La sidération face à l’épidémie de coronavirus est d’autant plus grande que l’on semble découvrir l’irruption de l’imprévisible dans un monde régi par des algorithmes modélisant des prédictions censées nous préserver de toutes menaces. Reste que l’imprévisible est l’une des caractéristiques de la vie. Et une constante dans l’activité d’un soignant qui se manifeste avec encore plus d’intensité quand il s’agit de prendre en charge une maladie nouvelle, dont on ne sait pas grand chose. Au-delà de cette tension entre objectivité formelle et ouverture à toute forme de transcendance, nos sociétés fonctionnent dans l’illusion d’un système qui n’aurait aucune limite. On peut le constater à divers niveaux notamment sur le plan économique où les sociétés néolibérales fonctionnent comme s’il n’y avait aucune limite en ressources naturelles ou, dans un autre domaine comme celui des nouvelles technologies NBIC, où l’on imagine une croissance infinie qui fera entrer la civilisation dans une ère post-humaine. Il est pourtant évident que la question essentielle de nos sociétés est bien celle des limites. Il ne s’agit évidemment pas de s’opposer au concept de singularité technologique mais d’y associer la nécessité de réfléchir à des questions éthiques sur le sens à donner à son existence. Le philosophe Benjamin Gross, spécialiste de la pensée du Maharal de Prague, considérait en 2014 que la crise de la société occidentale était due au « refus d’une retenue indispensable à l’homme pour qu’il ne soit tenté de s’élever à la dimension des dieux et d’être alors débordé par les excès de cette volonté de puissance ». L’innovation doit être perçue comme une ressource essentielle à la vie humaine mais qui ne peut se réaliser que dans le respect de ce qui fonde l’essence même de l’homme. Rappelons que l’homme est vu dans les textes de la sagesse juive comme le partenaire du divin car il amène au plus haut le mouvement de la création ; mais cette participation au processus créatif ne doit pas amener l’homme à nier ses propres limites et à se percevoir comme un homo Deus, empruntant cette expression à l’historien israélien Yuval Noah Harari. Maïmonide exprime bien cette idée des limites de l’homme et de ce qui le différencie de Dieu dans son Guide des égarés (I-68). Il va jusqu’à expliquer une règle grammaticale hébraïque qui découle de l’idée que Dieu et Sa science ne sont qu’une seule et même chose. Ce qui n’est pas le cas de l’homme. Ainsi, Maïmonide affirme que pour formuler un état construit entre deux mots en hébreu, il faut que ces derniers expriment deux choses distinctes – c’est la raison pour laquelle on ne peut le faire entre les termes qui expriment Dieu et « Sa vie », car, il explique, « la vie de Dieu n’est rien d’autre que son essence ». Cette digression grammaticale pour les plus férus de la langue hébraïque nous amène à concevoir, à l’image de Maïmonide, que toute entreprise humaine repose sur un besoin constant de recherche. Mais si l’on adhère à l’idée d’un Dieu omniscient, on peut aussi dire, pour accréditer l’idée que l’homme ne peut se confondre avec Dieu, qu’il ne peut être en recherche de ce qu’il sait déjà. Toute prédiction algorithmique peut être remise en cause par l’irruption d’éléments inattendus. Aucun diagnostic ne peut être sans appel. C’est ce qui fait le mystère – et la complexité – de la vie. Tout reste toujours ouvert… Car comme l’écrivait le poète René Char dans son recueil intitulé Le poème pulvérisé : « Comment vivre sans inconnu devant soi ? »
« Comment vivre sans inconnu devant soi ? »
par Ariel Toledano
21 avril 2020
La sidération face à l’épidémie de coronavirus est d’autant plus grande que l’on semble découvrir l’imprévisible dans un monde régi par des algorithmes. Reste que l’imprévisible est l’une des caractéristiques de la vie. Ce qu’en dit Maïmonide.
Avant qu’il ne déroule son plan de déconfinement, le politique répète qu’« aucun traitement n’a, à ce jour, montré son efficacité ».
Il nous invite assez vite à admettre que la validation des traitements à l’étude ne relève absolument pas de nos compétences ; un exercice d’humilité que je n’aurai aucun mal à réitérer ici même.
