Après l’excentrique, l’iconoclaste, la sulfureuse et, pour tout avouer, l’assez mauvaise triade d’expositions proposée, ces trois dernières années, par le musée d’Orsay en guise de grande manifestation de rentrée, l’institution déjà trentenaire a décidé de tourner la page des expos-exhibitions. Masculin/Masculin en 2013, Sade. Attaquer le soleil en 2014 et Splendeurs et misères. Images de la prostitution en 2015 tablaient toutes sur la sexualisation à outrance de l’œuvre d’art afin de faire recette, à la manière de la publicité et du cinéma grand public d’aujourd’hui. Mais, en 2016, Orsay retrouve sa pudeur et Orsay part à l’assaut de la foule parisienne avec une exposition bien sage, puisqu’elle a pour sujet une tranche chronologique de XIXe siècle prise entre deux dates, 1852-1870, qui correspondent à une période et une dynastie de l’histoire politique française du XIXe siècle : le Second Empire. Sur cette courte ère impériale, l’exposition englobe toutes les productions artistiques. Peintures et sculptures côtoient gravures, dessins d’architecture (ceux du concours public pour la construction de l’Opéra de Paris notamment), photographies, objets d’art décoratifs et pièces de mobilier. Le portrait d’une époque par les arts.

1852-1870 ce furent, en France, dix-huit années d’activité artistique intense, dix-huit années de contrastes forts aussi, où s’épanouirent côte à côte sans se mélanger, en s’ignorant presque, l’impressionnisme qui éclot et l’académisme qui arrive à maturation.

L’exposition n’entend pas fournir de jugement historique sur la période, bien qu’elle utilise l’histoire politique comme point de départ, puisque toute une section est dédiée à Napoléon III. Elle couvre la variété des productions artistiques de l’époque, en s’intéressant principalement, il faut le remarquer, à la classe qui, dans l’imaginaire collectif, la définit le mieux : la haute société bourgeoise ou aristocratique. Un espace géographique aussi pour cette « fête permanente » : Paris et ses environs.

Les élites, en peinture comme en sculpture, s’attachent les services des artistes sortis des rangs des écoles des Beaux-Arts, à Paris comme en région. C’est la peinture académique, honnie par Zola, rétrospectivement qualifiée de « pompier » mais qu’on a peu à peu appris à voir avec des yeux exempts de préjugés depuis une trentaine d’années. On retrouve donc dans l’exposition les mêmes peintres que l’on rencontre dans les collections permanentes du musée parisien (Cabanel, Gérôme, Léon Bonnat, Amaury Duval, Flandrin, etc.). Orsay a allègrement puisé dans ses réserves.

William Bouguereau, Napoléon III visitant les inondés de Tarascon, 1856, Tarascon, Hôtel de Ville.

Certaines œuvres sont, heureusement, moins familières à l’œil : c’est le cas d’un tableau de William Bouguereau, conservé à l’Hôtel de Ville de Tarascon et dont, mis à part les élus les plus alertes de cette ville et les spécialistes de ce peintre, personne n’a jamais dû entendre parler. Le tableau, dévoilé au Salon de 1857, représente la visite de Napoléon III à la ville provençale suite aux inondations qui l’avaient frappée au printemps 1856. C’est le thème du souverain portant secours à ses sujets frappés par le malheur et partageant leurs peines. D’un geste régalien, Napoléon III, en pied sur un canot, au centre de la composition, semble donner sa bénédiction, comme pour la guérir, à une jeune femme agenouillée sur le toit de sa maison. Les bras écartés, on ne sait si elle fait part de son malheur d’avoir tout perdu à l’empereur où si, en extase, devant ce souverain bienveillant elle le remercie de sa présence salvatrice. On est en plein dans ce qu’il est bien convenu d’appeler la peinture officielle. L’artiste se fait le dépositaire de la propagande du régime en traitant cette scène de fait divers comme une scène d’histoire, dans un écho assumé, d’ailleurs, à l’iconographie déjà promue sous l’Ancien Régime (Louis XIV soignait les écrouelles en touchant les malades qui en étaient affligés, Napoléon III sauve les inondés par sa simple présence). Le régime, venons-y.

