Ainsi donc, deux voitures-béliers.

L’une, à Charlottesville, conduite par un néonazi, fon­çant dans la foule des contre-manifestants – et c’est un miracle si elle n’a pas fait plus de morts.

L’autre, conduite par un islamiste, lancée sur les Ramblas de Barcelone, à l’aveugle – et y faisant 15 morts et 126 blessés.

Par-delà la coïncidence des modes opératoires, par-delà ce nouveau signe que les fascismes finissent toujours, à un mo­ment ou à un autre, par se ressembler, les deux événements diffèrent presque en tous points.

1. A Charlottesville, il y avait non pas, évidemment, «deux côtés», comme l’a dit et répété Donald Trump, mais deux camps qui se faisaient face, deux visions de la société et du monde que tout opposait. A Barcelone, par contre, il n’y avait qu’un camp, celui du nihilisme et de la mort pour tous, absolument tous, sans cible privilégiée ni exception : la terre entière, partis, nationalités, religions (y compris, bien sûr, musulmane) confondus sur les trottoirs d’une ville haïe parce qu’elle était une ville – tous marchant, tous mêlés dans l’innocence du paseo, de la promenade sans but, du plaisir d’être ensemble.

2. Les assassins de Charlottesville sont identifiés ; les Da­vid Duke, Richard Spencer et autres «Baked Alaska» qui les ont enflammés et poussés au crime passent à la télé, et on sait où les trouver si on décide de leur demander des comptes. Les auteurs de la tuerie de Barcelone étaient anonymes, camou­flés, hommes sans nom ni visage jusqu’à l’instant du passage à l’acte et de sa renommée éclair, presque impossibles à voir venir – et, quant à leurs donneurs d’ordre, ils sont terrés dans ce qui reste, entre l’Irak et la Syrie, du prétendu Etat islamique ; ils sont prêts, s’il le faut, à transporter leur QG bivouac sous des cieux plus favorables ; ils sont invisibles, insaisissables et le resteront probablement longtemps.

3. On a une idée, face à Charlottesville, de ce qu’il convien­drait de faire ; on sait, même si la Constitution américaine rend, pour l’heure, la chose impensable, que des lois du type de celles qui existent en France ou en Allemagne et qui pros­crivent l’expression publique d’opinons qui sont, en fait, déjà des délits réduiraient considérablement la menace. Face à Barcelone, on est devant l’inconnu et le vertige ; il n’y a au­cune solution en vue, absolument aucune, sauf celle des larmes et du deuil, pour venir à bout d’une armée secrète et sans frontières où permis de conduire vaut permis de tuer et où on peut décider de frapper au hasard – n’importe quel lieu, n’importe quelle ville, pour peu que s’y trouvent des prome­nades et, sur ces promenades, des piétons, des passants et un parfum de douceur de vivre.

4. Les assassins de Charlottesville étaient mobilisés pour la défense d’un monument à la gloire d’un général sudiste partisan de l’esclavage ; c’étaient, ce sont, les nostalgiques d’un passé qui ne passe pas mais qui n’en demeure pas moins résolument has been; et ce retour du refoulé, cette sortie des racistes hors des égouts où cinquante ans de bataille pour les droits civiques les avaient refoulés ne nous apprennent rien de nouveau sur leur idéologie sordide mais rance. Les isla­mistes de Barcelone, de leur côté, sont les sous-produits d’une nébuleuse de formation plus récente, en expansion et dont nul ne peut prédire où s’arrêtera la course : déjà, en vingt ans, des dizaines, pour ne pas dire des centaines, de milliers de morts – et un livre noir dont on a tout lieu de craindre que, du Pakistan aux Philippines, des déserts africains aux ban­lieues européennes ou aux métropoles américaines, il ne soit pas près de se refermer.

