Eduardo Rihan Cypel est né à Porto Alegre, au Brésil, en 1975. Arrivé en France avec ses parents à l’âge de 10 ans, il a été naturalisé français lorsqu’il a fêté sa 22e année. Philosophe de formation, il est également diplômé de Science-Po Paris.

En 2004 il s’est engagé au Parti socialiste et a, notamment, été élu député sous le mandat de François Hollande.

A l’occasion des turbulentes élections au Brésil, il a partagé avec La Règle du jeu son analyse et son inquiétude face à la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le pays – une inquiétude qui devrait, selon lui, être partagée par n’importe quel citoyen dans le monde qui embrasse les valeurs de la démocratie et de l’humanisme. Entretien.

(Propos recueillis par Maria de França)

 

Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite à la présidence du Brésil, a acquis sa notoriété à coups de déclarations tonitruantes distillées au cours de vingt-huit ans d’une carrière politique pas particulièrement brillante. Nombreux ont été ceux qui, au Brésil et dans le monde, ont été surpris par le nombre de voix en sa faveur au premier tour des élections. Comment cela a-t-il pu arriver ?

 

Eduardo Rihan Cypel : La situation au Brésil est chaotique depuis un bon moment. Tout s’est déréglé sur le plan politique et social depuis la destitution de la présidente Dilma Rousseff, en 2016a. C’était là un véritable coup de force institutionnel qui a poussé à la porte, pour des raisons très douteuses, une présidente qui était l’une des rares à ne pas être concernée par les affaires de corruption. Une corruption qui est structurelle au Brésil et qui a, hélas, touché également le Parti des travailleurs (PT).

La violence urbaine a également joué un rôle important dans ce bouleversement. Elle n’est certes pas nouvelle, depuis plus d’une décennie près de 50.000 homicides sont à déplorer chaque année, mais elle a atteint dernièrement des seuils inédits. L’année dernière, près de 64.000 homicides ont eu lieu au Brésil.

Corruption, violence, absence d’issue politique ont donc fini par déstabiliser le pays. Dans ces circonstances, le Brésil a été une proie facile pour l’immense vague populiste qui traverse l’ensemble du monde occidental, l’ensemble de nos sociétés. C’est ainsi que cet homme inconnu du grand public, y compris au Brésil, s’est imposé. Nostalgique de la dictature militaire, il n’a pas chevillées au corps les valeurs démocratiques – c’est le moins que l’on puisse dire. Un homme qui tient des propos racistes, misogynes, homophobes ; qui prône non seulement la violence politique mais la violence tout court – puisqu’il propose que tout le monde s’arme pour s’autoprotéger contre la violence qui gangrène le pays.

En épousant la vague populiste, avec les singularités brésiliennes, il est parvenu à quasiment l’emporter au premier tour, avec 46 % de voix. La victoire ce dimanche semble quasiment programmée, même s’il faut mettre toutes les forces, jusqu’au bout, pour lui faire barrage. On se demande quelle sera la résilience de l’État de droit et des institutions brésiliennes pour résister à un homme qui pourrait, si les conditions étaient réunies – et elles peuvent l’être –, diminuer le niveau de démocratie, voire en sortir.

 

Vous avez évoqué ses déclarations racistes, misogynes, homophobes… Certaines déclarations, notamment celles à caractère raciste, pourraient tomber sous le coup de la loi. Comment cela se fait-il que Jair Bolsonaro ne soit pas inquiété par le TSE (Tribunal supérieur électoral brésilien) ?

 

Eduardo Rihan Cypel : Je ne peux pas répondre à la place des juges et du pouvoir judiciaire, mais il est évident que M. Bolsonaro est toujours à la limite de la diffamation. Il a très bien compris comment utiliser les armes politiques du populisme, et même d’un pouvoir autoritaire réactionnaire. Il fait usage des mêmes méthodes que Donald Trump, à savoir les fake news et l’augmentation des tensions. Il cible les failles, justement, de la société brésilienne pour répondre à une demande d’autorité au sein d’un pays déboussolé, qui ne voit plus d’issue politique. Et je crois que ce qui fait précisément sa recette, c’est d’être dans cette radicalité-là, de mobiliser les instincts les plus dangereux chez l’être humain. Si cet homme est élu, le degré de violence et de tension augmentera dans la société brésilienne. Il aura même un besoin stratégique d’augmenter la tension et la violence pour pouvoir présider et gouverner.

