L’écrivain et éditeur Michel Butel est mort hier, le 26 juillet 2018, à l’âge de 77 ans.
Il a été à l’initiative de divers journaux : L’Imprévu (quotidien, fondé et dirigé avec Bernard-Henri Lévy, 1975), L’Autre Journal (mensuel, un temps hebdomadaire, 1984-1992), Encore (hebdomadaire, 1992), L’Azur (4 pages, hebdomadaire, 1994-1995) et L’Impossible, dont le premier numéro est sorti le 14 mars 2012 avant de voir ses parutions interrompues, en septembre 2013, par la maladie. Michel Butel a également publié cinq livres, et notamment L’autre amour (Prix Médicis en 1977). Retour, à travers ce fragment ancien, sur ses liens avec le directeur de La Règle du jeu.
Extrait de La guerre sans l’aimer (Grasset), de Bernard-Henri Lévy. Pages 131, 132, 133.
Dimanche 20 mars 2011 (Où il apparaît que la Libye ne sera pas l’Irak)
Messages de «félicitations»… On a beau dire : cela fait bizarre, pour un intellectuel, de recevoir des félicitations pour une guerre qui, si juste soit-elle, reste une guerre et va forcément faire des morts, des blessés, des dégâts en tous genres, des destructions. L’idée donne le vertige. Elle plonge dans les abîmes de perplexité. Et je passe l’essentiel de la journée cloîtré dans ma chambre, n’appelant personne, ne répondant à personne, et surtout pas aux journalistes.
Je ne fais, en vérité, qu’une exception. Butel. Michel Butel. Je l’ai rappelé, lui, tout à l’heure, après l’étrange et beau message qu’il m’a adressé, quelques minutes après la première frappe sur les faubourgs de Benghazi. «Bernard, disait-il. Depuis toujours nous le savons : ce que nous avons fait de nos vies et de cette “fatalité”, notre caractère, doit un jour affronter l’Événement qui le démentira, l’humiliera, le contrariera ou – par miracle – le confirmera, l’exaltera et le magnifiera. Tu viens de passer le Grand Examen. Ce que tu avais créé auparavant menait là. J’étais parfois en désaccord, parfois irrité. Aujourd’hui, ces jours-ci, je suis simplement heureux de t’avoir rencontré, heureux que nous soyons ces drôles d’amis, lointains souvent, mais proches dans toutes les circonstances sérieuses. Je t’embrasse. Michel».
Oui, mon cher et drôle d’ami. Nous ne nous sommes plus beaucoup vus, ces derniers temps, c’est vrai. Je ne sais même plus, tout à coup, si je suis toujours du petit groupe qui cotise à l’association 1901 créée par ses anciennes femmes et maîtresses pour assurer la préservation du monument national qu’il est, à leurs yeux, devenu. Mais je me souviens de L’Imprévu. Je me souviens de la place qu’il a eue dans ma vie, avant d’autres, plus que d’autres, de «meilleur ami» en titre. Je me souviens du temps – mais est-il sûr qu’il soit révolu ? – où son intelligence, sa part de génie ainsi que la désinvolture «debordienne» de son style de vie et de pensée m’impressionnaient au plus haut point.
De tous les messages que je reçois, le sien est celui qui me fait le plus plaisir.
La Une du premier numéro du quotidien L’Imprévu, créé et dirigé par Michel Butel et Bernard-Henri Lévy.
L’annonce de l’attribution du Prix Médicis à Michel Butel pour «L’autre amour» (Mercure de France) avec l’extrait d’une critique de Bernard-Henri Lévy.