Qu’avons-nous en commun, nous les Russes et les Français ? L’éternel Poutine, bien sûr.
L’ancien président Nicolas Sarkozy est jugé en France pour corruption et financement illégal de sa campagne présidentielle. Les Français n’auraient pas compris que l’on essaye de taire des faits afin de protéger l’ancien chef de l’État des poursuites judiciaires, enquête et procès.
Et pourrions-nous, nous les Russes, imaginer que l’on harcèle et mette en prison des opposants politiques en France ?
Dans le pays natal de Charlie Hebdo, dont la rédaction a été la cible de terroristes, il est tout aussi difficile d’imaginer que les attaques à la liberté de parole viennent non d’islamistes radicaux, mais de l’État lui-même. Alors que, en Russie, des personnes viennent d’être emprisonnées pour avoir retweeté une blague de quelqu’un d’autre… (Voir le cas de Sergueï Smirnov, le rédacteur en chef de MediaZona[1]).
La chaîne RT va, de nouveau, inviter des « experts français » sur son plateau. Ils y affirmeront que Navalny est effectivement un agent de l’Occident, et que toute cette affaire fait partie de la stratégie des services secrets Américains. Qui inviter ? Par exemple la bonne vieille Marine Le Pen, elle qui a reçu des financements de la part d’une banque russe et plaide pour un rapprochement avec Moscou. Poutine, lui, évite de se montrer avec elle devant les caméras, mais envoie des fonctionnaires peu connus à sa place pour la rencontrer.
Qu’apprendra l’affaire Navalny à la France ? Qu’il existe une menace à la démocratie venant de Russie. Une menace dont les outils sont la désinformation et la corruption. De l’argent sale, stocké dans des villas de la Côte d’Azur, qui ne sera jamais entièrement blanchi, même dans l’eau de la Méditerranée. Cet argent, qui a été volé dans le budget russe, sera utilisé à cultiver des politiques antieuropéens et antilibéraux, d’extrême droite et d’extrême gauche.
On voit déjà que des trolls payés répondent aux publications d’Emmanuel Macron où il appelle à libérer Alexeï Navalny. Moi aussi, dès que je publie quelque chose avec son nom en hashtag, je reçois la visite d’une meute de ces fainéants stupides. Je les plains même parfois de devoir aimer Poutine en échange d’un salaire.
Dans les pays Occidentaux, les trolls pro-Poutine et des « journalistes » à sa solde lancent des fake news à l’occasion d’évènements politiques importants. C’est pour cela que l’on crée en Europe des outils pour lutter contre cela.
Le concept de « Monde Russe » est imposé en Occident également : les amis de Poutine utilisent les tribunaux locaux pour s’approprier les paroisses orthodoxes, comme cela est arrivé à Nice avec la Cathédrale Saint-Nicolas et tous ses terrains et possessions. Tous les efforts sont entrepris pour légitimiser le pouvoir de Vladimir Poutine.
En allant voir les pages francophones sur les réseaux sociaux, on voit des commentaires identiques, comme si des internautes français avaient, tout d’un coup, commencé à s’intéresser à la politique russe et à s’y connaître… Au parlement Européen, au contraire, on ne connaît que trop bien les noms de Sourkov[2] et Maloféev.
Suite à l’affaire Navalny, l’Union Européenne devrait non seulement renoncer à « Nord Stream 2 »[3], mais aussi mettre en place des sanctions personnalisées contre les amis de Vladimir Poutine et ses trésoriers. Cela fonctionnerait bien mieux que des appels, une profonde inquiétude ou des négociations.
Il faut éviter de négocier avec des terroristes. Faire des concessions aux bandits et aux voleurs peut rendre encore pire la situation, déjà si difficile, en Russie.
Elena Servettaz est une journaliste franco-russe.
[1] Sergueï Smirnov, le rédacteur en chef du site MediaZona, a été condamné à 25 jours de prison pour avoir retweeté une blague à propos d’une manifestation en soutien de l’opposant Alexeï Navalny.
[2] Vladislav Sourkov, a été le conseiller historique de Vladimir Poutine. Il a, entre autres, supervisé le dossier ukrainien pour le gouvernement russe.
[3] Nord Stream 2 est un projet de gazoduc qui doit relier la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique.
Un gazoduc majoritairement détenu par le géant russe Gazprom.
Le mâle du Siècle s’est condamné à l’équarrissage qu’il infligeait aux autres en les poussant à enfiler à la vitesse des Lumières sa camisole de lecture.
S’il est des riches qui œuvrent sans relâche dans le camp des justes, on n’a jamais vu un juste s’inscrire dans le seul camp des riches, ni du reste s’en désinscrire.