5. D’autant, dernière différence, que l’attaque de Char­lottesville a fait l’objet, dans le monde entier, d’une réproba­tion claire, sans réserve – et la résurgence du nazisme dont elle témoignait et qui est apparue là, soudain, mise à nu s’est heurtée, aux Etats-Unis mêmes, au mur d’une presse, d’un Congrès, d’une opinion, en un mot d’une démocratie qui op­pose aux tenants de l’«America First» et aux monstres qu’ils enfantent une résistance de fer. Face à l’horreur de Barcelone, en revanche, les réactions continuèrent d’être, en Catalogne, en Espagne, mais aussi dans le reste de l’Europe et du monde, embarrassées, confuses, parfois obscènes – fascisme ou pas fascisme ? islam ou pas islam ? les assassins du petit Julian Cadman, 7 ans, dont le nom vient de s’ajouter au décompte macabre, ont-ils eu une enfance difficile ? viennent-ils d’un milieu défavorisé ? relèvent-ils de la psychiatrie ? n’est-ce pas notre coupable islamophobie qui aurait décidé, in fine, de leur radicalisation ?

Tout cela pour dire qu’il faut se garder des fausses symé­tries – même et surtout quand la noirceur des temps, et ses ruses, nous les offrent sur un plateau.

Quelque effroi qu’inspire l’idée que les cagoules du Ku Klux Klan, ses flambeaux, ses lynchages persistent à hanter une frange non négligeable et peut-être grandissante de l’Amé­rique, quelque stupeur où puisse plonger le spectacle d’un président Trump incapable de nommer le crime, refusant de le condamner et prenant le risque, ce faisant, de fragiliser en­core davantage le pacte fondateur de l’Amérique contempo­raine, quelque devoir qu’ait, enfin, l’humanité moderne de faire face, avec une détermination égale, aux deux têtes de la Bête, c’est le fascislamisme qui, avec son viva la muerte de Barcelone, a la vie, la mort et, hélas, l’avenir devant lui.

12 Commentaires

  1. Pourquoi la disparition de la biodiversité est vraiment inquiétante, en questions cognitives aussi…

  2. Du temps de François Hollande, on sentait l’intelligence de la langue machiavélienne tandis que le réel devait rester tapi dans la Révolution démocratique mondiale qui est, à l’évidence, un stupéfiant contre-révolutionnaire. Aujourd’hui, la présidence de la République semble croire ce qu’elle dit. On en claquerait des dents si l’on se détournait des répliques mutiques et non moins rémanentes du grand Michel Bouquet lors de l’investiture de notre cher Élu. Le come back du saddamite de droite que la Chomskie des années Ben Laden s’était choisi pour vice-guru n’est pas fait pour nous rassurer davantage, à moins qu’il ne s’agisse d’une autre séquence de nature strictement dramatique.

  3. … « Il est surprenant de constater que les mots Aadhaar et Al-Qaïda ont la même signification et veulent dire : base de données ; Manu Joseph l’a souligné dans un article paru dans Live mint [19]. On pourrait également ajouter que Aadhaar et Al-Qaïda sont tous deux les … » fils illégitimes de la même mère !

    Shelley Kasli

  4. on sent une vague, mais néanmoins certaine, mansuétude pour les assassins de Charlotteville de la part de l’auteur

