Dans les heures qui ont suivi l’élection, quelques incidents ont eu lieu.

A Durham, dans la nuit, sur un mur d’environ deux mètres de haut, une inscription a été taguée : «Black lives don’t matter and neither does your vote.» «La vie des Noirs n’a pas d’importance, votre vote non plus.»

En Caroline du Nord, un membre LGBT a trouvé inscrit sur sa voiture : «Can’t wait until your « mariage » is overturned by a real president. Gay families = burn in hell. Trump 2016.» «Vivement que votre « mariage » soit annulé par un vrai président. Famille homosexuelle = brûle en enfer. Trump 2016.»

Dans le Minnesota, au collège Maple Grove, des étudiants ont inscrit dans les toilettes : «Fuck Niggers, White only, Make America Great Again.» «On encule les Nègres, Réservé aux Blancs, Rendons à l’Amérique sa grandeur.»

Dans le Delaware, quatre hommes blancs, qui parlaient de l’élection, ont abordé une jeune fille dans une station essence, lui ont dit qu’ils étaient contents de ne plus avoir à faire avec les Noirs, et l’un d’eux lui a dit «How scared are you, you black bitch ?» «Alors t’as peur hein, saleté de pute noire?» Puis «I should just kill you right now, you’re just a waste of air.» «Je devrais te tuer tout de suite, tu gaspilles de l’air.» Elle s’est effondrée en larmes, sur le sol. Et un autre a pointé une arme sur elle en lui disant «You’re lucky there’s witnessesses or else I’d shoot you right here.» «T’as de la chance qu’il y ait des témoins sinon je t’aurais tiré dessus tout de suite.»

A l’université de Louisiane, une étudiante a été bousculée par deux hommes qui portaient une casquette Donald Trump, sur laquelle était inscrit «Make America Great Again», elle est tombée par terre. Ils lui ont donné des coups de pied, ils lui ont adressé des gestes obscènes, puis ils ont dérobé son portefeuille. A l’université de San Diego, une étudiante musulmane a été attaquée par deux hommes qui parlaient de Donald Trump et des musulmans, ils lui ont volé son sac à dos, son porte-monnaie, ses clés de voiture, puis ils sont partis avec sa voiture.

Dans le Colorado, à Greeley, une jeune fille hispanique est arrivée dans sa classe, elle a été accueillie par des élèves qui lui criaient «You’re still there !» «T’es encore là !» Et ils ont crié sur ses pas pendant qu’elle faisait demi-tour «Trump 2016. Build the wall.» «Trump 2016. Construisons le mur.» Elle a dit que de sa vie elle n’avait jamais éprouvé une telle honte ni une telle colère.

A l’université de Louisiane, à Lafayette, une étudiante musulmane, qui marchait en ville, a été agressée par deux hommes blancs, dont l’un portait une casquette de baseball marquée «Trump», ils sortaient d’un immeuble, ils l’ont frappée avec un objet en métal, elle est tombée, ils ont continué à la taper en lui adressant des commentaires obscènes, puis ils lui ont arraché son voile et son portefeuille.

Au Texas, à Baylor University, une étudiante rentrait chez elle, à pied, elle marchait sur le trottoir, un homme l’a poussée pour qu’elle en descende, et il lui a dit «No Niggers allowed on the pavement.»«Trottoir interdit aux Noirs.» Elle était tellement choquée qu’elle n’a rien répondu.

Dans l’Indiana, à Bloomington, une femme noire a été insultée par des hommes blancs qui étaient dans un camion, ils ont accéléré dans sa direction, et ils ont crié par la vitre «Fuck you nigger bitch.» «Va te faire foutre sale pute noire.» Puis ils lui ont dit «Trump is going to deport you to Africa.» «Trump va te déporter en Afrique.» En trente-trois ans, elle a dit que c’était la première fois qu’elle faisait l’objet d’un racisme aussi flagrant.

A Bloomingdale, en Floride, une femme faisait son jogging, un passant lui a crié «Go back to Africa.» «Retourne en Afrique.»

Dans une école du Minnesota, un graffiti disait «Fuck Niggers – Whites only – White America – Trump». «On encule les Nègres/Réservé aux Blancs / Amérique blanche /Trump».

Tout ça n’empêche pas qu’en France les gens de droite nous disent que cette élection est logique, salutaire, voilà ce qui arrive quand on va trop loin dans le politiquement correct, et les gens de gauche qu’il fallait s’y attendre, que voilà ce qui arrive quand on n’entend pas la souffrance des déclassés. Ils nous disent, les uns comme les autres, qu’il faut respecter la force qui émane de la haine et de la bêtise, qu’il ne faut pas trop la titiller ni la contrarier, que sinon il ne faudra pas venir jouer les étonnés. Ils nous disent qu’il faut s’aplatir devant la bassesse et la flatter. Qu’elle représente une force, et que comme devant toutes les forces il faut plier. Et à l’adresse de ceux qui ne veulent pas plier ils ont une insulte toute trouvée «Fuck l’élite».


Christine Angot lit son texte, originellement paru dans Libération, dans l’émission Quotidien de Yann Barthès.