«Quelque chose s’écrit avant l’écriture»
Andréas Becker.

Lire L’Effrayable, c’est se glisser dans le texte quitte à laisser sa peau sur les murs du soupçon. Rencontrer l’écriture de Becker, c’est apprendre le «subconditionnel du passé participé», c’est se cogner au «Passé surcomposé» et se casser la gueule sur le «Conditionnel de la subjonctivité deux».

Bref, pour s’inscrire à l’École Becker et apprendre une Langu’Autre il faut bosser grave, prendre quelques coups et payer de sa personne. Droits d’inscription en livres de chair.

Surtout ne pas «jouer» au psychologue, encore moins au «psy-qui-canaliste», mais être un lecteur singulier, suivre celui qui… «écrit jusqu’à s’arrachalasser la peauterie du corps».

Alors, «j’e» me présente, main ouverte, non masqué et désir de l’analyste collé derrière l’oreille comme un chewing-gum en attente de machouillure. Mon estime pour lui navigue toutes voiles dehors malmenée de Charybde en scylla ! Et puis de l’amour… bien sûr. Sinon à quoi bon ? C’est lui le Maître à bord, il donne le cap… Larguez les amarres !

Reculer devant l’Unheimlich… ? Hors de question ! Il y a «anguillement sous rocherie» chez l’homme-Becker, il se balade toujours, l’inquiétante étrangeté en bandoulière et le réel dans la poche.

Non mais sans blague ! On ne s’en tire pas comme ça… avec lui.

– Si j’aurais su, j’aurais pas v’nu !
– Ben oui, mais trop tard… mon gars!

Me voilà embarqué avec un aller-simple (pas si simple que ça) dans une écriture qui «casse la lettrerie, cette fausse-pudibonderie du motissement».
Ah ! Il me mène la vie dure ce Becker, je suis tombé sur un bec-erre… Non seulement il me mène la vie dure, mais provoque la vidure… celle du sens et de la bien-pan-sens. Me voilà sens-dessous-dessus.

– Eh ! M’sieur Becker, comment ça s’écrit le dernier souffle M’sieur Becker ?
– Eh! M’sieur Becker, comment ÇA s’écrit l’animalité feulante qui dit que la vie est encore là… encore un peu… Encore ?
– Eh ! M’sieur Becker, comment ÇA s’écrit que mon père il est mort et que je voulais pas ?
– Eh ! M’sieur Becker, c’est quoi l’réel ?
– Eh ! M’sieur Becker, c’est quoi une « petite fillasse qui a eu-t-été » ?

Il dit : «Le peu que je sais dire, je ne sais que le contredire» (Les invécus, éd. de La Différence)… Me voilà dans d’beaux draps !

M’sieur Becker, c’est Andréas. Andréas, c’est l’écrivain qui se méfie des belles phrases, «de toute belle langue qui fait le lit des idéologies mortifères».

Et en plus, il fait des films et il peint… le diable !

Becker, un écrivain qui ne me laisse pas tranquille… amoureusement.