Ignorant si je me suis bien fait entendre, je réaffirme mon adhésion au principe de séparation des pouvoirs, partageant sur ce point l’avis du Pr Raoult, lequel appelle l’exécutif à se mêler de ce qui le regarde et laisser aux savants le soin de démêler le vrai du faux entre connaisseurs.
Très bien, mais ces derniers s’en montrent-ils capables ?
En outre, auraient-ils intérêt à confronter leurs arguments autour d’une Ronde Table en vue de réformer un système de santé immondialisé qui protocolle aux basques d’une industrie pharmaceutique brassant les dollars par billions ?
Sachant que j’ai toujours éprouvé quelque difficulté à me faire comprendre, je réclame qu’en temps de crise sanitaire mondiale, l’évaluation de la bonne distance entre univers de la recherche et monde de la finance revête l’aspect d’une vertu cardinale qui s’imposerait avec d’autant plus d’élégance aux territoires des arts ou des sciences.
Le politique n’a le fin mot de l’Histoire qu’en sa propre matière.
Il serait préjudiciable à la démocratie que ce dernier empiète sur la part de pouvoir dévolue au scientifique.
Aussi, nous ne nous satisferons pas des protocoles de recherche clinique en vigueur, lesquels n’auraient pas la capacité à faire davantage leurs preuves que les essais parias qui s’en affranchiraient dans un contexte de pandémie d’une ampleur sans précédent, et à l’aune de laquelle la communauté scientifique mondiale serait bien inspirée de redéfinir une stratégie de validation des traitements antiviraux adaptée à l’urgence sanitaire.
« La mort face à la vie est un couronnement ou une honte. »
Prions pour que la sentence du Samson de Haendel ne nous ensevelisse pas sous les décombres de l’Ancien Monde.
Raoult est un microbiologiste de renommée mondiale.
Pensez-vous sérieusement qu’il requière les lanternes de ses confrères pour mesurer les risques d’effets secondaires létaux dont la probabilité, en période de pandémie, le conduirait, non pas devant le Conseil de l’Ordre des médecins pour une douce radiation, mais derrière la vitre pare-balles d’une Cour pénale ?
Rassurez-vous, je n’ai reçu aucun chèque du parrain marseillais ; je ne mange pas de ce pain-là.
Je ne pense pas m’être pris d’une passion soudaine pour l’hydroxychloroquine, mon cerveau n’aurait ni le temps ni l’envie de s’encombrer d’une fixation.
Je ne suis pas même certain d’avoir tellement besoin de me raccrocher à la possibilité qu’un traitement existe en l’absence du vaccin messianique qu’un émissaire de l’ONU, dépêché dans ces zones sinistrées du bout du monde à une époque où nous croyions encore l’Occident capable de circonscrire un fléau biblique, je veux parler du Dr David Nabarro, qui fait autorité dans un domaine ayant d’ores et déjà perdu de sa superbe singularité, nous prépare à l’idée que nous pourrions ne jamais hâter sa mise au point et devoir vivre avec la peste jusqu’à la fin des temps.
Je dis juste que.
Si un traitement existe, nous n’avons pas le droit national, ou international, de nous cacher derrière un protocole dont le Professeur Raoult sait qu’il l’invaliderait, pour nous défausser de nos responsabilités envers ceux qui, avec tout patient zéro passé ou à venir, devraient bénéficier de sa prescription générale.
Selon le décret 2020-314 du 25 mars 2020, « L’hydroxychloroquine et l’association lopinavir/ ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d’un médecin aux patients atteints par le Covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile. » Hélas, le traitement que préconise Didier Raoult devient inopérant au stade d’aggravation des symptômes où le malade est convié à prendre contact avec les urgences, c’est-à-dire au moment où la charge virale que la chloroquine est censée neutraliser a déjà causé des dégâts irréversibles dans l’organisme du patient.
Asermourt, il n’est pas interdit d’utiliser ce traitement sur décision collégiale
A Asermourt : il est permis d’utiliser le traitement du docteur Raoult, dans un cadre collégial
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La guerre contre la mort, durant laquelle tout être, vivant dès le principe dont procède sa naissance, fut mobilisé, est une guerre de tous les instants.
Le grand homme n’est pas Dieu.
Cela n’empêche pas qu’il soit un homme.
Et il se trouve qu’un homme, en certaines occasions, avec une petite dose de persuasion, une grosse giclée de courage et une goutte de justice, infléchira les arrêtés divins.
