Ce n’est pas sans crainte et tremblement que je m’aventure sur ce terrain sans précédent : la menace atomique de Poutine sur l’Ukraine, proférée mezzo voce par lui à plusieurs reprises, et explicitement par plusieurs membres de son entourage direct.

Comment prévenir cette terrible menace, et sauver la paix ?

On sait que l’Ukraine, à la chute de l’URSS, a renoncé par les accords de Budapest entre les grandes puissances à prendre sa part de l’arsenal atomique soviétique et s’est entièrement dénucléarisée sur le plan militaire. Ceci en échange de la garantie, par ces mêmes puissances signataires, dont la Russie, d’une garantie collective de sa sécurité. 

On sait que Poutine n’en a tenu aucun compte et a envahi l’Ukraine au printemps dernier. 

On peut craindre, devant les échecs à répétition de son armée défaillante, qu’en dernier recours, pour ne pas perdre la face et avec elle le pouvoir, il finisse par employer les grands moyens et entende faire plier l’Ukraine par ce moyen ultime : lancer une bombe atomique tactique et vitrifier une première ville ukrainienne.

L’homme, jusqu’ici a dit d’avance ce qu’il allait faire et fait ce qu’il a dit, à commencer par l’invasion de l’Ukraine, même si la menace paraissait tellement énorme qu’on eut hélas le plus grand mal à le croire.

Jusqu’à ce fatal 24 février dernier, qui ouvrit les yeux à tous. 

La menace atomique, elle-même, est tout aussi réelle, et doit être prise en considération avec le plus grand sérieux.

On connait les lois géostratégiques qui régissent, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’existence de l’arme nucléaire et qui ont assuré depuis près de quatre-vingts ans la paix armée entre les deux grandes puissances rivales, les Etats-Unis et l’URSS devenue la Russie il y a 30 ans. Les deux géants étaient et sont dotés d’un stock d’armes nucléaires et de fusées intercontinentales quasi-illimité. 

Cela s’appelait l’équilibre de la terreur, ou encore la dissuasion mutuelle assurée. Le premier qui attaque est aussitôt attaqué en retour, et tous deux, entièrement foudroyés, meurent à égalité.

 En un mot, la bombe atomique empêche le recours à la guerre, elle sert à ne jamais servir, à ne jamais être employée.

Il n’en va pas de même dans la guerre en cours en Ukraine – l’Ukraine, y ayant renoncé, n’a pas d’arme atomique et ne peut donc dissuader la Russie de la frapper de la sorte. 

Ne pouvant ni représenter une menace égale avant, ni répliquer après, le pays présidé par Volodymyr Zelensky est à la merci d’un possible passage à l’acte de Poutine. Car il s’agirait d’un bombardement tactique sur la seule Ukraine. L’Occident, n’étant pas visé et n’étant, par ailleurs, pas tenu à se montrer, à ce point ultime, solidaire de l’Ukraine non-membre de l’OTAN, serait impuissant à la sanctuariser.

Comment faire alors pour protéger malgré tout l’Ukraine ? La réponse – sur le plan théorique en tout cas – est aussi simple qu’abyssale : rétablir minimalement l’équilibre de la terreur entre la Russie et l’Ukraine, en fournissant à cette dernière un mini-arsenal suffisant pour dissuader un tyran fou de passer à l’acte. 

Étant entendu que les codes nucléaires qui accompagneraient cette éventuelle livraison ne permettraient qu’un emploi en second, en réponse à une frappe adverse, et en aucun cas une frappe préventive, donc en premier.

Garantie ultime ? Chance pour la paix ? Le moyen, à la fois, d’empêcher la tentation de l’apocalypse et de laisser les puissances occidentales à l’écart ?

Je lance ce brûlot à la mer, une fois encore avec crainte et tremblement. Mais j’invite les bons lecteurs de Clausewitz, de Raymond Aron et de Lucien Poirier, à méditer cette hypothèse et, s’ils le peuvent, à trancher. 