Ceux qui ont soutenu la destitution de Dilma Rousseff ont joué aux apprentis sorciers, et ont, à mon avis, perdu le contrôle de la situation. Ils ont ouvert une boîte de Pandore d’où est sorti ce monstre populiste qui, évidemment, ne va pas résoudre la crise politique et sociale du Brésil, mais qui sera, au contraire, un facteur d’aggravation du chaos et du désordre. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut alerter les consciences, pas simplement au Brésil mais partout dans le monde.

 

Le Brésil est, comme vous le rappelez, une très jeune démocratie. Sorti d’une dictature militaire il y a à peine trente-trois ans, le pays a-t-il une mémoire si courte ?

 

Eduardo Rihan Cypel : Quand la situation est chaotique, le souvenir des périodes passées, aussi sombres soient-elles, n’est plus revisité de manière rationnelle. Les expériences tragiques des peuples peuvent être brouillées par les désordres mondiaux et géopolitiques qui ne manquent pas. Et la vague populiste qui traverse très fortement l’ensemble de la planète est la preuve que la mémoire n’est pas toujours opérante. En Europe, nous avons connu le fascisme, le nazisme, et pourtant certaines forces inspirées de ces traditions reviennent au pouvoir à travers la démocratie. Hitler a, lui aussi, été élu démocratiquement. Mais je ne veux pas faire de comparaisons hasardeuses avec le passé.

Il y a une situation politique tout à fait nouvelle au Brésil, un État de droit qui, malheureusement, n’en était pas encore à son stade ultime et qui n’existe d’ailleurs pas partout dans le pays. Il y a des zones où vous avez une absence totale de sécurité publique et d’État de droit. Et quand on additionne cela à la corruption massive et à la crise économique, ça ne peut que conduire à la colère d’un peuple de plus en plus divisé socialement, géographiquement. C’était déjà le cas lors de la dernière élection présidentielle remportée de peu par Dilma Rousseff face à son rival au second tour (à peine 3,28% d’écart). Tandis que la région Sud du pays, plus riche, a voté à droite, les régions Nord et Nord-Est, plus pauvre, ont voté majoritairement pour Dilma. Et c’est le cas de ces élections-ci également.

 

Mais il y a quand même une résistance qui se met en place…

 

Eduardo Rihan Cypel : Il y a eu, il est vrai, un important mouvement mené par les femmes en réponse aux propos misogynes et d’une violence extrême de M. Bolsonaro. Mais je ne serais pas surpris si on apprenait que les femmes ont autant voté Bolsonaro que le reste de la population. Pourquoi les femmes ne demanderaient-elles pas, elles aussi, une solution de force face au chaos politique ? (Rires)

Ce qui se passe au Brésil, avec toutes ses singularités, renforce l’inquiétude qui était déjà la mienne : en France les choses peuvent très mal tourner également, comme cela s’est produit en Italie. Il va falloir trouver les armes démocratiques pour contrer le mouvement. Ce devrait être la priorité des forces de gauche démocratiques. Je dis de « gauche démocratique » parce que le populisme frappe aussi à gauche ; nous en avons, hélas, eu la démonstration avec Jean-Luc Mélenchon lors de la perquisition dans ses locaux. Et j’en suis très déçu ; la gauche ne peut pas gagner avec les armes du populisme. Elle n’est plus la gauche si elle va sur le terrain de la violence politique. On peut comprendre sa colère d’être perquisitionné mais il avait d’autres moyens de défendre sa propre cause. Et ces actes ne nuisent pas seulement à M. Mélenchon, ils portent atteinte à la gauche en général, à la démocratie.

Cet engrenage peut, un jour ou l’autre, aboutir à ce qui est en train d’arriver au Brésil. Et je ne vois pas pourquoi la France serait immunisée contre la vague populiste, y compris en 2022. La situation appelle à un sursaut politique et citoyen. Soit on redresse la barre et on mène le combat politique pour une démocratie de progrès, humaniste, soit on ne sera pas à l’abri de ce vent mauvais qui est là et qui perturbe nos sociétés. Aujourd’hui, des sociétés solides et stables dégringolent à une vitesse terrifiante.