S’intéresser au Second Empire, c’est s’intéresser à ce Louis-Napoléon Bonaparte, premier président (élu en décembre 1848) mais aussi dernier monarque qu’a possédé la France (à partir de 1852). Napoléon III est un mal-aimé de l’histoire, un de ces souverains qu’on aime à se représenter comme un pantin plus ou moins grotesque. Bien des raisons à ce jugement négatif : son régime dictatorial caché sous un semblant de démocratie à travers la mascarade des plébiscites (on parle, à son égard, de « césarisme démocratique »), sa passion des fêtes et des célébrations clinquantes, sa défaite ridicule et humiliante en 1870 face à la Prusse mais aussi le fait même qu’ayant été le dernier souverain en France avant la République, celle-ci une fois installée l’accabla de tous les maux.

Sous le règne de Napoléon III, Victor Hugo s’exila, Baudelaire et Flaubert furent condamnés par un tribunal pour atteintes aux bonnes mœurs, l’argent était roi, la spéculation avait bon train (relire La Curée de Zola) et le suffrage universel manipulé pour donner raison à l’Empereur et à sa politique volontariste et conservatrice. Les écrivains, les artistes libres, les Républicains, tous ceux-là qui font la voix de l’opinion, le détestèrent : et c’en fut fait de lui. Avaient-ils tort ? La France, sous son règne, était riche et le souverain n’eu de cesse de promouvoir l’entrée du pays dans la modernité, lui qui devait à tout prix asseoir sa légitimité face aux forces royalistes et républicaines en obtenant des résultats concrets : destruction-reconstruction de Paris avec Haussmann (et arrivée du gaz et de l’eau), organisation des premières expositions universelles parisiennes pour rivaliser avec le Royaume-Uni, densification du réseau de chemin de fer en étoile à partir de la capitale, protectionnisme et accord bilatéral de libre-échange avec Londres, début de l’industrialisation de masse et de la modernisation rurale, relance des campagnes colonialistes pour accroître l’Empire français, interventionnisme français en Russie, en Italie, au Mexique. Napoléon-le-Petit n’a pas chômé. Il n’en reste pas moins que le neveu de Bonaparte n’a pas l’étoffe des grands souverains. Bien que César en France, on ne peut, évidemment, lui attribuer toutes les réussites du pays : l’industrialisation du pays était dans le cours des choses, conséquences des progrès technologiques de l’époque, et ses conditions furent déjà facilitées sous le règne précédent, celui du très libéral Louis-Philippe Ier. Napoléon III fut un empereur bourgeois et capitaliste, qui sut ne pas entraver les affaires mais se préoccupa peu de bien être social, fut un assez piètre tacticien face à la tenure de l’homme politique moderne, incarné, à la même époque, par le ministre allemand Bismarck, celui-là même qui l’attira de façon si facile qu’elle en est déconcertante dans le piège de Sedan où son empire, qu’il rêvait dynastique, s’effondra dix-sept ans neuf mois et deux jours après sa fondation.

L’exposition accorde, comme il se doit, ses premières salles à l’évocation de l’homme et de sa cour. C’est la vie intime, en style Point de Vue, qui est évoquée ainsi que la manière dont les artistes officiels servirent la propagande du régime, avec le Bouguereau des inondés, et le Gérôme représentant l’ambassade du Siam reçue par Napoléon III à Fontainebleau (singeant un tableau du XVIIe siècle de Claude-Guy Hallé du temps de Louis XIV). Les faits historiques délivrés plus haut ne sont pas abordés en tant que tels.

On voit, à travers portraits et bijoux, la bigote et sotte impératrice Eugénie, l’énergique comte de Nieuwerkerke, intendant des Beaux-Arts de la Maison de l’empereur et directeur du Louvre, on revit l’inauguration en grande pompe du canal de Suez où furent présents une grande partie des huiles du régime, on toise le lourd berceau du fils de l’empereur offert, comme le voulait la tradition, par la Ville de Paris pour fêter la naissance de l’héritier.

Édouard Baldus, Palais du Louvre, Construction des guichets et destruction de la Grande Galerie, photographie à l’albumine, années 1850.

