Au milieu des années 1990 surgissait sur le petit écran la série « Sliders : Les mondes parallèles », un nom qui rappellera des souvenirs à toute une jeune génération de spectateurs. Dans cette série de science-fiction américaine, l’Histoire humaine devient chimère. Ses héros sont plongés dans des scenarii alternatifs, certains hautement improbables (les Pharaons dominent le monde), d’autres franchement glaçants (l’URSS grande gagnante de la Guerre Froide). Pour appréhender la vie et l’œuvre de Karim Miské, Sliders est un élément clé, une référence plusieurs fois citée dès les premières pages du roman N’appartenir. L’ouvrage de 80 pages permet à l’auteur, à qui l’on doit notamment Arab Jazz ou encore l’excellente série documentaire Juifs & Musulmans, de se déconstruire. Dans N’appartenir, Karim Miské se dévoile. Tel un héros de la série Sliders, il démonte et remonte son identité, teste les probabilités d’autres destins plus ou moins vraisemblables, il expérimente, cela ressemble à un parcours initiatique. Né à Abidjan, en 1964, d’un père mauritanien diplomate et musulman et d’une mère française, assistante sociale, athée et féministe, Karim Miské est, comme le confie son éditeur, « une bizarrerie aux yeux de ses contemporains : une tête d’Arabe avec des manières de Blanc ». Autrement dit, le produit concret du métissage, l’aboutissement d’une logique de mélange et de progrès. Un pur produit de la Gauche. Quelque part aussi, le début d’une nouvelle humanité… Dès sa plus tendre enfance, le thème de l’origine va engendrer chez l’auteur troubles et questionnements. Il écrit ainsi : « J’habite une étrangeté. Inquiétante, parfois. Ne jamais être exactement celui-là : the Arab in the mirror. Ni celui-ci : le Français dans ma tête. Drôle d’état. Le mien depuis toujours. N’être inclus dans rien, n’habiter aucune catégorie solidement établie. » Chacun leur tour, les adultes qui entourent le petit garçon vont lui demander de choisir un camp : celui de la France et des valeurs judéo-chrétiennes ou bien celui de l’Islam et de la Mauritanie. Puisqu’il est tout cela à la fois, Karim Miské va refuser de faire un choix. On ne préfère pas son père à sa mère.
L’Afrique, le communisme, la littérature : chocs à la chaîne
Cette décision prise, Miské, ou plutôt son double littéraire, va parcourir l’Europe et l’Afrique, découvrir leurs grandeurs et leurs petitesses. Il observe. Mais surtout il n’appartient… Son adolescence sera composée d’une série de chocs à la chaîne. En premier lieu, la découverte de la musique, du jazz au rock jusqu’au punk dont il loue la puissance du message et son intransigeance. Ensuite, l’Afrique, Mauritanie en tête. Il s’agit de la patrie du père absent, un véritable fantasme dans l’esprit du jeune homme d’ordinaire habitué au béton parisien. En découvrant Nouakchott, les sentiments de l’auteur sont pourtant ambivalents. Il aime très vite ces gens qui représentent, pour partie, ses racines. Mais il découvre également avec stupéfaction le vrai visage de ce pays où la coutume contredit parfois ses principes. Le jeune homme va constater la réalité de l’esclavage. Il rencontre des jeunes de son âge qui, comme il le dit avec ses mots d’ado, « se tapent tout le boulot », ce sont les haratines. Soudain, comme dans Sliders, le narrateur se retrouve plongé dans un monde parallèle qui ne lui plait pas et dont il voudrait s’extraire. Problème : il s’agit de la réalité…
Plus tard, Miské reviendra en Afrique. Il arpentera le continent, le racontera, dans toute sa complexité, dans plusieurs reportages et documentaires. Les chocs, eux, continueront de s’enchaîner dans sa vie de jeune homme. Le communisme, espérance aveugle, voudrait alors le formater. Avec sa mère, Miské va découvrir l’Albanie d’Enver Hoxha, un pays soi-disant tourné vers un avenir meilleur qui pourtant, très concrètement, n’offre à voir que des « enfants sales » et une police politique omniprésente. Choqué, le narrateur le constate et le fait savoir. Il découvre alors en sa mère une potentielle commissaire politique jugeant sévèrement les porteuses de rouge à lèvres et les lecteurs de Sartre. L’Albanie d’Hoxha, ses mensonges et ses apparatchiks, devient soudain un nouveau monde parallèle. Miské voudrait à nouveau s’échapper… On pourrait voir en N’appartenir l’histoire d’une révélation : avec l’âge, l’auteur comprend à quel point la réalité dépasse souvent la fiction. Fort de ce constat, il va se jeter corps et âme dans un nouvel idéal, l’Art, qui deviendra sa seule véritable patrie. L’auteur écrit : « Les livres étaient (…) la chose sacrée. Vivre sans eux t’était impossible, tout simplement. En ouvrir un, c’était rentrer à la maison. C’était enfin appartenir au pays de la littérature. » Puissant, moderne et chaudement conseillé.
