A l’ère de Snapchat et des buzz d’un jour, qui prend encore le temps de faire œuvre de philosophie ? Épineuse question appelant un faisceau de réponses. Cherchons donc. La face la plus visible de l’iceberg semble se situer à la télévision. Pourtant, du fait de l’exigence de vulgarisation, la pensée est souvent caricaturale sur le petit écran. A la radio, le contexte est tout autre. Bien servi par Adèle Van Reeth (France Culture) et Raphaël Enthoven (Europe 1), l’amour de la sagesse se fait agile et curieux. Bien aidé par l’émergence du podcast, il conquiert des auditeurs avides de décryptage, désireux de trouver un moment de respiration dans le tumulte. Et puis, il y a l’université. A l’abri des caméras et des micros, des penseurs prometteurs y développent des pensées passionnantes. Citons ici, Avishag Zafrani (appelée à un bel avenir), Markus Gabriel, Medhi Belhaj Kacem, Raphael Zagury-Orly, Tristan Garcia, Joseph Cohen. Autant de cerveaux brillants s’épanouissant loin des courbes d’audience et des applaudissements sur commande. Reste qu’à l’époque du personal-branding, évoluer aux marges du système médiatique revient (malheureusement) à condamner ses travaux à l’invisibilité. Comment sortir de l’ornière ? Prenez donc Marie Robert ! Professeure de philosophie et directrice pédagogique adjointe des écoles Athéna Montessori, cette dernière publie Kant tu ne sais plus quoi faire il reste la philo, aux éditions Flammarion. Un livre drôle et profond, écrit sous la forme de douze récits modernes pour face aux «surprises de la vie». Pour Robert, il s’agit de «sortir la philosophie des bibliothèques pour la replacer au cœur de nos soirées, de nos rencontres, de notre travail, et surtout, de notre quotidien». Pour ce faire, l’auteure met en place un dispositif astucieux : elle développe douze situations, du dimanche fastidieux passé chez Ikea à la première rencontre avec ses beaux-parents, de la mort de son animal de compagnie aux difficultés de la vie en communauté. Douze récits pour douze concepts. Une approche diablement efficace qui réussit à capter l’attention de publics réputés hermétiques à l’exercice philosophique. Les journalistes s’emballent. Du magazine Elle à Grazia en passant par France Inter, Marie Robert ouvre de nouveaux terrains de conquête réflexive. A tel point que Brut, media en ligne connu pour ses vidéos virales, a récemment consacré une pastille à la jeune philosophe. A la clef : déjà 200.000 vues. Heidegger, Levinas, Bergson et Epicure retrouvent ici leur fonction primaire. Robert explique: «l’acte philosophique ne se situe pas seulement dans la connaissance, mais dans tout ce qui peut améliorer notre vie, nous soulager, nous préserver, nous permettre de créer de la distance avec ce qui nous attend». On appréciera l’approche moderne de Robert, son sens de l’humour permettant de contourner les difficultés didactiques. En cela, Kant tu ne sais plus quoi faire il reste la philo ressemble à son auteure. Il s’agit d’un livre malin et pédagogique, étendant sans complexe le domaine philosophique.

 

Un commentaire

  1. Il s’agit d’un livre très « rigolo ». Ouvrage léger sans prise de tête, ce qui fait du bien lorsqu’on a envie de bouquiner quelques minutes en attendant le train. Il y a beaucoup de chose dans cet ouvrage, sauf de la philosophie! C’est assez fort car Marie Robert a réussi le tour de passe passe : parler d’auteurs sans parler de philo et ça c’est quand même super agréable. Avant que je rentre en médecine, je ne comprenais rien à la philo maintenant que je termine mon internat je me rends compte que même les philosophes n’y comprennent rien mais ça n’est pas grave.