Les arts sont au service d’un régime en quête de légitimité et des ses besoins d’autoreprésentation. Soit. Mais qu’en est-il de la proposition inverse : le régime au service des arts ? Cet aspect n’est pas évoqué au cours de l’exposition. L’empereur ne passe pas pour un grand connaisseur en matière artistique. Mais peu nous importe le goût personnel de Louis-Napoléon. Dans certains domaines, l’action de ses administrations fut tout à fait conséquente. Un exemple : le Louvre tel qu’on le connaît aujourd’hui est en large partie une création du Second Empire. L’architecte Hector-Martin Lefuel donna, en dix ans à peine, sa physionomie actuelle au palais-musée, construisant tous les pavillons de la cour Napoléon, achevant le doublement, côté rue de Rivoli, de l’aile du bord de l’eau, le long de la Seine (qui fut presque intégralement reconstruite). Jamais autant d’œuvres furent acquises pour le musée : la Victoire de Samothrace est découverte lors de fouilles françaises en 1861 tandis que pas moins de six mille objets viennent compléter la collection égyptienne (dont le Scribe accroupi). La collection Campana de peintures et d’antiques est achetée par Napoléon III et entre au musée en 1863. Elle se compose de près de douze mille objets et permet au Louvre de posséder l’une des plus belles collections mondiales de vases grecs à figures rouges et noires. Enfin, en 1869, le docteur Louis La Caze donne la majeure partie de sa collection de peintures, faisant entrer d’un coup 275 tableaux dont le Gilles de Watteau, la Bohémienne de Frans Hals, la Bethsabée de Rembrandt, le Pied-Bot de Ribera.

De quatre-vingt-neuf salles d’exposition sous la Seconde République, le musée du Louvre en possède cent-trente-deux sous le Second Empire.

Revenons aux salles d’Orsay. Le Second Empire est l’âge bigarré de l’éclectisme triomphant : son identité artistique c’est un mélange tonitruant de tous les genres, les styles, les époques. Le néo-gothique (apparu plus tôt dans le siècle), le néo-grec (apparu plus tôt aussi), néo-renaissance, néo-baroque, etc. Les intérieurs bourgeois se tapissent des décors les plus divers mais qui ont pour point commun l’exubérance et la variété. L’orient, chinois, japonais et arabe plaît, les objets de ces pays ou inspirés par eux prennent place aux côtés des meubles Louis XV et Louis XVI dans des hôtels particuliers construits dans le style du XVIIIe siècle. L’éclectisme triomphe en architecture et dans les arts décoratifs.

Le château d’Abbadia dans le pays Basque et celui de Pierrefonds près de Compiègne, reconstruit par Viollet-le-Duc pour Napoléon III, sont l’acmé du néo-gothique. L’hôtel de la Païva, célèbre demi-mondaine d’origine polonaise, emprunte son vocabulaire à Fontainebleau et à la Renaissance française. L’opéra de Charles Garnier est, lui, un mélange savant de références Renaissance et baroques et fait même quelques emprunts à l’art arabe dans le décor du plafond de la billetterie.

Cette construction intellectuelle qu’est l’éclectisme correspond au goût officiel. Mais ce n’est pas un pastiche : à son meilleur, comme à l’opéra susmentionné, c’est un bouquet de différentes références mêlées, savamment dosées, qui donne quelque chose de neuf. Longtemps considéré comme l’apothéose du mauvais goût par un XXe siècle qui s’est construit en réaction au XIXe, on commence tout juste à le réévaluer.

L’exposition n’évoque pas, étrangement, le plus important et, peut-être, le plus caractéristique de ces revivals du Second Empire : le style néo-Louis XV ou néo-rocaille, qui est celui que favorise pourtant l’élite citadine. Ce sont les hôtels particuliers de la plaine Monceau, là où habitent les Rothschild, les Pereire ou les Schneider, ces grands industriels qui sont les nouvelles fortunes du pays. Leurs demeures agrémentées de jardins d’hiver aux plantes exotiques et lascives reprennent l’architecture plaisante des Boffrand, Gabriel et autres architectes du siècle des Lumières. C’est aussi la passion des frères Goncourt pour les arts décoratifs si raffinés du XVIIIe siècle, les meubles estampillés des grands ébénistes, les peintres légers des fêtes galantes, le savoir-faire et le savoir être français d’avant la Révolution, qui, comme pour la langue, avait rejoint un paroxysme d’élégance et de sophistication. A partir du Second Empire, on aime à nouveaux les tendres Fragonard, les pâles Boucher, les Watteau papillotant de grâce et de couleurs pastel. L’âge festif du XIXe siècle aime l’âge festif de l’Ancien Régime. La grande bourgeoisie montante imite l’aristocratie décadente d’avant la Révolution.

Sous l’Empire florissant, grâce aux progrès des sciences et des techniques (c’est l’âge du positivisme, cette croyance absolue en le progrès), certaines productions artistiques s’industrialisent et, par voie de conséquence, se démocratisent quelque peu.