  5. Le KKK ne représente pas les USA. Le terroriste de Charlottesville n’est d’ailleurs soutenu ni par le camp démocrate ni par le camp républicain. En revanche, aussi valeureux que fût leur non-dit, j’entends par là leur condamnation sans appel de la guerre sainte coranique dont nous espérons qu’elle ne dissimulait pas la volonté de protéger quelques salopards salafistes menacés de mise à pied, ce ne sont pas deux ou trois femmes voilées qui parviendront à pousser dans l’angle mort de la conscience internationaliste le nombre peu décroissant d’Oumméens que nous nous refusons à voir apporter un indéfectible soutien à la Mohammedjugend, cette nébuleuse qui a la fâcheuse habitude de procrastiner, génération après génération, la sortie du tunnel fondamentaliste. Taisons-le, contestons-le s’il le faut. Persuadons-nous de la véracité des prophéties autoréalisatrices que nous larguons depuis les ciels ennemis, mais alors, changeons de métier si nous avions prévu de nous lancer dans la diplomatie, officielle a fortiori. Les cousins issus de germain des martyrs de Daech ne se comptent pas par milliers, mais par centaines de millions. Cela, hélas, n’aurait aucune chance d’avoir lieu si le pilotage du Jihâd avait été abandonné à sa spectaculaire piraterie. Si le ver totalitaire pouvait se volatiliser avec Abou Bakr al-Baghdadi, il aurait déjà été englouti avec Oussama ben Laden. Les marchands de mort ouvrent chaque jour des filiales étrangères, modulables à souhait sur la fréquence mentale des zones de guerre condamnées à ployer sous le joug de leur société multinationale. Bientôt, ce sont les magasins de cadavres qui envahiront nos rues. S’il est des peuples rétifs aux réformes d’État, il demeure des États hostiles à toute espèce de réformisme. L’ONU doit recommencer de veiller à ce les cosignataires de sa Déclaration agissent en conformité avec la Réforme internationale qu’elle avait mise en œuvre au lendemain du Désastre. Contrairement à elle, je tremble tel l’agneau du Maharal sous les coups de marteau et frôlements de faucille du Hamas. Vite, je me ressaisis, pensant à ce que pourrait accomplir l’anomalie nazislamiste dès lors qu’on la convaincrait qu’elle est en capacité de monnayer la restitution des corps des prochains martyrs du Jihâd dont, un nanomètre plus loin, les commanditaires de Daech comprendraient le prix exorbitant qu’ils pourraient en tirer au sortir d’un happening sanglant. Je pleure Oron. Je pleure Hadar. Je mesure ce que notre démocratie mondiale doit aux jeunes hommes et femmes partis de si bonne heure défendre l’anation prototypique nécessairement prise pour cible globaliste par un État fasciste. Tsahal est la victime paragénérique du millénarisme pan-nationaliste pour la lutte duquel l’exopalestinien ignore qu’il se démène. Il n’est pas de millénarisme dont la cause première ne soit déterminée par une question religieuse et dont la cause finale ne requière un axe politique. En raison de cela, n’espérez pas que nous nous oubliions au point de rendre nos martyrs complices de leurs propres bourreaux en accouchant d’une horde inhumaine dont je peux imaginer qu’ils n’auraient pas souffert qu’elle eût les mains libres pour aller opérer, en échange de leurs propres dépouilles, le faux miracle de la multiplication des morts. La torture est d’autant plus intense que nous la subissons avec ceux qui ont donné leurs vies pour nous, mais la malédiction dont les profanateurs cherchent à nous frapper ne déborde pas leur fosse de conscience purulente. Nonobstant le néant grandissant, notre situation morbide n’est rien en regard de celle qui fut et continue d’être infligée à nos morts. Hadar Goldin et Oron Shaul n’ont pas achevé leur mission. Ils poursuivent le combat du monde à venir contre le démonde. Tenons-nous à leur côté. Ne les abandonnons pas à l’instant le plus crucial de cette bataille pour une paix qui ne se paierait pas de mots. Permettons-leur de couronner deux nobles vies d’un accomplissement digne de leur sacrifice.

    • Diplomascoop 1 : Il y a un monde après l’Europe. Un monde où l’on manifeste en foule contre Charlie. Des foules où l’on remercie Dieu en monde pour le juste châtiment qu’Il réserve, par la voie de Ses vaillants guerriers, aux horribles blasphémateurs ainsi qu’à leurs complices 11-janviéristes. Ce monde sait parfaitement distinguer entre, d’une part, la compétition sunno-chî’ite pour le trône mahométique et, d’autre part, la guerre totale contre le Grand Satan. Il n’ignore pas non plus le profit qu’il est possible de tirer de l’impuissance que montre un adversaire à faire un pas de côté hors de ses propres structures mentales eu égard à l’incroyable difficulté qu’il éprouve à retrouver, j’allais dire à poursuivre, dans le désert de Vérité, son chemin jusqu’à lui-même.

    • Diplomascoop 2 : Le dialogue multilatéral dépasse rarement le sauvetage des immeubles.