5 Commentaires

  1. Si, sur bien des points, on ne peut que se rallier aux propos de Gilles Hertzog, il en est d’autres qui appellent des nuances. Ainsi Gilles Hertzog termine-t-il en qualifiant de « brûlot », c’est-à-dire de bateau incendiaire, ce qui sonne comme un appel. Il propose en effet de fournir à l’Ukraine, dépourvue de tout armement nucléaire pour avoir renoncé à ce qui aurait pu être sa part de l’arsenal soviétique en échange de sa sécurité, de quoi répliquer à la menace de Poutine. Est-ce bien expédient ? Certes la menace de Poutine, émule de Staline, doit être prise très au sérieux, mais se laisserait-il circonvenir par la perspective d’une réplique de même envergure par l’Ukraine ? N’y a-t-il pas lieu, au contraire de voir en lui le jusqu’au-boutiste radical que tout son parcours annonce ? Si tel était le cas, je suggère qu’on se penche, pour approfondir la réflexion, sur ce que pourrait ajouter sur ces questions un Jean-Pierre Dupuy, par exemple. Et puisque ce que propose pour sa part Gilles Hertzog me semble nécessiter plus ample examen, je préconise qu’aux sanctions prises par les démocraties contre le régime de Poutine, qui n’est pas la Russie faut-il le préciser, soit ajoutée une déclaration selon laquelle Poutine s’exposerait, s’il franchissait la ligne rouge qui consisterait à mettre sa menace à exécution, non seulement à une réplique de même nature de la part de l’Ukraine, mais à une mise au ban des nations et à un ultimatum des démocraties qui comporterait la mise à prix de sa personne aux fins de le juger.

  2. Les injonctions de Zelensky à l’encontre d’un Occident coupable d’inconséquence et d’indolence face aux multiples menaces d’extinction que l’Est fait planer sur lui, ne fonctionnent pas autant qu’on l’envisageait, et pour cause. L’Ukraine n’est pas Israël. 1, son agresseur direct est une hyperpuissance dotée. 2, elle-même n’en est pas une.
    Précisément ! Raison de plus pour mettre la pression sur des Alliés dont l’effort de guerre apparaît très insuffisant sur le terrain.
    OK, mais alors, il va falloir changer de ton avec une population qui, se sentant prise en sandwich entre un tsunami de micro-informations hypnotiques et un tonnerre de contrepropagandes réciproques, aura recours à un sens critique suffisamment développé — merci aux garants de l’égalité des chances ! — pour ne pas se laisser infantiliser par des marchands de fleurs au fusil. À ce compte-là, lui présenter Poutine comme un potentiel troisième-reichificateur de l’Europe ne serait pas de nature à la précipiter dans les tranchées petites-russiennes. Certes, l’exposer au spectacle d’un prisonnier de guerre causasien ébranlerait davantage le siège du principe d’intersubjectivité consubstantiel à son hominité que n’était parvenu à le faire celui d’un soldat juif otage du Hamas, mais il est fort à craindre qu’un parallèle artificiel entre deux mondes aussi étrangers l’un à l’autre que le feu et la glace, n’apporte qu’un faible débit d’eau de jouvence à notre Jean Moulin.