C’est le cas du portrait. Il n’est plus seulement peint mais également photographié. 350 ateliers de photographie essaiment à Paris. Cependant, le portrait peint est toujours le choix des plus aisés : une salle expose de somptueux portraits de Carolus-Duran, Ingres, Winterhalter (récupéré du régime précédent) et même Monet, dressant le portrait d’une époque narcissique.

Les divertissements (« la fête impériale ») sont, bien sûr, un volet important de l’exposition : les théâtres pullulent à Paris et sont le lieu de sociabilité par excellence. On construit ou reconstruit de nombreuses nouvelles salles telles que le théâtre du Châtelet et, son jumeau, le théâtre de la Ville, tous deux élevés par Davioud, l’architecte emblématique de l’éclectisme Second Empire, mais aussi le théâtre du Vaudeville, celui du Gymnase et les Bouffes-Parisiens, d’abord dénommé Bouffes d’hiver et qui appartient à Jacques Offenbach. Le célèbre compositeur possédait également les Bouffes d’été, aujourd’hui connu sous le nom de théâtre Marigny. Il y a encore la salle de la Gaîté, dans le Marais, due à Alphonse Cusin, un architecte mineur qui édifia également le théâtre des Gobelins en 1869, confiant les sculptures de la façade à un jeune étudiant de l’école des Beaux-Arts dénommé Auguste Rodin. Elles sont toujours en place au numéro 73 de l’avenue des Gobelins. De nouveaux genres s’affirment comme l’opéra-bouffe, mis au point par Offenbach, véritable entrepreneur dans le secteur des divertissements musicaux, dans ses deux salles d’hiver et d’été mais aussi au théâtre des Variétés. Les premières vedettes sont déjà des célébrités et des courtisanes de choix comme la chanteuse Hortense Schneider (interprète des succès d’Offenbach et amante du futur Edouard VII) ou la danseuse Eugénie Fiocre, que Degas représente costumée sur scène dans son sublime tableau intitulé La Source (1866-1868). Les milieux populaires ne sont pas en reste : les cafés-concerts tels que le Ba-ta-clan, l’Eldorado ou l’Alcazar d’été (l’actuel pavillon Gabriel) font fureur, surtout après le décret de 1864 libéralisant les théâtres. Les cafés-concerts accueillent tout ce qui n’est pas du théâtre et ont la particularité de pouvoir débiter des boissons. On y boit de l’alcool tout en voyant se produire chanteuses vedettes, comédiens interprétant des scénettes comiques, orchestres, danseurs et acrobates.

Jules Chéret, Affiche pour La Grande duchesse de Gerolstein, opéra-bouffe de Jacques Offenbach, 1867.

 

Pour pallier un sujet finalement bien connu dans ses composantes particulières (la peinture académique, l’éclectisme des arts décoratifs et de l’architecture, les divertissements et les loisirs, la « nouvelle peinture » impressionniste) et ne pas sombrer dans l’alignement banal d’objets et de tableaux pour la plupart issus des propres collections d’Orsay, les commissaires de l’exposition ont tablé sur les ressources de la muséographie, avec deux réussites, en l’occurrence les deux dernières salles de l’exposition.

 

Sur des murs dressés de rouge, la première reprend l’accrochage serré qui était en vogue au Salon au cours du XIXe siècle. Sur plusieurs rangs, les tableaux sont exposés à touche-touche, les plus petits en bas, les plus gros en haut et tout ce petit monde flanqué aux cimaises produit un effet de reconstitution saisissant. D’autant plus que toutes les œuvres choisies étaient bel et bien exposées au célèbre Salon de 1863. Toutes sauf une, Le Déjeuner sur l’herbe de Manet, refusé par le Jury, qui fut relégué au non moins célèbre Salon des Refusés que Napoléon III voulut bien organiser cette année-là, tant d’œuvres avaient été écartées du Salon officiel par son impitoyable jury de vieux académiciens. Cent cinquante ans plus tard, Manet entre au Salon et le nu réaliste et inconvenant de son Déjeuner toise la beauté lascive de la Vénus laquée de Cabanel qui plaisait tant aux bourgeois et triompha dans la manifestation officielle.

« Le Déjeuner sur l’herbe », de Manet, 1862-63.