    • Diplomascope : L’extrême centre risquerait gros à recadrer les Français comme un ancien Président l’avait fait aux dépens d’un Premier ministre qui n’en resta pas là. Les Français ne sont plus de simples collaborateurs. Je conseillerai donc à EM de vite se retirer du portrait d’électeurs potentiels dont l’insaisissable majorité n’a pas encore entériné le fait que le libéralisme était antisocial dans le vain espoir que le socialisme pût continuer de se targuer d’être antilibéral. Les citoyens de notre adolescente démocratie ne toléreront pas qu’on les emmanche comme autant de Guignol. Ils s’opposeront à ce qu’on leur colle aux semelles un chewing-gum emmarcheur. Ils ne permettront pas qu’on les big-brothérise au point où leur visage lévinassien disparaîtrait sous une tête qui se serait affichée devant lui dès le deuxième battement de tambour de la Grande Lessiveuse. Et en même temps, je ne saurais m’inscrire en faux contre la réticence qu’éprouve Emmanuel Macron à reconnaître dans l’Arabie poreuse un Daech qui aurait réussi, car nous n’en sommes pas réduits à confondre Troisième Reich et divisions SS Das Reich dès l’instant que nous ne concluons pas de la qualité de vie des Berlinois de l’an 40 que leur empire ait été un parangon d’humanité.

    • Diplomatose : On ne prévient pas un exterminateur de ce qu’on s’apprête à faire. On le fait. On ne lui abandonne pas le champ de l’action comme si celui de la réflexion était tellement supérieur à l’autre qu’il se satisfaisait de ses propres limites. Non, il ne se suffit pas. Il ne nous suffit pas. Alors, on entre massivement dans le champ de vision du destructeur de masse. Aussitôt entré, on le laisse méditer à ce qui pourrait se produire si jamais il avait la stupidité d’avancer d’un pas au lieu de reculer. Il déploie ses armes, nous déployons les nôtres. Discernons, donc, cernons. Délimitons le territoire du droit de même que le dictateur Kim nous met en garde sur ce qu’il adviendrait de nous si nous avions la mauvaise idée de le faire vaciller sur le socle du non-droit. Au passage, nous essaierons d’évaluer le temps qu’il nous reste avant que nous ne soyons plus en mesure de violer l’intégrité territoriale d’États totalitaires dont le niveau de puissance ne leur offre pas encore la possibilité d’empêcher la Grande Armée des Forces internationales libres de renverser les régimes qui les ont vitrifiés.

    • Diplomattaque : Je propose que nous lâchions la bombe. J’entends par là la lâcher des yeux, vous comprenez… Voilà, comme ça… juste un instant. Le temps de confronter la dynastie Kim aux témoignages fantômes de plusieurs générations martyres. Toute dictature a son Livre noir. Usons-en à bon escient. Et cessons instamment de donner au braqueur l’occasion de bomber le torse. Braquer le projecteur au cœur même de la forteresse. Faire mondialement honte à un frimeur de classe internationale, c’est bien le moins que l’on puisse faire en termes d’éthique. L’ombre d’un commencement. Histoire de tromper la fin.

  6. Quand 100% des médias ou MSM sont aux ordres et débitent la même cantilène réductrice et mensongère, il serait pour le moins élégant et obligatoire pour ceux qui se considèrent borgnes dans ce monde d’aveugles de ne pas nous sortir les mêmes sornettes que ces 100% là, le Dr Paul Craig Roberts a plein de choses à dire sur cette dissonance cognitive et sur le conspirationnisme, lui qui fut conseillé de Reagan, il nous reste encore quelques bien voyants, âgés mais avec 2 eyes.

    • Les électeurs de Trump l’ont choisi pour mettre fin à la politique terroriste de Bush Jr. et Obama

      Les commentateurs à la mode n’ont jamais admis l’anti-impérialisme de Donald Trump et ont interprété sa politique comme isolationniste, ce qu’elle n’est pas.
      Une étude des professeurs Douglas Kriner et Francis Shen, publiée en juin, établit que les comtés ayant le plus voté pour Trump sont ceux ayant connu le plus grand nombre de morts en Afghanistan et en Irak. Le soutien populaire du président des États-Unis n’aurait donc pas grand chose à voir avec la révolte des « hommes blancs déclassés » comme on nous en rebat les oreilles, mais avec la dépression des familles qui ont perdu un de leurs enfants. Ils étaient partis généreusement pour établir la démocratie et sont morts là-bas pour installer le chaos.

      Dès lors, les électeurs de Donald Trump ne sont pas des « isolationnistes ». Ils sont parfaitement capables d’assumer l’envoi de renforts en Afghanistan si ils en comprennent et en partagent la finalité, c’est-à-dire si Washington change de politique.