Le Brésil n’est pas un petit pays, ce sont plus de 200 millions d’habitants, la huitième puissance économique mondiale, un géant de demain comme chacun le sait, et qui va être probablement entre les mains de quelqu’un qui rompt clairement avec les valeurs de démocratie et d’humanisme, qui appelle les Brésiliens à s’armer afin de se faire justice soi-même. Quand on commence à banaliser la démocratie en disant « il faut mettre de l’ordre à tout prix, y compris par des méthodes violentes et non démocratiques », on risque d’atteindre un point de non-retour. La démocratie n’est pas un acquis mais une bataille constante, l’humanité a mis longtemps à la découvrir.

 

La fin de l’Histoire, ce n’est donc pas pour demain…

 

Eduardo Rihan Cypel : Je suis plutôt disciple de la fin de l’Histoire chez Hegel que chez Fukuyama. Quand j’ai lu Fukuyama, j’étais jeune étudiant en philosophie et connaissais déjà Hegel. La guerre était d’ailleurs encore là, en Europe même, dans l’ancienne Yougoslavie.

Tant qu’il y aura des hommes et des contradictions entre les hommes, il y aura l’Histoire. Fukuyama pensait qu’avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique, nous irions tous, de manière inexorable, vers un progrès continu et des démocraties libérales et heureuses, tellement heureuses qu’elles sortiraient de l’Histoire. On voit bien que le monde est plus compliqué que cela.

Nous sommes dans un véritable désordre mondial et devons faire face au dérèglement climatique, qui est sans doute l’une des plus grandes crises que l’humanité ait eu à affronter depuis qu’elle existe. Il s’agit d’une crise si globale qu’elle pourrait conduire à la disparition de l’humanité et d’autres formes de vie sur terre. On dit souvent qu’il faut sauver la planète, mais ce n’est pas la planète qu’il faut sauver, c’est l’humanité.

 

En effet, on en parle moins, mais le programme de Bolsonaro est particulièrement inquiétant quant aux questions écologiques.

 

Eduardo Rihan Cypel : Il risque de livrer l’Amazonie aux groupes qui représentent des intérêts privés. Et là, nous ne parlons plus uniquement du Brésil ; nous parlons du poumon du monde. Il faut bien sûr respecter la souveraineté brésilienne, mais les autres pays doivent aider à la préservation de l’Amazonie. C’est une responsabilité mondiale, une affaire qui concerne tout le monde, toute l’humanité.

 

Des deux candidats, il est pourtant celui qui, bizarrement, rassure les marchés.

 

Eduardo Rihan Cypel : Bolsonaro a un double visage, celui du populiste autoritaire antidémocratique et prodictature, et celui du néolibéral. C’est quelque chose qui se rapproche de ce qu’on a connu sous Pinochet au Chili. Et en cela il se distingue de la stratégie de Marine Le Pen qui est davantage protectionniste.

Le Brésil risque de sombrer dans une formule néolibérale dont on sait qu’elle ne marche pas, qu’elle ne favorise que les intérêts des puissants. C’est d’ailleurs intéressant de voir les milieux économiques nord-américains, comme le Wall Street Journal, soutenir ce candidat.

 

La campagne de Donald Trump a été marquée par les fake news via Facebook. Il en est de même aujourd’hui au Brésil avec la campagne de Bolsonaro. Un scandale a éclaté lors de l’entre-deux-tours suite aux révélations de financement par des entreprises d’envois massifs de messages anti-PT et de fake news via des groupes WhatsApp (une vraie institution au Brésil). Suite à son accident, Bolsonaro a d’ailleurs mené sa campagne quasi-exclusivement sur les réseaux sociaux. Est-ce que les campagnes politiques vont désormais se jouer là ?