La dernière salle, majestueuse par ses dimensions, est consacrée aux arts décoratifs, qui triomphent par leur exubérance et le savoir-faire qui y est déployé : dans une lumière tamisée qui les fait reluire, des vases dodus rose et or, des papiers peints fleuris aux mille couleurs, des bouquets de fleurs en bronze, de longues tables en marqueterie néo-Louis XIV et des coupes orientales en bel émail bleu et blanc se tutoient.

Là aussi, on est tout proche des arcanes du régime. Beaucoup des créations les plus extravagantes exposées ici trouvent leur origine dans deux initiatives politiques de Napoléon III. L’empereur, soucieux de faire rayonner le savoir-faire français et de contrer le tout-puissant Royaume-Uni, organise coup sur coup deux expositions universelles en 1855 et 1867, la première de ces foires mondiales ayant eu lieu à Londres en 1852. Il y met en scène le savoir-faire artisanal français, celui que les Britanniques ne parviennent pas à égaler : si la Grande-Bretagne gagne sur le plan industriel et technologique, la France devient plus que jamais le pays du luxe et des objets d’exception. De la mode en passant par les produits de l’art et le mobilier, le modèle artistique et culturel de l’Europe est dominé par Paris, primat qui ne disparaîtra qu’au milieu du XXe siècle.

Aux expositions universelles, où des médailles récompensant les créations les plus innovantes, les artisans traitent leurs œuvres comme de véritables inventions, à la manière des ingénieurs qui proposent leurs dernières machines et prototypes : ils réalisent des chefs-d’œuvre de technique, de minutie et de préciosité afin de faire montre de leur bravoure. A tel point que ces objets sont parfois totalement inutilisables tant ils misent sur la surenchère et l’hypertrophie pour se faire remarquer : des débauches de matières précieuses et de formes dégoulinantes qui puisent, une nouvelle fois, dans le passé leurs références stylistiques. Le médaillier de Charles Guillaume Diehl, qui invente le style néo-celtique et précède Astérix de cent ans, en est l’exemple paroxystique. Les bronzes d’ornement du médaillier, de véritables sculptures dues à Frémiet, sortent d’un peu partout et pèsent plus lourd que le bois qui constitue l’architecture de ce meuble unique aux relents de légende nationale. Pour cette création qu’il espérait voir achetée par l’Etat, Diehl ne reçut qu’une médaille de bronze à l’Exposition universelle de 1867 : déçu, il la déclina, tandis que le meuble ne se vendit pas.

Charles-Guillaume Diehl, Médaillier, 1866, Paris, musée d’Orsay.

D’autres productions sont d’un esprit moins compliqué. Les progrès technologiques, qui s’accélèrent au milieu du XIXe siècle, s’ils permettent de sophistiquer à l’envi les objets consentent aussi de produire rapidement et plus. Les sièges en bois des frères Thonet (basés à Vienne) en sont l’exemple. Ils sont réalisés de manière industrielle, à partir d’un procédé breveté : les pièces détachées sont assemblées au moyen de vis et de boulons et servent à composer un grand nombre de modèles. La chaise de bistrot n°14, mise au point en 1859, sera produite à quarante-cinq millions d’exemplaires jusqu’en 1903.

L’exposition d’Orsay n’apporte rien de fondamentalement nouveau sur la vision des arts sous le Second Empire, dont la réhabilitation a une histoire déjà longue. Individuellement, les arts proches du régime ont été ré-estimés à leur juste valeur depuis une trentaine d’années. Pour ce qui est du Second Empire en tant qu’entité compacte, comme d’une période artistique en soi, remarquons que, dès 1979, s’organisait un colloque en marge d’une exposition au Grand Palais intitulé « Faut-il réhabiliter le Second Empire ? ». L’exposition, on l’a dit, aborde assez marginalement de grands événements historiques liés à la période de même que la politique culturelle du régime. Ce sont les célébrations, les décors éphémères et les divertissements de la vie mondaine qui tiennent le devant. Un parti-pris, il s’agit ici d’arts, non de politique. Faut-il donc réhabiliter le Second Empire des arts ? Oui, il l’est déjà depuis longtemps.


Spectaculaire Second Empire, 1852-1870
27 septembre 2016 – 15 janvier 2017
Musée d’Orsay
Exposition temporaire

Un commentaire

  1. Superbe expo !
    Et premier article de  » La règle du jeu  » que j’apprécie étant anarchiste de droite Pro-Trump , pro-Bachar et pro-Poutine !