Face au carnage de Boutcha, face à ces habitants aux mains liées, tués d’une balle dans la tête, leurs corps éparpillés dans la rue principale de la ville, on pense à Katyn.
A un Srebrenica par balles.
Au massacre de Raçak, au Kosovo.
Et on pense à Oradour-sur-Glane et à ses 643 victimes tuées, en juin 1944, par un détachement de la Division SS Das Reich en route vers la Normandie.
C’est toujours la même histoire.
On nous fait l’affront ne nous résister ?
Nous sommes impuissants à vaincre à la loyale, en respectant les lois de la guerre ?
On se venge sur les civils.
On punit les femmes et les enfants.
Et, comme disait Bernanos en Espagne, on tue comme on déboise.
Les hommes qui ont fait cela, ce n’est plus une armée, c’est une bande de criminels.
Ce ne sont plus des soldats, ce sont des assassins lâches, probablement vaincus, et de sang-froid.
Et ce n’est plus une guerre, c’est une boucherie.
Peskov nie tout en bloc.
On ne s’attendait pas à ce qu’il passe aux aveux. La négation des crimes que l’on impute à son client est une ligne de défense comme une autre, somme toute assez courante dans l’histoire des abominations.
Nous nous étonnons toutefois des termes qu’il choisit pour écarter toute menace que pourrait exercer contre lui et son maître la justice pénale internationale.
Rochebin l’oblige à visualiser son tsar chéri les menottes aux poignets entre deux agents d’Interpol ; il rétorque : « Je ne pense pas que l’on doive parler de ça. Ce n’est pas possible. Ni légalement ni physiquement. »
Pourquoi, monsieur le porte-parole du Dictateur, avoir besoin d’ajouter un avertissement sur la dimension physique d’une situation qui, de fait, n’est pas censée en arriver à ce stade si, comme vous venez de l’affirmer il y a quelques secondes, le faux coupable Vladimir Poutine a entre les mains toutes les pièces à décharge pouvant écarter les soupçons sur la prétendue illégalité de ses actes ?
Les bouchers de Boutcha, indubitablement, se conduisirent comme des nazis en recrachant des civils ukrainiens comme des mouches sur le trottoir (sic). On pourrait évoquer la manière dont le sage empereur Hadrien recourait aux cadavres d’insurgés judéens pour renforcer le mortier destiné aux remparts érigés à la hâte.
Aussi si nous ne qualifions pas pour l’heure les Russes d’auteurs d’un génocide, n’est-ce pas par prudence, mais par respect pour l’emploi de la qualification d’un tel crime, telle qu’établie par la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Les Russes distinguent entre bons et mauvais Ukrainiens. Ils ont à cet effet offert aux Petits-Russiens Grand-Russo-compatibles d’échapper aux opérations de nettoyage éthique (au sens russocentrique du terme) destinées à dénazifier la Petite Rus’. Ce faisant, ceux qui aujourd’hui sont traités comme des traitres le sont pour ce qu’ils font et non pour ce qu’ils sont, quand bien même, au vu des crimes atroces commis par les Spetsnaz contre les civils, l’extermination des traitres à la Grande Rus’ dépasserait nettement le strict cadre du crime de guerre qui, par ailleurs, suffirait amplement à conduire le tyran devant la CPI.
Et puis, s’il s’avérait utile d’insister sur ce point : si les citoyens ukrainiens sont massacrés pour ce qu’ils font, à savoir qu’ils sont, aux yeux des pan-nationalistes russes, coupables de rejeter la proposition qui leur est faite de revenir en rampant au bercail sous cette bonne vieille chape de plomb postnéosoviétique, nous-même ne jugeons pas que ce que font ces démocrates amoureux des droits de l’homme et des principes universels qui y président, soit ni un crime, ni même une faute, mais bien plutôt un droit, et dans leur cas, un acte d’héroïsme.