    Le postnazisme et le postsoviétisme sont à l’image de leurs racines pour moitié arrachées, les soubresauts de deux gigantesques cadavres qui sustentent malgré eux une Chine charognarde, ultime survivante de la gigantomachie totalitaire. Convoquer Stalingrad en plein conflit russo-ukrainien n’a pour effet que d’alimenter les mensonges du Kremlin à l’endroit d’un ennemi de l’intérieur savamment hitlérisé. Or de fait, le nazisme n’est pas russe, quoiqu’en rêve la Wagner. Le cerveau des Russies est cryogénisé. Son univers ne va pas de l’avant, il se complaît dans le surplace contrairement au programme de réinitialisation progresso-régressif que nous avait concocté le subhomme eugéniste qui se projetait au sommet d’une échelle darwinienne dont il songeait bêtement à en scier les barreaux avant de les transformer en copeaux, et de les balancer vers le brasier du siècle après qu’il aurait finalistiquement expurgé le Nouvel Homme de l’autre radical, ce bien trop sombre et insondable Homo levinassus, préservateur devant l’Éternel de l’altérité d’autrui.
    Si Poutine est un Führer, c’en est un qui s’enlise aux Sudètes, un qui se heurte à une Pologne bénéficiant d’un parapluie paralysant, un dont la force de dissuasion ira s’annuler avec celle de ce bloc libéral à l’égard duquel l’oligarcophage a toujours éprouvé des sentiments ambivalents, un que notre système de défense avouable et inavouable aura privé a priori de son effet neutralisant.
    Nous avons l’habitude de nous déposséder d’une arme nucléaire tactique dont la fédération de Russie serait l’unique puissance de la planète à en disposer. L’arme nucléaire stratégique étant vouée à l’inemploi en raison de son caractère dissuasif, celle-ci constituerait de surcroît une non-arme, laquelle force de persuasion achèverait de nous désarmer face à une menace russe ancrée dans le réel. Foutaises. L’OTAN s’honore et s’applique à observer le même droit international sous l’égide duquel ses membres fondateurs aiment à penser que leur domination politico-économique leur permet de faire régner la paix sur terre entre un maximum de peuples dépendant de ce père/mère protecteur/nourricière que représentent pour eux des institutions telles que l’OMS, l’OMC, le FMI… L’arme nucléaire tactique n’est pas dans ses tuyaux officiels. Cela n’étant, KGB-Man est-il désinformé sur la réalité de l’arsenal officieux des États-Unis d’Amérique ? Se berce-t-il d’illusions au point d’imaginer que Mr Musk se montrerait économe en investissements militaires dans un contexte géostratégique où la menace d’un nouvel ordre mondial asphyxiant le monde libre, nécessiterait pour le contrer la mise en place d’un Los Alamos adapté aux modalités d’une guerre hybride sur laquelle les meilleurs savants de la planète sont déjà en train de plancher ?
    Les classes moyennes occidentales sont dans le viseur de Xi, Erdoğan et Poutine. En finançant l’indépendance de l’État ukrainien, elles maintiennent un équilibre géostratégique international existentiel à l’avenir du modèle social et sociétal inhérent aux États de droit, à commencer par la libre circulation des produits de première nécessité entre les pays développés et leurs voisins en développement. Le risque d’une occupation russe de l’Europe est quasi nul derrière le rideau de fer qui vient de nous retomber dessus. Celui du déclassement international devrait la réveiller en sueur dans son premier sommeil.

