On pourrait appeler cela : les Trois Glorieuses du trumpisme. On ne sait pas, à neuf mois de l’élection, si Donald Trump va être réélu, mais en tous cas, si il l’est, cette première semaine de février, et même la séquence de lundi à jeudi, aura été le tournant de la campagne.
D’abord, lundi, les démocrates devaient se rendre aux urnes pour la première étape – la plus symbolique – des primaires démocrates. Comme on le sait, ce premier scrutin a invariablement lieu dans l’Iowa, dans un charmant folklore de neige, de pelouses couvertes de panneaux électoraux, de porte-à-porte enfiévré. Cette tradition a toujours paru bizarre : la conversation nationale de la première puissance du monde se mettant à tourner autour des problèmes d’un obscur Etat rural, puisque les électeurs de l’Iowa se décident, et c’est bien naturel, aussi en fonction des sujets locaux. On a donc l’habitude d’observer avec un léger sourire les principaux leaders du pays se précipiter à Des Moines pour disserter sur les problèmes des récoltes ou du soja. Mais, cet attachement envers l’Iowa a peut-être trouvé sa limite : avec le système des caucus, les Démocrates ont vécu lundi dernier un cauchemar. Le système est atrocement artisanal : des électeurs Démocrates se réunissent après le travail, dans des gymnases, et forment des groupes selon leur préférence de candidat. Les résultats sont donc rudimentaires, longs à rassembler, d’une fiabilité sous-optimale. Et pourtant c’est cette constellation de réunions d’appartement améliorées qui lance le majestueux et terriblement important processus qui conduit à l’élection du Président des Etats-Unis. Or, cette année, en Iowa, les choses ont été encore plus dysfonctionnelles que d’habitude. Les résultats étaient indisponibles toute la soirée, personne n’est d’accord sur le nom du gagnant (Sanders ou Buttigieg) et ceux arrivés quatrième ou cinquième crient à la triche. Vu de France, la soirée avait des airs de l’élection Copé-Fillon de 2012 pour la tête de l’UMP. Face à cela, Trump, précisément accusé par les Démocrates d’avoir truqué les élections de 2016 par l’interférence russe (c’était «l’enquête Mueller») avait beau jeu de se réjouir et de souligner «un désastre sans mélange» pour les Démocrates. Comment voulez-vous que les Démocrates, incapables d’organiser une élection dans un petit Etat, tiennent les manettes du pays ? Trump a gagné des points, et pire, les Démocrates, qui comptaient sur cette journée pour lancer triomphalement la page de l’après-Trump, ont vécu une apocalypse.
Et puis, mardi, intervenait le traditionnel discours sur l’Etat de l’Union. Depuis son élection, Trump se pliait à l’exercice sans aisance, et avec réticence. Il faut dire que c’est un moment solennel, consensuel, assez long, très rigide : tout ce que Trump déteste. Hier, il faut bien dire que Trump a été brillant. Brillant à sa façon : totalement déplacée, sans souci de la vérité, et d’une mégalomanie infinie. Mais brillant quand même. Il ne déviait pas du prompteur, et a mis son seul talent, celui d’être un animateur de télévision et un roi du divertissement assez génial, au service de son propos. Il a annoncé qu’il se battrait pour préserver les écoles privées (inventées par Clinton, et très prisées par les Afro-Américains défavorisés, car bien subventionnées, mais désormais combattues par les Démocrates) : aussitôt, l’une de ses invitées en tribune, une jeune lycéenne Noire, recevait sa bourse sous l’œil du pays. Il a fait applaudir Rush Limbaugh, un autre des convives présidentiels assis près de Melania Trump. Limbaugh est une figure de la droite réactionnaire la plus extrême, animateur et polémiste, un symbole de la contre-culture droitière aux Etats-Unis, quelque chose comme Eric Zemmour en encore plus populaiure, et la veille, il avait révélé être atteint d’un grave cancer. Or, en direct, et par surprise, Trump annonce au pays que Limbaugh va recevoir la plus prestigieuse des décorations, la Médaille de la Liberté, pour services rendus, et la First Lady, sa voisine, lui épingle aussitôt à la boutonnière. C’était fou ! Mais encore plus fort (et encore plus déplacé) : Trump, comme le font tous les Présidents pour le discours sur l’Etat de l’Union, a invité des anciens combattants ou des familles de militaires à assister à la cérémonie. A un moment donné, mardi, il présente l’épouse d’un soldat, accompagnée de sa fille, qui, explique Trump, n’ont pas vu leur père et leur époux depuis des mois. Trump promet que ce vaillant officier va revenir à la maison. Et, dans l’incrédulité générale, une porte s’est ouverte, et l’homme en uniforme a sauté dans les bras de sa compagne. Tout cela au Congrès, dans l’enceinte la plus solennelle de la plus grande démocratie de la planète ! C’était «Tournez Manège» chez Jefferson. Du Oprah Winfrey, la Reine de la télé larmoyante, sous les ors de la Constitution.
