Visite à Nicolas Alquin (et à Aliénor de Fontevraud)
1
Vous rêviez de chimères et d’avions de bois
D’orages et de feu sous des dehors de glace.
Comme enfant solitaire vous n’avez pas grandi
Seul vous êtes resté dans votre fierté sombre.
2
Vous aviez décidé d’être plus que vous-même
De vous forger des poignes de sculpteur ;
Quand vous interrogiez, anxieux, votre miroir
Vous y cherchiez l’image fulgurante de l’artiste.
3
Vous, maître de la flûte, vous ne songiez qu’au bois
Fervent de tradition et des adorations
Vous étiez accusé d’admirer l‘indicible
Mais aussi de croire aux songes d’Aliénor.
4
Dans les vertiges de votre imaginaire
En livrant délivrances vous nous éblouissez
Quand survient l’instant de faire voler l’abbesse
Que vous voyez pilote et reine de Fontevraud.
5
Tandis que s’effeuillaient les arbres du silence
Vous avez accepté votre ‘défiliation’.
Vous qui vous destiniez aux rythmes d’atelier
Vous avez accompli une brève apothéose.
6
Vous n’êtes pas un Richard au Cœur de Lion
Ni le Jean sans Terre de la ‘perfide-Albion’.
Du haut de votre tour d’ivoire ou bien de sable
Vous proposez votre art aux amateurs nouveaux.
7
Vous venez d’autrefois dans une armure d’archange.
Bénissant l’auditeur qui d’une oreille complice
Ecoute les propos des quatre avatars
Enivré de merveilles et de modernité.
8
Et soudain transpercé par vos propos rebelles
Vous avez préféré enfoncer la spatule
Dans la chair blessée par les couteaux de vie.
Des siècles s’écoulant comme une plaie ouverte.
9
Le pinceau qui dessine le trait sur vos cartons
En laissant s’échapper les certitudes aussi
Signe votre élan d’un feu contemporain.
Par une apogée au temps d’apocalypse.
10
Le but de la sculpture vous menait au défi
Au pied des perspectives encastrées dans l’abîme.
Vos créations de bois accueillent-elles votre âme
Qui ne fléchit jamais dans le choix du destin ?
11
Vous avez médité la leçon des légendes
Celle de la beauté qui advient et s’efface
Comme éclate la joie de matinées soudaines
Dont la blancheur d’habits à la douceur d’abbesses.
Fernando Arrabal 30-X-XXI