 

Eduardo Rihan Cypel : Bienvenue dans le populisme 2.0. Le néopopulisme à l’ère du numérique produit cela. Ce sont des recettes qui existent depuis l’apparition de la tyrannie mais qui ont été couplées avec des stratégies modernes de communication et d’expression qui atteignent l’individu là où il est, sur son smartphone, et ce aussi bien sur les réseaux sociaux qu’à travers, surtout, les mass media. Il ne faut pas oublier que ce qui fait essentiellement l’opinion ce sont les mass media.

Jair Bolsonaro a été victime d’une attaque au couteau inacceptable – que je condamne bien entendu fermement. Cette attaque l’a victimisé et a participé à la légitimation d’une campagne 2.0. En voyant les images quasi christiques de son évacuation, j’ai compris qu’il aurait de bons scores au premier tour. Ce coup de couteau intolérable est par ailleurs survenu après d’autres séquences de violence, y compris avec des armes à feu. Les caravanes de la campagne de Lula ont été ciblées par des tirs. Et une élue municipale de Rio de Janeiro, Marielle Franco, a été assassinée par balles.

 

Le PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne) était attendu au second tour. Il n’a finalement récolté que 4,76 % des voix. Comment Bolsonaro est-il parvenu, avec son petit parti, à battre l’un des plus grands partis du pays ?

 

Eduardo Rihan Cypel : La droite a joué, durant des années, au même jeu que Jair Bolsonaro. Elle s’est trouvée laminée par un candidat qui est allé plus loin dans la radicalité.

Depuis Platon, on sait que la démocratie est fragile et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Platon n’était pas démocrate, contrairement à Socrate. Platon trouvait que la démocratie était un régime faible qui pouvait vite tomber dans la tyrannie.

Toute démocratie est fragile et peut être victime d’un coup mortel de la tyrannie qui pointe.

 

Comment expliquer le fait que, au Brésil, des tags représentant des croix gammées se multiplient lors de cet entre-deux-tours ?

 

Eduardo Rihan Cypel : Ce sont des signes de rupture avec la démocratie. De même qu’on a vu, en France, il y a quelques semaines, une inscription antisémite dénonçant la présence de Juifs dans un immeuble. Pourquoi cela n’arriverait-il pas au Brésil ?

Le Brésil a jadis sauvé beaucoup de monde. Si je suis brésilien, c’est parce que mon grand-père a pu fuir ce qui allait devenir le ghetto de Varsovie grâce à un visa accordé en 1939.

Mais en ce moment où il n’y a plus de limites, plus de surmoi, les pulsions se déchaînent et la violence se libère à travers tous les symboles de haine. Ils ont même torturé une jeune femme en lui tailladant une croix gammée sur le ventre et il y a eu soixante-dix attaques homophobes en à peine quatre jours.

Je prédis, hélas, une montée brutale de la violence, et de la violence entre les Brésiliens.

 

Comment cela se fait-il que des Noirs votent pour un raciste, que des femmes votent pour un misogyne ?

 

Eduardo Rihan Cypel : Ce vote est sans doute dû à ce que l’on appelle l’aliénation. Le psychisme humain est très complexe. Charles Melman, un grand psychanalyste, a ouvert une série de conférences par une séance inaugurale nommée « L’inconscient est le politique ». Il y démontre comment le populiste, le tyran, fait appel à cette partie de notre psychisme qui demande une forme d’autorité équivalente à l’autorité maternelle ou paternelle. Pourquoi à un moment donné se laisse-t-on séduire par le populisme ? Si on ne croise pas les données politiques avec des données sociales et psychologiques, on aura du mal à comprendre la nature des phénomènes qui agitent aujourd’hui notre société.

 

Comment les populistes parviennent-ils à manipuler cette aliénation ?

 

Eduardo Rihan Cypel : Les populistes démagogues, tous ces apprentis tyrans, savent repérer ce que j’appelle, avec d’autres amis, les douleurs contemporaines d’une société. Cette peur de l’avenir, ce sentiment d’abandon qui frappe nombreux de nos concitoyens sont récupérés par ces figures-là.