Ainsi, on avait rarement assisté à un discours de Trump, même avec d’aussi grosses ficelles, à ce point émouvant, avec de vrais moments de candeurs. Mais surtout, Trump a abandonné ses habits de leader controversé. Il s’est vanté de quelque chose de consensuel : la force de la croissance et la baisse du chômage. Il a insisté sur l’économie, pas sur l’immigration. Même, il a indiqué que sa politique créait des opportunités, en réduisant l’inactivité, chez certaines catégories, qu’il a pris soin de détailler : les jeunes, les Afro-Américains, les femmes. Autant de publics qui ne votent pas spontanément pour lui. Il a multiplié les sujets bipartisans, s’est étonnement recentré : il a promis de lutter pour l’environnement (certes, en se contentant de planter des millions d’arbres), et s’est fait le défenseur des petites gens contre l’industrie pharmaceutique, en volant littéralement des phrases de Bernie Sanders sur le pouvoir des lobbies, et, contre toute vraisemblance, a promis de les harceler (alors qu’ils financent sa campagne). Mais, littéralement, c’était un autre Trump : il fait enfin ce que n’importe quel autre Républicain ferait à sa place avec d’aussi prodigieux résultats économiques, c’est-à-dire être modéré, consensuel, pragmatique, et insister sur ce qui va bien. «This is a blue collar boom» : c’est une expansion économique pour les ouvriers, a-t-il résumé. Bien sûr, il a rappelé ses marottes : le commerce (son nouvel accord avec le Canada et le Mexique), sa lutte contre la Chine, l’immigration, un peu, en citant le cas d’un sans-papier hébergé par la ville de New York, et devenu criminel. Tout cela dessine un spectre idéologique incohérent, bizarre, très inconsistant sur beaucoup de sujets, mais qui peut séduire beaucoup de monde en novembre.
Alors, pour finir, il y avait bien sûr «un éléphant dans la pièce» comme disent les Américains : l’impeachment, ou procès en destitution, qui a lieu au Sénat depuis quelques semaines. Mais Trump sait qu’il sera acquitté mercredi. L’ombre du procès planait sur les tribunes, mais Trump, gagnant par avance, pavanait. Et, mardi, pour l’Etat de l’Union, les Démocrates ne pouvaient rien faire à ce Président qui s’en sortirait à si bon compte. Nancy Pelosi, cette apparatchik du Parti démocrate devenue un symbole de la lutte anti-Trump, Présidente de la Chambre, et qui présidait, ès-qualité, la séance, a eu un geste final qui en disait long. Alors que Trump avait refusé de lui serrer la main au début, il lui a donné, comme c’est l’usage, le texte de son discours à la fin. Dans son dos, avec une rage impuissante, elle l’a tordu et déchiré soigneusement les feuillets. Voilà à quoi les Démocrates en sont réduits : trépigner de colère. Le tabloïd New York Post, pro-Trump, fait sa une ce matin avec une photo de Pelosi déchirant le discours de Trump, barrée du titre «Tore looser», un jeu de mots entre tordre et «sore looser», mauvais perdant. Voilà, encore, le destin annoncé, s’ils ne se réveillent pas, des Démocrates : être les éternels mauvais perdants du Trumpisme.
Trump est un très grand génie. Il est capable de jouer tous les leviers du pouvoir dans un pays comme les Etats-Unis bâti sur la philosophie des Lumières, alors qu’il méprise au fond de lui-même cette philosophie, que d’ailleurs il ne connaît même pas car il a très peu de culture. Il a uniquement de l’instinct. Il manie donc les ressorts élémentaires du pouvoir brut, que les républicains, les démocrates, les progressistes, les gens des Lumières manient aussi, mais eux s’en servent pour faire progresser le projet des Lumières, Trump lui s’en sert pour son propre intérêt politique et pour promouvoir un agenda réactionnaire. Je l’admire infiniment pour ça. Et je suis d’accord avec Louse Nogara quand elle ne peut s’empêcher d’admirer l’artiste.
Tout çe Barnum a tout de même une. Importance historique, car nous vivons depuis deux ou trois siècles dans un processus historique qui nous est présenté comme le sens de l’histoire. Or, cette apparence d’évolution orientée dans une direction, n’est en fait rien d’autre que le resultat de certaines forces organisées qui ont été capables de subvertir la civilisation des peuples au profit d’idéaux eschatologiques hébraïques masqués, puis de défaire leurs adversaires plusieurs fois de suite, et de mettre en place des échafaudages au service de leur projet, créant l’apparence d’un proçessus inéluctable. Ces échafaudages vacillent à cause de toute une série de contradictions opposant les différents clans à la manœuvre, et à cause du fait que les élites post-modernes veulent des choses contradictoires et incompatibles (par exemple le multiculturalisme et l’irruption massive de l’Islam et en même temps l’agenda LGBT). Il y a donc de plus en plus de bugs dans la matrice du politiquement correct qui était censé assurer la police de la pensée, et donc la stabilité du système. Cela ouvre une fenêtre d’opportunité pour l’homme providentiel Trump, avec son talent de batteur d’estrades, qui au nom de sa vision populaire et conservatrice est capable de démontrer que « le roi est nu ». Tout le monde est forcé de constater la caducité du nouvel ordre mondialiste, politiquement correct, qui ne tient pas plus qu’un château de cartes. Cela fait enrager au dela de tout les illuministe illuminés, qui voient bien que Trump fait dérailler leur convoi. Mais Trump a su s’assurer l’alliance puissante du pouvoir sioniste auquel il rend de grands services, et ceci lui permet de mettre en échec les gardiens du temple. BHL n’a pas tort de penser que le trumpisme n’a pas que des avantages pour la cause juive, et si le pouvoir juif dans son ensemble arrivait à la conclusion que Trump est plus dangereux qu’utile, Trump pourrait connaître le sort de Kennedy. Mais de toute façon, même dans ce das là Trump aura marqué l’histoire. Car il a déjà démontré que le narratif progressiste et même le projet des Lumieres, c’est du flan et s’il devait être un martyr, son sacrifice même rendra impossible le triomphe de ceux qui auraient decide de s’en débarrasser.