Nous demandons à cet homme, qui dit être en possession d’une thérapie capable de déprimer en quelques jours un virus euphorique, saboteur malgré lui d’une globalisation des marchés dont les perdants comme les gagnants découvrent soudainement qu’elle leur fait cruellement défaut, de dresser son bâton de cynique afin d’en scapinner un coup aux mauvais maîtres du sale temps plutôt qu’à leurs inélégants disciples.
Si une bithérapie contre la maladie de la mort existe depuis six semaines, ce traitement aurait déjà pu annuler plusieurs centaines de milliers de funérailles express aux quatre coins du disque vitruvien.
Disant cela, je piétine sciemment la différence fondamentale de conception que l’on put établir entre le savant et le politique, pouvant aller jusqu’à une forme de lutte sans merci au cours de laquelle on verra volontiers s’écharper le politique et le philosophe.
Mais nous vivons des bouleversements qui nous forcent chacun à rompre avec notre doxa, qu’elle hurle en bondissant hors de la tanière du surmoi ou s’y blotisse dans un grognement ténu.
L’homme de plus de quatre-vingts ans aurait, selon l’Académie de médecine, une chance sur six de mourir du coronavirus.
Pour l’IHU, une sur deux-cents.
Montagné suggère une manip en labo, par insertion d’une séquence de VIH : nécessitant des outils moléculaires.
Une étude américaine, exécutée sur la base des dossiers de trois cent soixante-huit patients traités à la chloroquine, atteste son inefficacité, voire sa dangerosité.
Montagné vous dira jusqu’où un confrère, en l’occurrence américain, fut prêt à s’abaisser pour franchir le premier la ligne d’arrivée de la course au Nobel.
Que les morts soient dénombrables ne fait pas d’elles des numéros.
Les sauveurs ne se limitent pas à garder bien au chaud, dans un dossier classé à l’intérieur d’un placard cadenassé, d’interminables suites de chiffres.
Si des vies méritent qu’on les sauve, elles exigent de nous tous que nous nous hissions à la hauteur de leur destin glorieux, funeste, banal, hors du commun ou proprement bidon, mais en cours de forgeage.
P.-S. : Oui, d’accord. Montagnier. Luc de son prénom. Pardon, monsieur le professeur. Et pardon au chanteur. N’y voyez aucune blague sur les aveugles qui serait, en l’espèce, doublement déplacée. Damned ! Pop culture, quand tu nous tiens !
Si vous attendez de moi que j’ajoute ma petite pierre de fronde au Désordre des Médecins, vous perdez votre temps.
Je ne trancherai pas la question de la sacrosainteté d’un protocole de validation confronté à l’urgence sanitaire ; j’aime cent fois mieux me concentrer sur ce désir de communion que nous aurions préféré assouvir, avec Jérôme Salomon, à l’occasion du Sacre du printemps plutôt qu’autour des litanies funèbres de 19h15.
J’entends les arguments du chef de service des urgences d’Avicennes qui met en garde la communauté ascientifique contre les effets secondaires potentiellement catastrophiques d’un traitement contre le Covid-19 dont les Affranchis de la mafia marseillaise intimideraient l’ANSM afin qu’elle en déclare l’efficacité avant qu’on ne le lui ait prouvé.
Face au spectacle désespérant de l’octogone des sciences, il me reste néanmoins une liberté que la crise n’aura pas réussi à me reprendre, et qui consiste, en qualité de béotien s’entend, à m’interroger sur un aspect de la personnalité des compétiteurs qui brouille la ligne de front éthique entre l’Académie et son poil à gratter.
Alors que Didier Raoult semble ne pas supporter l’idée qu’un protocole puisse l’empêcher de porter secours à une vie qu’il se sait ou se sent le pouvoir de sauver, Frédéric Adnet, anticipant le procès que ne manqueraient pas d’intenter contre son hôpital les potentielles victimes d’une opération Commando dans le cadre de laquelle sa hiérarchie lui demanderait de fermer les yeux sur les risques de dommages collatéraux qu’elle comporterait, ne paraît quant à lui nullement torturé par le fait qu’il pourrait laisser s’asphyxier un congénère auquel un traitement non conventionné aurait pu épargner un calvaire innommable, dès l’instant qu’il se sait protégé par le caractère légal d’une réglementation nationale qui le dédouane de toute responsabilité personnelle envers son patient.