Bolsonaro au Brésil, Salvini en Italie, Trump aux Etats-Unis…. Chacun a ses particularités mais ils mobilisent tous les douleurs d’un peuple de manière négative. Ils jouent sur les pulsions qui réclament des coups de force et d’autorité pour affronter les difficultés que la démocratie ne parvient pas à régler. Quand les gens sont aussi désespérés, ils s’en remettent à des solutions d’autorité quasi tyranniques, réactionnaires, et en tout cas populistes. La grande question c’est comment, aujourd’hui, la démocratie peut lutter contre ça ; comment ceux qui viennent, comme moi, du camp de la gauche modérée se situent. Ça suppose qu’on ait une bonne grille d’analyse de la situation et que, au lieu de se diviser, on regroupe nos forces.

 

Mais, justement, comment se protège-t-on de la tyrannie ?

 

Eduardo Rihan Cypel : Il faut de nouvelles Lumières. Le siècle des Lumières a remporté la bagarre parce qu’il a imposé la raison comme champ de discussion. La rationalité était l’arme par laquelle les philosophes des Lumières et toute l’intelligentsia de l’époque ont réussi à avoir raison de la monarchie absolue de droit divin.

La démocratie est aujourd’hui en danger. Elle doit se remettre en question, tenter de comprendre pourquoi elle a été incapable d’intégrer tout le monde et se réinventer. Tous les progressistes, les politiques, les intellectuels, les gens de culture, la société civile doivent s’emparer de ce sujet afin qu’on instaure de nouvelles Lumières dans un siècle nouveau qui a besoin d’avoir une vision du progrès humain – je dis bien progrès humain et pas progrès de la techno-finance qui fabrique des millions de perdants pour ne faire bénéficier qu’une petite élite.

La démocratie ne s’en sortira pas autrement, on ne peut pas lutter avec les armes des populistes. Tandis que le populisme fait appel aux instincts et à l’irrationnel, la démocratie perd dès lors qu’elle ne fait pas appel à la raison, à la rationalité, au bon sens qui, selon Descartes, est « la chose du monde la mieux partagée». A mon avis, il s’agit là d’un principe essentiel de la démocratie puisque si tous les hommes sont égaux en raison, c’est donc qu’ils peuvent se gouverner eux-mêmes comme des citoyens libres et égaux.

On doit aller sur le terrain et réimposer un cadre rationnel de débats inclusifs, qui est la nature même du régime démocratique. Les valeurs démocratiques doivent être viscérales, on ne peut s’accommoder de voir autant d’inégalités. Aucune démocratie ne peut survivre avec autant d’injustices.

Il faut qu’on ait un cadre commun. Et aujourd’hui M. Bolsonaro sort du cadre de la démocratie, il sort du cadre de la rationalité, de la raison. Il n’est pas dans la tradition des Lumières, il est dans celle de la force. Il s’agit d’un problème qui dépasse le cas brésilien, mais dont le Brésil nous offre une figure particulièrement inquiétante parce qu’elle prend des airs de compatibilité avec la démocratie.

Ce qui me donne un peu d’espoir c’est que je me dis que s’il est élu surgiront forcément des résistances qui viendront des milieux culturels, des intellectuels et des profondeurs de la société au Brésil – parce que les premières victimes seront les plus démunis.

 

En cette veille de scrutin, quel message adresseriez-vous aux Brésiliens ?

 

Eduardo Rihan Cypel : Je tiens à dire à tous mes amis brésiliens qu’on ne peut pas mettre les deux candidats sur le même plan. Je rappelle quand même que le Parti des travailleurs a lutté pour le retour de la démocratie au Brésil, ses membres ont été victimes de la dictature militaire. Lula a fait de la prison.

Ce serait par ailleurs très curieux que de mettre toute la responsabilité de cette crise sur le PT. Je ne peux que voir une haine de classe derrière ces sentiments extrêmes. Est-ce qu’on peut laisser un apprenti sorcier nostalgique de la dictature prendre les rênes du pays parce qu’on ne veut pas voter PT ?

On peut reprocher bien des choses au Parti des travailleurs mais Fernando Haddad est un homme intègre. Je le connais, il est capable de remettre la société brésilienne et la classe politique dans une dynamique positive, avec des réformes qui vont renforcer la démocratie – et non l’affaiblir comme le prône Bolsonaro. Le candidat du camp démocratique, c’est Fernando Haddad. Et c’est tout l’enjeu de ce second tour.