En acceptant le cadeau empoisonné de Jacob Zuma, le Pion vient de refaire caler au démarrage la Traction avant des pourparlers de paix. Non seulement la statue du dieu Mandela discrédite jusque dans ses fonts baptismaux la goliathesque panarabe, mais elle dévoile, s’il fallait le rappeler, les véritables plans des partenaires antijuifs de l’impossible négociation. Ainsi, en se glissant dans la peau de bronze du héros africain, le pater patriae qui, dit-on, est Abou attend des Hémi-indignés qu’ils se mobilisent pour délivrer son peuple de la politique d’apartheid qui lui est infligée par le colon israélien. Or s’il y a bien un régime de ségrégation raciale au Proche-Orient, c’est celui qui s’applique aux Juifs, chassés de toutes les terres d’islam environnantes. Or s’il y a bien un colon au royaume de David, c’est celui qui peupla la province clé d’une succession de mytho-identitaires semblant avoir beaucoup de mal à se fourrer dans le crâne le principe d’expansion de la vraie foi qui, telle la flamme d’une torche, ne s’éteint pas lorsqu’elle se transmet. L’État juif est l’État d’un peuple souverain, un peuple qui, lorsqu’il accomplissait son dernier exode au lendemain de la victoire anglo-américaine, eût rêvé que la Shoah dont il venait de réchapper n’eût été qu’une simple Nakba. On a la Catapulte qu’on peut. L’exil? parlons-en. On s’y connaît au royaume des Errants. Chaque Juif du XXIe siècle peut en témoigner rien qu’en juxtaposant les patronymes de ses propres ancêtres. Sauf que les Juifs, aux heures canoniales de la Sainte Expurgation, se prenaient généralement une petite raclée intégriste dans la foulée… pas vrai? Étant privés du droit de propriété, il n’eurent, contrairement aux colons de Palestine, jamais une motte de terre à vendre aux nettoyeurs ethniques de leur terre d’écueil. Ils ne purent compter sur aucun allié pour conférer à chacun d’eux un statut de réfugié perpétuel désintégrant chez lui toute chance d’intégration en vue d’un proche repeuplement colonial. Malgré tout cela, les Juifs ont réussi à rentrer chez eux. Plus que morts et, par là même, plus que vivants, qu’ils fussent mauvais ou bons, croyants ou mécréants, les survivants réalisèrent enfin que l’«an prochain» de la prière n’avait jamais cessé d’être à proximité. Pensez-vous sérieusement que l’opération de communication que cherchent à réaliser MM. Zuma et Abbas parviendra à distraire de leur voie invisible ces historiens nés, en prise directe avec l’objet de leur quête, alors même qu’elle renforcera leur compréhension de la stratégie d’empêchement d’une solution à deux États pour deux peuples qui, si elle est préconisée par les sages de l’acommunauté, aura bien du mal à les convaincre du fait que sa recherche est poursuivie par les théoriciens de l’apartheid israélien, lesquels fossoyeurs d’une nature foncièrement humaine attendent que les campus nostalgiques du bon vieux temps de Yasser Guevara restituent aux Arabes leur foyer antinaturel en vue d’une réconciliation nationaliste (trad. : Reconquista islamica) qui ne dit pas son nom, passant nécessairement par l’expulsion des Juifs de Palestine. Les cryptateurs de l’histoire sud-africaine ont été déchiffrés par les négociateurs de la paix israélo-palestinienne. Afin que les Arabes puissent recouvrer la portion congrue de leur empire déchu auprès d’un État juif souverain, faut-il encore qu’Israël n’ait pas été pulvérisé a priori au nom d’un principe de réunification, somme toute, de piètre aloi. De fait, la réunification de la Palaestina romaine n’aura pas lieu car Israël et la Palestine n’ont jamais constitué une entité unique mais bel et bien deux entités séparées par une ligne de démarcation culturelle qui ne demande qu’à être franchie depuis les deux côtés par les partisans de la paix. Ainsi donc, la figure héroïque de l’affranchi moderne ne saurait être d’une quelconque utilité à Ramallah, sinon, sait-on jamais, pour l’éclairage du monde arabe sur la discrimination dont souffrent les démocrates des terres d’islam, pour l’avènement accéléré du pluralisme politique là où la libre conscience fait encore l’objet d’un traitement kagébiste. Courage, mes frères universalistes de Palestine! Tenez bon… tout n’est pas perdu aussi longtemps que le principe de détraction terrestre ne vous fait pas d’effet. Le Gouvernement de la France peut jouer un rôle déterminant dans le soutien éthique apporté aux réfugiés palestiniens, j’entends par là les Palestiniens pacifiques, les Palestiniens internationalistes, et donc, objectivement, les Palestiniens sionistes et non cette parodie de guerre d’indépendance qui ne prendra fin qu’après que l’islam s’arrachera lui-même de son sommeil paradoxal et, recouvrant ses esprits, aura tout le temps d’interpréter son rêve millénariste.
Un témoignage puissant. Merci
Le titre est intéressant et évocateur. Presque une injonction, sans être un impératif. Sublime, très bon signe quant au reste du livre.
Quel parcours ! L’exemple même de la multiplicité de l’identité, du mélange des origines, pour le meilleur !