Et si le confinement était l’occasion d’un retour à soi, d’un moment opportun pour engager une réflexion sur le sens que l’on souhaite donner à sa vie ? Hillel, l’un des maîtres fondateurs du Talmud, contemporain du roi Hérode, avait l’habitude de dire : « Si je ne me soucie pas de moi, qui le fera pour moi ? Mais quand je me soucie de moi, que suis-je ? Et si ce n’est pas maintenant, quand ? » L’homme est libre d’acquérir une vertu ou d’adopter une mauvaise disposition selon Maïmonide. Il cite en exergue cette parole de Hillel pour illustrer que tout dépend de l’homme, qu’il est le seul à pouvoir orienter son existence vers le sens qu’il désire. Quelle que soit l’éducation reçue ou l’influence de l’environnement dans lequel l’homme a évolué, ce qui détermine son destin, c’est bien lui-même. Le concept d’agentivité développé par le psychologue Albert Bandura, qui désigne l’homme comme agent actif de sa propre vie, est un principe fondamental retrouvé dans les théories maïmonidiennes. L’homme est donc libre d’agir, et cet engagement, il le prend pour lui-même. Mais cette individualité ne doit pas faire oublier la dimension collective, celle du rapport à l’autre – c’est ce qui incite Hillel à poursuivre en énonçant : « Mais quand je me soucie de moi, que suis-je ? » L’homme ne peut se limiter à ses seuls intérêts ; il a le devoir de se soucier d’autrui. Cette crise sanitaire d’une ampleur considérable a rappelé le besoin d’un élan collectif fondé sur un altruisme authentique. L’homme n’est réellement lui-même selon Hillel qu’à partir du moment où il a de la sollicitude à l’égard des autres. Maïmonide insiste sur le « Que suis-je ? », il sous-entend : « Qu’est-il sorti de moi ? », autrement dit : comment ai-je utilisé le temps qui m’était imparti ? Allusion de nouveau à ce besoin d’introspection, à ce questionnement qui est intimement lié au temps qui passe. « Si je n’acquiers pas maintenant les vertus, alors que je suis jeune, quand le ferais-je ? Certainement pas pendant la vieillesse car il me sera alors difficile de changer de dispositions, tant les habitudes, bonnes ou mauvaises, se seront renforcées et enracinées en moi ». C’est donc par une interrogation sur le temps que Hillel clôt sa maxime : « Et si ce n’est pas maintenant, quand? » – constatant ainsi la fugacité d’un présent dans lequel s’enracine notre action et qu’il faut apprendre à saisir.
Et si le confinement était l’occasion d’un retour à soi…
par Ariel Toledano
16 avril 2020
Hillel, l’un des maîtres du Talmud, peut aider à rendre cette crise sanitaire le moment opportun pour engager une réflexion sur le sens de la vie.
Masque attrape-tout ou masque bouclier.
Test sérologique indispensable ou inutile en regard de l’impossible immunité grégaire d’une population dépourvue d’anticorps.
Choisir entre contacter un virus respiratoire ou être asphyxié par son propre gaz carbonique de peur d’ouvrir ses fenêtres à un mutant transmissible par l’air.
Les incohérences ont assez duré.
On déconfine un monde comme on l’a confiné.
Soit on déconfine tout le monde, soit on ne déconfine personne.
La bonne conduite à suivre face à une pandémie mondiale, c’est à chacun de nous d’en saisir les subtilités.
Fions-nous à notre instinct de déconservation.
Accordons-nous la possibilité de tester, avant l’été de tous les dangers, le primat de l’intelligence sur l’instinct primitif en exposant les deux au désordre mnémonique d’une civilisation hypermnésique, encombrée de sentiments artificiels, avide de sensations mortes, covidée de son art de naître par une compétition de fossoyeurs opportunistes indifférents à sa beauté.
Et si le je hillélien en préfigurait un autre, plus rimbaldien que nature.
Car au fond, de qui ou quoi un être saurait-il se soucier, sinon d’un autre ?
Or quand je suis pour moi, autant dire à tout instant où le père de la relativité restreinte et générale est en mesure de nous faire entendre que le retentissement d’un son de cloche ne se produit pas au même moment pour l’oreille du chef de gare qui l’actionne, celle du conducteur de la locomotive qui s’en éloigne ou celle du dernier passager du dernier wagon qui s’en rapproche à vive allure bien qu’elles infusent toutes trois dans un même fonds diffus cosmologique, est-ce l’autre tel que j’aurais pu l’être qui éprouve le souci de se manifester à moi et m’encourage à ne pas relâcher mon effort contre Charybde, puis Scylla, ou moi qui fais grand cas de l’autre via tous ceux — tout ce — que j’aurais pu être et auxquels — à quoi — je suis lié, plus que je ne l’imagine, par la force des causes ?