vouloir regagner leurs isbas. On les comprend, avec tout le butin raflé en Ukraine chez l’habitant. N’empêche, ça s’agite, ça murmure, paraît-il, dans les rangs. Manquerait plus qu’après le Moskva, mon navire-amiral coulé à pic au fond de la Mer Noire, les survivants nous rejouent la révolte du Cuirassé Potemkine, ce biopic bolchévique de je ne sais plus qui, avec la scène du grand escalier d’Odessa et la viande grouillant de vers pour l’équipage. Ah oui, j’oubliais. Par chance, il n’y en a pas eu, de survivants.

Naturellement, garde tout cela pour toi, Petite Sœur Marinaïevitch.

Il faut en finir. Une bonne fois pour toutes. Je sais que tu seras d’accord comme toujours avec ton ami Vladimir, même s’il faut dire le contraire au bon peuple, pour la galerie.

Nettoyer tout ça. D’un coup, un seul. Sans marche arrière Donbass-Kiev aller et retour. Le bordel logistique que ça a été, je ne te dis pas. Cette fois, direct dans le dur, direct à la tête, aux membres, aux parties ! Sans vouloir faire joli, se soucier des formes, sans faire propre (pas mon genre de beauté, tu le sais bien). Sans plus retenir mes coups. Sans regarder aux conséquences (vos sanctions, vous pouvez vous les foutre au cul !)

Fini de rire, finie la récré, finis les zakouskis, Ukrainiens de mes deux. Finis les Bouchat, les Marioupol, ces trucs à la petite semaine, ces bricoles. Un tour de chauffe, tout ça. Non, fin de partie, les petits gars, the game is over, les amis. Avis à la population.

Tu as déjà tout compris, Petite Sœur, et je sais que tu m’approuves en ton bon fond. Ils vont vraiment déguster, les indigènes, à Kiev et consorts. Terminus, les minus. Tout le monde descend. Les pieds en avant. Attention Messieurs Dames : le rock and roll va commencer.

– Ah oui, mais comment ferais-je, me demanderas-tu ?

Pas sorcier. Pas trente-six façons. Une seule. La Reine des batailles. Et en plus, sans batailles. Atomic Dance, Petite Sœur. Danse avec les Fous, Le Bal des Neutrons, radiations à gogo, vitrifications à tous les étages. Ouvert à tous, sans limite d’âge. Pour petits et grands. Il y en aura pour tous les goûts. Non-stop, de la pleine nuit jusqu’à l’aube. Et c’est papa Poutine qui régale. Entrée gratuite.

– Quoi ? Ne va pas, Petite Sœur, t’écrier comme tous les autres, que c’est un génocide que j’évoquerais-ici ! Pas toi. J’ai confiance en ton juste jugement. Tu comprends les nécessités, toi.

Pas un génocide, un remplacement. Un grand. Un total. Tu m’as toi-même refilé le concept. Tu ne crois quand même pas, comme tous ces imbéciles, que je vais garder les Ukrainiens bien au chaud, sur des terres qui m’appartiennent historiquement depuis, depuis quand déjà… ?  Longtemps, très longtemps, en tous cas. Ils ne veulent pas de moi, ces enfants perdus de la Grande Russie, ces égarés ? Cela tombe bien, je ne veux pas d’eux non plus. C’est beaucoup plus, beaucoup mieux qu’un génocide. Du cousu main. Je délivre à domicile. Athomicide. Au premier coup de neutrons, une gentille bombe de théâtre sur une ville moyenne, genre Nikolaiev, presqu’une bombinette, rien, en tous cas, de stratégique, cela devrait suffire pour qu’ils se couchent tous, Là-Bas. Sinon, si je devais insister, je passerais carrément au Kievicide. Dodo éternel, le Volodymyr, le Zelensky 2.0.

La terreur faisant, les redditions se multipliant, je parfais mon Ukhrainicide sans coup férir. Je fais place nette, je débarrasse en grand, je brûle, je nettoie, en un mot, je fais tout propre. Fossoyeur en Ukraine, avec les fosses communes dans le moindre village : un vrai métier d’avenir, Jeunesse d’Ukraine Et en plus, je ne perds pas un soldat. Affaire faite, je laisse reposer un temps, et je repeuple le tout avec des Russes ukrainiens made in Donbass, vodka et blinis made in Donetsk à volonté.

Tu en penses quoi, entre nous, Petite Sœur, de mon Opération militaire encore plus Spéciale que celle en cours ?

Pas contents, les Occidentaux, les Macron, les Scholz, les Johnson, la Van je sais pas quoi ? Minute papillon. Ca se passerait dans mon arrière-cour, back door. Pas chez eux. Ils n’iraient tout de même pas jusqu’à répliquer, mourir pour Kharkiv, pousser le zèle jusque-là. Grandes gueules, mais prudents !

Je respecte les règles du jeu, moi. A eux aussi de se montrer beaux joueurs.

Allez, pas de panique à bord. C’était juste pour rigoler. Enfin, presque.

Je sais que si je faisais un malheur – ça me brûle les doigts, je ne te le cache pas –, tu serais avec moi, contre vents et marées. Prépare-toi psychologiquement, Petite Sœur, à ma solution finale à moi. Ils crieront au fou, au malade mental, au Diable des enfers. Bon, tu condamneras du bout des lèvres, je connais la musique, ça s’appelle le service après-vente. Comme toujours quand il s’agit de ton ami Vladimir et que les chiens aboient, tu feras le minimum syndical, on est bien d’accord là-dessus, pas de problème. Tu crieras deux minutes avec les loups, et basta. Un mauvais moment à passer. Mais tu as, je le sais, le cran O combien, et surtout l’habitude d’affronter la meute, Petite Sœur.

Comme c’est tout de même un vrai service que je demanderais-là, que l’amitié a un prix et que tout service mérite salaire, j’ai décidé d’effacer ta petite ardoise. Tu te souviens ? Les quelques dollars – tu aimes les devises fortes, moi aussi, et déposés à Chypre mieux qu’aux Caïmans – que tu m’as empruntés pour tes besoins courants, et que tu n’arrives toujours pas à me rendre. Eh bien, oui. J’efface, Petite Sœur. Cadeau ! En ces temps difficiles pour la Russie sur tous les plans, tu mesures, j’imagine, mon sacrifice.

Alors, Petite Sœur Marinaïevitch Lalepenskaïa, je compte sur toi comme tu comptes sur moi.

Ton bon Vladimir


[1] Expression d’amitié courante en Russie.

Un commentaire

  1. il ne nous reste plus maintenant qu’à avoir droit à un pastiche du coup-de-fil que le nommé Macron passe tous les jours ou presque à son homologue Poutine pour lui renouveler son permis de chasse en Ukraine, et « chauffer sa place » à la table des négociations lorsque le massacre sera terminé…

    – (copies)