  3. Suite de mon commentaire du 15 Octobre
    6) Poutine sait qu’il a perdu la main , sa gesticulation nucléaire n’est qu’un moyen d’intimider les occidentaux a restreindre le soutien en fournitures d’armes .
    7 ) Si vous donner crédit a cette gesticulation et foncez ( tete baissée ) vers la mise en avant sur le sol ukrainien d’armes nucléaires occidentales , alors vous pousserez Poutine a changer de ton et a passer du bluff nucléaire a l’action nucléaire.
    Ne soyez pas aussi émotif que Medvedev – Kadyrov etc.. rester détaché , silencieux est la seule attitude sensée .

  4. Une première constatation d’entrée de jeu : l’abandon après la chute du communisme de l’arsenal nucléaire tactique et stratégique de l’Ukraine, hérité de l’URSS et représentant 20% de l’armement nucléaires soviétiques.
    Force est de constater aujourd’hui le désarroi du peuple ukrainien face à la menace russe.
    Il n’étonnera personne de savoir que cette décision fut prise par le pro-russe Leonid Kravtchouk, le dernier dirigeant de la République socialiste soviétique d’Ukraine et premier président du pays, disons (sic), indépendant. Du point de vue soviétique une action bienvenue, une vision à long terme.
    Revenons à la roulette russe, à une reductio ad absurdum.
    Si l’Ukraine avait maintenu la possession d’armes nucléaires sur son territoire après l’effondrement de l’Union soviétique, le conflit entre l’Ukraine et la Russie serait différent car les deux États, dotés d’armes nucléaires, testeraient aujourd’hui la volonté de l’un sur l’autre de faire l’impensable au milieu de cette guerre. Mais la question se serait certainement posée bien avant la décision russe de déclencher l’invasion. La dissuasion nucléaire aurait fonctionné, d’au moins Poutine aurait dû en tenir compte avant sa décision scélérate, sauf à se montrer totalement fou.
    En continuant dans cette logique, imaginons que l’Ukraine possède les 1500 armes nucléaires stratégiques, celles restantes après la dissolution de l’Union soviétique. Ceci aurait rendu les différences de longue date dans la région moins problématiques. La Russie aurait certainement été moins encline à mobiliser ses muscles dans une région où elle a toujours envisagé son come-back de puissance impérialiste, d’accomplir son dessin stratégique de l’Eurasie, de profiter économiquement du Donbass et de la Crimée, qui possède des vastes ressources pétrolières et gazières en mer Noire.
    Ce que nous n’aurions probablement pas, ce serait deux États dotés d’armes nucléaires devant décider où se trouve la ligne rouge, celle de non-retour, qui forcerait une décision sur l’utilisation d’armes nucléaires.
    Ce que nous n’aurions certainement pas c’est la terreur qui plane aujourd’hui de devoir prendre des décisions ayant des conséquences intolérables soit pour les Ukrainiens que pour des millions de Russes ainsi que pour le reste du monde.
    Quoi qu’en disent les pacifistes de tous bords le pari de la dissuasion nucléaire aurait baissé les tensions et reconduit les gens à la raison.
    A ce point on peut se poser une autre question qui est toute aussi pertinente et parallèle avec la dissuasion nucléaire : le développement des relations entre l’Ukraine et l’Europe et en particulier avec les pays de l’OTAN. Aurait-il été autant dissuasif que la possession d’armes nucléaires rendant moins compliqué les provocations de la Russie ?
    Oui, oui, oui, la réponse est dans les faits d’aujourd’hui.
    Cet argument est très important car il répond à l’autre problème qui soulève la dissuasion nucléaire : la non-prolifération.
    L’abandon de l’arsenal nucléaire de nombreux pays est remis en question par la menace russe balayée sur l’Ukraine. D’où la potentielle volonté de s’équiper de l’armement nucléaire pour être le maître de son destin.
    Comment éviter que des possibles conflits régionaux se soldent à l’arme atomique ?
    L’adhésion du plus grand nombre de pays à une grande organisation militaire, capable de développer une stratégie de dissuasion nucléaire en dernier ressort et sans appel. L’OTAN est la structure la plus adaptée dans ce rôle de défenseur de la sécurité et des intérêts des pays démocratiques face aux menaces impérialistes de ceux dotés de l’arme atomique, tels la Russie et la Chine, qui en envisagent l’utilisation pour régler les différends et imposer leur volonté de domination aux pays libres et démocratiques.

  5. Votre proposition est dictée par la trouille , mauvaise conseillère
    1) Poutine veut se sortir du bourbier ou il s’est jeté ; sa menace d’emploi d’arme nucléaire vise a obtenir une tréve militaire puis un cessez-le-feu durant la durée de négociations diplomatiques.
    2) Poutine sait que son emploi d’arme nucléaire n’empéchera pas l’Ukraine de continuer la contre-offensive
    3) Alors les USA pousseront l’Ukraine surarmée au-delà des lignes actuelles vers la Crimée pour couper en deux les forces russes .
    4) En utilisant sur le sol ukrainien des armes nucléaires OTAN vous élargissez le theatre du conflit a tous les pays de l’OTAN, c’est a dire aux territoires français, italien , allemand, britannique etc.. Cela me parait une idiotie , aussi profonde que d’intégrer maintenant l’Ukraine dans l’OTAN . Cela se fera plus tard après des négociations globales avec la Russie.
    5) L’Ukraine seule supporte les dommages directs ( morts – blessés-destructions ) de cette guerre . Elle n’ a pas le choix . Cherchez a devenir vous meme ukrainien a Paris, Berlin est un choix absurde.