Comme si elle était
En expansion
En nous
LA VIE s’éloigne
…
Quand tu viendras dans ma chambre
Je serai dans mon lit
Seule avec mon corps
Où pèse chaque fois plus fort
Tant de solitude
…
Puisque tu existes
Autant t’aimer nue
…
Seule la mort me remplit
Dans ce monde vide
…
Après un verre
J’ai vu tes seins comme les hommes ne les voient jamais
Après mon dernier verre
Je les ai aperçus
Encore plus esseulés
Comme les hommes ne pourront jamais les voir
Lorsque je te vois
J’ai envie de te dire
Allons-y, pourquoi nous ne partons pas ?
Ton visage est celui d’un chemin !
…
La nuit je te bois
Toute la nuit tu désaltères mon corps
A l’aube la rosée
Nous souligne
…
Nous avançons côte-à-côte
Ainsi que des cadavres jouxtés
…
Je vois la guerre
Je n’aperçois pas l’amour
Je ne me vois pas
M’aperçois-tu ?
…
Du noir, du noir
Me devines-tu dans le noir ?
Je ne distingue plus les couleurs
Je les ai perdues
Comment me trouver parmi tout cela ?
Où es-tu ?
Que vois-tu ?
Y a-t-il quelqu’un qui puisse nous voir ?
Où
Est passée ma voix ?
Elle allume les lumières
Les éteint
Les rallume
Elle contemple cette tache noire
Sur sa poitrine
Dans le noir
Dans la clarté du jour
Elle ferme les portes
Les ouvre
Les referme
Elle regarde ce pas
Qui veut sortir de son corps
Elle se déshabille
S’écorche
Allume les lumières
Elle ne se retrouve pas
S’écorche dans le noir
Dans le noir qui la dévore et la digère
Sous la lumière des ampoules
Elle découpe son corps en lamelles
Puis tourne autour
S’assoit
Le mange
Éteint la lumière
Et plonge sa tête dans l’oreiller
Tout est mort
Sauf cette tête
…
Je guette mon être
Je suis maigre et vide
Je ne suis plus qu’un esprit
Regorgeant d’oiseaux
Mais où habitent ces oiseaux ?
J’ai été une jungle
Mes bras ont été des arbres
Où sont passées mes feuilles
Mes racines ?
J’ai été une rue, une route
J’ai été des pas
Où sont les passants ?
Je me disais route
J’imaginais des avenues dans mon sang
Je m’imaginais jungle
Je cherchais une voix pour me faire entendre
Et qui proclamerait mes bourrasques
Dans les champs de blé
Dans l’odeur du pain
Je l’ai cherchée
À travers les ombres, les voix, le vent
J’ai scruté le noir
J’ai interrogé la lumière
À sa recherche
Son corps était l’épouvantail
Qui effraie les oiseaux
Aucun chemin n’y menait plus
Il n’y avait plus la moindre racine
Dans la moindre forêt
Je le traîne derrière moi
Cet épouvantail
Ce silence
Qu’est-il devenu
Et ma voix, et ma peau vivante ?
À minuit, j’ai poursuivi une passion
À l’aube, je me suis interrogée
Qu’est-elle devenue, mon âme tourmentée
Lorsque la passion vint
La magie noire vint aussi
La jungle devint un épouvantail
Une bourrasque
En scrutant les aubes
À la recherche de sa voix
Elle meurt
Elle succombe
La jungle à l’ombre de la passion
Un poème traduit du kurde par Ahmed Mala.